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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Autour d’Ada Colau, une majorité divisée

Sur la ques­tion de l’in­dé­pen­dance, la maire de Barcelone s’est tou­jours mon­trée pru­dente, cri­ti­quée de toutes parts. Mais pour les membres de sa majo­ri­té, qui regroupe des “pro” et des “anti”, Ada Colau joue son rôle de médiatrice.

Écrit par Marion Huysman Enquête de Marion Huysman et Pauline Thurier, à Barcelone
Publié le 6 mars 201814 mars 2018
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Ce mer­cre­di 21 février, Ada Colau reçoit à l’hôtel de ville les familles des pri­son­niers poli­tiques cata­lans. « Ce n’est pas un acte indé­pen­dan­tiste, c’est un acte en faveur des droits humains », affirme-t-elle, arbo­rant pour la pre­mière fois un ruban jaune, signe du sou­tien aux hommes poli­tiques déte­nus depuis l’au­tomne der­nier. Quelques jours après, elle refuse de ren­con­trer le roi d’Espagne, en visite à Barcelone pour la pre­mière fois depuis la crise.

Barcelone, 21 février 2018. Ada Colau reçoit les familles des poli­tiques en déten­tion à la mai­rie. ©Marion Huysman

Que l’on ne s’y méprenne pas. Ada Colau, maire de la capi­tale cata­lane, est contre l’indépendance. Enfin… per­son­nel­le­ment. C’est là que se cris­tal­lise la contro­verse autour de sa pos­ture, une gym­nas­tique poli­tique dénon­cée par la droite unio­niste comme par l’extrême-gauche indépendantiste.

Car Ada Colau est issue de la mou­vance des Comúns cata­lans, la seule où se côtoient les deux pos­tures. Difficile donc pour elle de pres­crire une posi­tion offi­cielle tran­chée pour l’en­semble du mouvement.

Pourtant, le 1er octobre 2017, jour du réfé­ren­dum sur l’in­dé­pen­dance, Ada Colau ouvre les écoles aux orga­ni­sa­teurs. Elle se rend même aux urnes, et vote blanc. Elle n’est pas indé­pen­dan­tiste, mais marque son sou­tien à la tenue du réfé­ren­dum, alors même qu’il est décla­ré illé­gal par le gou­ver­ne­ment central.

À Barcelone, les résul­tats sont à l’i­mage de le la Catalogne : 89 % pour le oui, 9 % pour le non, mais une par­ti­ci­pa­tion de 41 %. La capi­tale cata­lane est aus­si tiraillée que la région. À l’ap­proche des muni­ci­pales de 2019, prendre posi­tion consti­tue un gros risque élec­to­ral.

2015. Capture d’é­cran du docu­men­taire “Alcaldessa”, ©Pau Faus

Si sa posi­tion actuelle est si déli­cate, c’est dû à la nature même de son par­ti. Car Ada Colau n’est pas une maire cata­lane comme les autres.

Arrivée à la tête de la deuxième ville d’Espagne il y a bien­tôt trois ans, elle a embras­sé son rôle de maire avec solen­ni­té, lais­sant (presque) der­rière elle son pas­sé d’ac­ti­viste sociale.

Élue en 2015 à l’issue d’une cam­pagne sociale et citoyenne, dans le sillage du mou­ve­ment des Indignés et de la mon­tée de Podemos, elle défend un pro­jet de renou­vel­le­ment poli­tique pour la ville de Barcelone. Un an plus tôt, avec d’autres acti­vistes de son asso­cia­tion de défense du droit au loge­ment, la PAH (Plateforme des vic­times du cré­dit hypo­thé­caire), elle crée Guanyem (Gagnons), une pla­te­forme citoyenne de gauche radi­cale, façon Nuit Debout, qui ambi­tionne de rem­por­ter la mairie.

Ada Colau est à l’é­poque une per­son­na­li­té « anti-establishment » connue en Espagne. Très enga­gée dans la défense des expul­sés bar­ce­lo­nais, elle est co-fondatrice, et pen­dant long­temps porte-parole de la PAH.

Lorsqu’elle décide de concou­rir pour la mai­rie, Pau Faus, mili­tant de Guanyem, réa­lise un docu­men­taire sur sa cam­pagne. Le film est cen­tré sur la forte per­son­na­li­té de la cheffe de l’or­ga­ni­sa­tion, qui sera renom­mée Barcelona en Comú (Barcelone en Commun ou BeC) dans les der­niers mois avant l’élection.

Le chan­ge­ment de nom illustre l’am­bi­tion de l’or­ga­ni­sa­tion : « Au-delà de la cam­pagne muni­ci­pale, c’est un pro­jet poli­tique », explique Pau Faus. Le modèle de Barcelone en Commun se décline un peu par­tout en Espagne, à toutes les échelles (Catalogne en Commun, Maintenant Madrid ou encore Saragosse en Commun). C’est ce qu’on les appelle les Comúns, et ils sont affi­liés à Podemos.

Le 24 mai 2015, Barcelone en Commun rem­porte l’élection muni­ci­pale. Une révo­lu­tion pour ce par­ti au départ mar­gi­nal, dont les membres sont qua­si­ment tous issus de la socié­té civile. Mais sur 41 sièges, le par­ti en obtient seule­ment 11 et doit s’al­lier avec d’autres par­tis de gauche (dont les socia­listes du PSC et Esquerra repu­bli­ca­na, la gauche répu­bli­caine cata­lane) pour gouverner.

Ada Colau maire, c’est un bou­le­ver­se­ment pour la ville : d’a­bord c’est une femme, la pre­mière à accé­der à la mai­rie de Barcelone. Activiste sociale, jeune (44 ans), mère sans être mariée, ouver­te­ment bisexuelle, elle incarne une figure sub­ver­sive dans une Espagne encore très conservatrice.

Pour la ville, qui sort du man­dat conser­va­teur et libé­ral de Xavier Trias, Barcelone en Commun défend un pro­gramme pro­gres­siste, éco­lo­gique et par­ti­ci­pa­tif. Une meilleure maî­trise du tou­risme de masse, la lutte contre la cor­rup­tion et, sur­tout, une plus grande jus­tice concer­nant le loge­ment. À Barcelone, c’est un des grands thèmes de cris­pa­tion pour la popu­la­tion et le coeur de l’en­ga­ge­ment d’Ada Colau. Depuis la crise éco­no­mique, les expul­sions se sont multipliées.

À l’époque de l’élection d’Ada Colau, la ques­tion indé­pen­dan­tiste appa­rais­sait secon­daire, loin des pré­oc­cu­pa­tions de ses élec­teurs. « On disait que ce n’était pas notre pro­blème. On vou­lait que les sujets muni­ci­paux soient au coeur du débat », explique Robert Soro, conseiller Barcelone en Commun du dis­trict de Gràcia.

Le tournant de la crise

Lui n’est pas pour une indé­pen­dance totale de la Catalogne, telle que pro­po­sée par Carles Puigdemont, le pré­sident régio­nal des­ti­tué en bras de fer avec Madrid. Le matin du 1er octobre 2017, il pen­sait ne pas aller voter.
Pourtant, vers midi, il est bou­le­ver­sé par les images des poli­ciers répri­mant les citoyens dans les bureaux de vote. « Je me suis dit que je devais aller voter. D’accord, le réfé­ren­dum était illé­gal, mais ce n’était pas une rai­son pour agir comme ça », s’indigne-t-il. « À ce moment-là, le plus impor­tant était de mon­trer que les gens vou­laient voter. » Une fois sur place, il vote nul. Ce qui lui importe, « c’est de glis­ser un bul­le­tin dans une urne. »

Barcelone, 1er octobre 2017. Robert Soro glisse un bul­le­tin nul dans l’urne. ©Robert Soro

Pour Barcelone en Commun, le 1er octobre et la vio­lence poli­cière pro­voquent un bou­le­ver­se­ment des consciences. Pau Faus l’affirme : « per­sonne ne pou­vait s’attendre à ce qui est arri­vé. »

Pour Sonia Abella, res­pon­sable inter­na­tio­nale de BeC, et indé­pen­dan­tiste pas­sion­née, la répres­sion du gou­ver­ne­ment cen­tral ren­force sa posi­tion. « S’il y avait eu une volon­té de dia­logue de la part du gou­ver­ne­ment espa­gnol, ça aurait chan­gé mon posi­tion­ne­ment. »

 

Une position ambiguë ?

Les anti-indépendantistes du par­ti, majo­ri­taires, s’accordent sur une posi­tion : le réfé­ren­dum est la solu­tion au pro­blème, et le peuple cata­lan doit déci­der pour lui-même.
Jaume Asens, indé­pen­dan­tiste, mais aus­si troi­sième adjoint et bras droit d’Ada Colau, défend cette pos­ture adop­tée par la maire. « Elle a tou­jours dit qu’elle n’était pas indé­pen­dan­tiste, elle a été très claire. Ça ne veut pas dire qu’elle n’est pas d’accord avec le droit des Catalans de déci­der de leur propre futur. » Il faut, pour la plu­part des Comúns, un réfé­ren­dum orga­ni­sé en accord avec Madrid.

« Ce n’est pas une posi­tion confor­table, insiste Pau Faus, mais nous n’al­lons pas choi­sir. Pour les unio­nistes, [Ada Colau] est indé­pen­dan­tiste, et pour les indé­pen­dan­tistes, elle est unio­niste. » Il regrette que « les gens [aient] l’impression d’être for­cés de choi­sir. »

Une opposition virulente

Et en effet, la posi­tion d’Ada Colau convainc peu par­mi ses oppo­sants au sein de la muni­ci­pa­li­té. Pour Carina Mejías, dépu­tée muni­ci­pale Ciudadanos (le par­ti de centre-droit unio­niste), le masque est tom­bé : « Chaque fois qu’elle a pu, Ada Colau a appuyé le mou­ve­ment indé­pen­dan­tiste. »

Mais du côté indé­pen­dan­tiste, Ada Colau est tout aus­si critiquée.

Xavier Trias, son pré­dé­ces­seur à la mai­rie de Barcelone et chef du par­ti PDeCat (Parti démo­crate euro­péen cata­lan, le par­ti de Carles Puigdemont) au conseil muni­ci­pal, est son prin­ci­pal oppo­sant poli­tique : « Elle prend trop de dis­tance. Barcelone est la capi­tale de la Catalogne, nous devons être une réfé­rence, et la maire doit prendre une posi­tion forte », fustige-t-il.

Crispations

Malgré tout, la crise indé­pen­dan­tiste est-elle par­ve­nue à frac­tu­rer Barcelone en Commun ? Ce qui res­sort sur­tout quand on dis­cute avec les Comúns bar­ce­lo­nais, c’est l’at­ta­che­ment à leur lea­der. Ada Colau ne semble pas contes­tée chez Barcelone en Commun. Sonia Abella l’af­firme, sou­rire aux lèvres, elle n’a « jamais sen­ti de cris­pa­tions dans le par­ti, il y a tou­jours eu beau­coup de res­pect. »

Barcelone, 2018. Le siège de Barcelone en com­mun, dans le quar­tier d’Eixample. ©Marion Huysman

Robert Soro, pour­tant, admet à demi-mot qu’ « il y a des pres­sions ».

Raquel Prado, conseillère BeC du quar­tier de Sarrià Sant-Gervasi et avo­cate, est contre l’in­dé­pen­dance. Exaspérée, elle sou­tient qu’elle reçoit chaque jour « des mes­sages internes qui veulent nous pous­ser à nous posi­tion­ner en indé­pen­dan­tistes ». « Des gens ont quit­té le par­ti », concède Robert Soro. La séré­ni­té et l’heureuse coha­bi­ta­tion affi­chées par le par­ti sont peut-être plus fra­giles qu’il n’y paraît.

Effectivement, la pola­ri­sa­tion des gens sur la ques­tion indé­pen­dan­tiste leur a fait perdre des voix aux élec­tions régio­nales de décembre. « Ça peut nous tuer… », s’attriste Raquel Prado. « On en a marre, il y a une grande fatigue ». Comme dans un appel, elle implore : « le plus impor­tant, c’est que Barcelone, en tant que ville, ne rejoigne aucun des deux blocs. » C’est un numé­ro d’é­qui­li­brisme poli­tique pour la maire.

Difficile pour Ada Colau et les Comúns de conti­nuer à mili­ter sur les thé­ma­tiques sociales dans un tel cli­mat de ten­sion. Pour beau­coup d’entre eux, le pou­voir cen­tral comme les indé­pen­dan­tistes ont tout à gagner à ce que l’espace poli­tique et média­tique soit satu­ré par la ques­tion. Pour Yusef Quadura, coor­di­na­teur pon­dé­ré de BeC à Gràcia, « c’est dans l’intérêt de beau­coup de monde que ça reste comme ça. Personne ne prête plus atten­tion aux pro­blèmes de san­té publique et de cor­rup­tion. » Raquel Prado s’en amuse amè­re­ment : « Chez les Comúns, on fait sou­vent une blague qui consiste à dire que Rajoy et Puigdemont se gaussent ensemble et se féli­citent de la situa­tion. »

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Henry de Laguérie, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon.

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Rubrique : Dos à dosMots-clés : catalogne, ada colau, barcelone, politique, mairie

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