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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Carles Puigdemont : le journalisme au cœur, la politique dans l’âme

Avant de se lan­cer en poli­tique et de deve­nir le pré­sident de la Généralité de Catalogne, Carles Puigdemont était jour­na­liste. Ses deux car­rières ont été influen­cées par un même désir : défendre la nation cata­lane et encou­ra­ger son indépendance. 

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Écrit par Juliette Delage Enquête de Juliette Delage et Pauline Pauquet, à Barcelone et Gérone
Publié le 2 mars 201823 mars 2018
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Levez les yeux. L’este­la­da, le dra­peau indé­pen­dan­tiste cata­lan, flotte triom­pha­le­ment au des­sus de la façade. Entrez, tour­nez la tête. Sur les murs, des affiches frap­pées de slo­gans mili­tants en lettres capi­tales se che­vauchent. Approchez-vous. Partout, des petits rubans jaune jon­quille. Ils sym­bo­lisent l’indignation face à l’emprisonnement de lea­ders catalanistes. 

Gérone, rédac­tion du jour­nal El Punt-Avui, 20 février 2018. Dans la rédac­tion, Carles Puigdemont demeure pré­sent. ©Juliette Delage

Mais ne vous mépre­nez pas. Il ne s’agit pas du siège du Partit Demòcrata Europeu Català (PDeCAT, Parti démo­crate euro­péen cata­lan). Vous êtes au coeur de la rédac­tion d’El Punt – Avui, un jour­nal cata­lan basé à Gérone, à 100 kilo­mètres au nord de Barcelone. Le troi­sième quo­ti­dien de la région, qui ras­semble chaque jour envi­ron 20 000 lec­teurs. Ici, tout tra­hit l’attachement aux idées de celui qui y était vingt ans plus tôt, le rédac­teur en chef : Carles Puigdemont.

À l’image du désor­mais ex-président de la Generalitat de Catalogne, El Punt-Avui entre­tient sans com­plexe une confu­sion évi­dente entre jour­na­lisme et poli­tique. Carles Puigdemont incarne plei­ne­ment ce mélange des genres, cou­rant en Espagne. Sans cesse ins­pi­ré par son désir de faire de la Catalogne un pays à part entière, le lea­der indé­pen­dan­tiste s’est adon­né pen­dant toute sa car­rière jour­na­lis­tique à un numé­ro d’é­qui­li­briste per­ma­nent. En s’offrant aux urnes, le funam­bule s’est pré­ci­pi­té dans le vide. Dans sa chute, son expé­rience et son réseau de jour­na­liste l’ont rete­nu, comme un solide filet. 

 Le journalisme comme vocation 

Gérone, rédac­tion du jour­nal El Punt-Avui, 20 février 2018. Miquel Riera, direc­teur de la rubrique Culture de l’édition natio­nale d’El Punt-Avui. ©Pauline Pauquet

« Le jour­na­lisme a tou­jours été sa pre­mière voca­tion. » Miquel Riera, 57 ans, est le direc­teur de la rubrique Culture de l’édition natio­nale d’El Punt-Avui. Il tra­vaille déjà au jour­nal depuis trois ans lorsque Carles Puigdemont intègre l’équipe en 1982. Âgés d’à peine 18 ans, ils occupent des postes de cor­res­pon­dants locaux. Lui à Torroella de Montgri, et Carles Puigdemont à Amer, sa ville natale, deux loca­li­tés de la pro­vince cata­lane de Gérone. « C’est quelqu’un qui aime pro­fon­dé­ment les langues, se sou­vient son ancien col­lègue.  Il était ani­mé par la recherche du mot juste.  »

Compilation de brèves écrites par Carles Puigdemont. (Archives)

Miquel Riera parle d’une voix rauque et calme, empreinte d’une cer­taine mélan­co­lie. Il a l’air sage dans son pull en laine bleu marine, le regard dis­si­mu­lé par d’épais verres rec­tan­gu­laires. Seuls ses doigts mani­pu­lant fré­né­ti­que­ment son sty­lo Montblanc tra­hissent une cer­taine anxié­té. Un autre de ses anciens col­lègues jour­na­listes, qui sou­haite gar­der son iden­ti­té secrète pour ne pas des­ser­vir  sa cou­ver­ture de la poli­tique cata­lane – nous l’appellerons Tom -,  témoigne : « Carles était un jour­na­liste doué pour trou­ver de bons sujets, c’était ins­tinc­tif. » Sans cher­cher à dis­si­mu­ler son aigreur, il affirme : « Son pro­blème, c’est qu’il res­tait foca­li­sé sur la Catalogne. Entre deux sujets, il choi­sis­sait tou­jours celui qui met­tait le plus en valeur sa région. »  

 De la confusion entre journalisme et engagement politique

La car­rière jour­na­lis­tique de Carles Puigdemont se construit autour d’une obses­sion :  la Catalogne. À l’université de Gérone, où il suit des cours en paral­lèle de son poste de cor­res­pon­dant, il ne se dirige ni vers le jour­na­lisme, ni vers les sciences poli­tiques mais vers la phi­lo­lo­gie cata­lane*. Il dévore les auteurs clas­siques cata­lans, sur­tout ceux issus de la Renaissance. « Dans les années 1990, per­sonne ne s’intéressait à la Catalogne, encore moins à son indé­pen­dance, Carles était une excep­tion, confie son ami et bio­graphe Carles Porta. Il a tou­jours été pro­fon­dé­ment convain­cu que la Catalogne était une nation, avec une langue, une culture et une his­toire propres, et qu’elle était arri­vée acci­den­tel­le­ment en Espagne. »

 « Il était jour­na­liste un peu comme il est poli­ti­cien, rap­porte Miquel Riera. Avec beau­coup de per­sé­vé­rance et le besoin vis­cé­ral de devoir tout contrô­ler ». En juin 1992, Barcelone s’apprête à accueillir les Jeux olym­piques d’été, les pre­miers orga­ni­sés par l’Espagne. Une qua­ran­taine d’indépendantistes cata­lans sont incar­cé­rés. « Une déci­sion arbi­traire », pour Miquel Riera. Ils font par­tie de l’organisation  armée Terra Lliure. À quelques jours de l’arrivée des pre­miers ath­lètes, les poli­ciers craignent un atten­tat.  « Carles n’a pas sup­por­té ce qu’il consi­dé­rait comme une per­sé­cu­tion poli­tique, insiste le jour­na­liste. Il a orga­ni­sé un concert pour mili­ter en leur faveur. »

Gérone, 1988. Carles Puigdemont entou­rés de ses col­lègues jour­na­listes dans la rédac­tion d’El Punt. (Archives) 

Pour Tom, le rap­port de Carles Puigdemont à la Catalogne est « qua­si reli­gieux ». Même dans une Espagne où les jour­na­listes sont plus poli­ti­sés qu’en France, son enga­ge­ment en faveur de l’in­dé­pen­dance met à mal l’ob­jec­ti­vi­té requise par son métier. Cette ambi­guï­té com­mence à contra­rier sa car­rière à El Punt. Alors qu’il est deve­nu le rédac­teur en chef du quo­ti­dien, la direc­tion refuse de l’augmenter. « Il était vrai­ment trop indé­pen­dan­tiste, souffle Carles Porta. Quim Nadal, le maire socia­liste de Gérone, a encou­ra­gé son licen­cie­ment ». Il finit par quit­ter le jour­nal en 1994 et entre­prend un voyage en forme d’évangélisation en Europe. L’objectif ? Faire décou­vrir la Catalogne et sa culture au reste du Vieux Continent. Il ren­contre des jour­na­listes et se consti­tue une col­lec­tion d’articles. L’ignorance euro­péenne devient le titre du récit de son expé­di­tion,  Cata… què?, en fran­çais « Cata… quoi ? ».

« Le plus catalaniste des journalistes »

Carles Puigdemont dans les années 1990. (Archives)

« Le plus cata­la­niste des jour­na­listes », d’après les mots de Carles Porta, pour­suit son des­sein : uti­li­ser la puis­sance des médias pour sou­te­nir l’idée d’une Catalogne indé­pen­dante. Doué d’importantes connais­sances en infor­ma­tique, il créé une agence de presse cata­lane. Depuis 1999, L’ACN (Agència Catalana de Notícies) pro­duit et dif­fuse des infor­ma­tions liées à la Catalogne depuis Barcelone mais aus­si Madrid, Londres et Bruxelles. Quelques années plus tard, en 2004, il met en place un média dédié à la Catalogne en anglais, Catalonia Today, où il tra­vaille­ra avec son épouse, la jour­na­liste rou­maine Marcela Topor. « Carles Puigdemont est un mis­sion­naire pour la Catalogne, sou­ligne Tom. Il vou­lait que le monde entier com­prenne que sa région était à part ».

Tom se met subi­te­ment à par­ler à voix basse lorsqu’il décrit le rituel auquel cédait quo­ti­dien­ne­ment son ancien col­lègue. Dans sa voi­ture, Carles Puigdemont écoute Radio Cope, une sta­tion espa­gnole géné­ra­liste clas­sée comme conser­va­trice et anti-indépendantiste. Pour Tom, « c’était un moyen d’amplifier sa fureur, et d’arriver à la rédac­tion en colère contre ses oppo­sants poli­tiques, prêt à en découdre sur le papier ». Miquel Riera affirme de son côté que « Carles res­pec­tait l’objectivité requise par son métier. Ses idées étaient connues de ses lec­teurs mais il les réser­vait uni­que­ment à ses édi­tos ». 

Un journaliste dans l’arène politique 

Les idées du jour­na­liste enga­gé et sa fran­chise attisent les convoi­tises. À la veille des élec­tions légis­la­tives anti­ci­pées de 2006 le par­ti Convergence démo­cra­tique de Catalogne  (CDC, centre-droit, deve­nu depuis le PDeCAT) et l’Union démo­cra­tique de la Catalogne, ras­sem­blés dans une fédé­ra­tion, lui pro­posent d’intégrer leur liste. Carles Puigdemont accepte. « Il était per­sua­dé que le jour­na­lisme pou­vait chan­ger la vie des gens, c’est pour ça qu’il aimait ce métier, raconte Carles Porta, mais il savait que la poli­tique lui per­met­trait d’aller plus loin ». Il quitte Catalonia Today et est élu dépu­té du Parlement de Catalogne pour Gérone. 

Son sta­tut de jour­na­liste n’est pas un obs­tacle. Les Espagnols sont habi­tués à ce genre de recon­ver­sion. « Contrairement à d’autres poli­tiques espa­gnols, il n’est moti­vé ni par le pou­voir, ni par l’argent, ajoute Tom. Seule la Catalogne l’intéresse. » Après une pre­mière défaite face aux socia­listes en 2007, il par­vient fina­le­ment à rem­por­ter la mai­rie de Gérone en 2011 avant d’être réélu en 2015. « Il a tou­jours dit qu’après 8 ans de man­dat à la mai­rie, il retour­ne­rait dans une rédac­tion, se sou­vient avec malice Carles Porta, il n’avait pas pré­vu la suite des évè­ne­ments ».

Carles Puigdemont sur le pont Eiffel à Gérone. ©Diari La Veu/Flickr

La nomi­na­tion de Carles Puigdemont à la pré­si­dence de la Generalitat de Catalogne en jan­vier 2016 inter­vient à la sur­prise géné­rale. Les résul­tats des élec­tions anti­ci­pées de sep­tembre 2015 viennent de mettre en péril la recon­duc­tion pour un troi­sième man­dat d’Artur Más, lea­der du CDC. L’opposition viru­lente des dépu­tés de la Candidature d’u­ni­té popu­laire (CUP, gauche radi­cale, indé­pen­dan­tiste) entrave la for­ma­tion d’un gou­ver­ne­ment. Il annonce fina­le­ment le retrait de sa can­di­da­ture en faveur de Carles Puigdemont.  Sur WhatsApp, les mes­sages de stu­pé­fac­tion des jour­na­listes affluent. « On n’en reve­nait pas, raconte Tom, on n’arrêtait pas de s’envoyer “tu ne devi­ne­ras jamais qui est le nou­veau pré­sident de la Generalitat !”  ».

« Puigdemont était chez lui, à Gérone, avec ses filles et sa femme, lorsqu’Artur Más l’a appe­lé pour lui annon­cer la nou­velle », raconte Joan Maria Piqué, son atta­ché de presse. Une épaisse mèche brune « puig­de­mo­nienne » sup­plante ses lunettes avia­teur en métal. Sur sa veste en laine bleue, le petit ruban jaune évo­ca­teur. « Carles Puigdemont était inquiet de la situa­tion poli­tique cata­lane, explique t‑il. Il a accep­té ce rôle comme un devoir. »

Des discours maîtrisés

Barcelone, 19 février 2018. Alistair Spearing, res­pon­sable de la stra­té­gie poli­tique euro­péenne du mou­ve­ment jeu­nesse du PDeCAT. ©Juliette Delage

« Le pré­sident Puigdemont s’intéresse aux gens, se met à leur place, assure Alistaire Spearing. C’est à la fois une qua­li­té de jour­na­liste et d’homme poli­tique. » À 30 ans, il est le res­pon­sable de la stra­té­gie poli­tique euro­péenne du mou­ve­ment jeu­nesse du PDeCAT. Visage rond et débon­naire, che­veux châ­tain clair en épis, il sou­ligne « la capa­ci­té du Président Puigdemont à com­mu­ni­quer un mes­sage avec un impact ». Une tasse de thé fumant entre les mains, il explique que « Carles Puigdemont a très vite com­pris la néces­si­té de créer des liens avec ses élec­teurs, c’est d’ailleurs pour ça qu’il est très connec­té sur les réseaux sociaux ! » Passionné de nou­velles tech­no­lo­gies, il est l’un des pre­miers poli­tiques à inves­tir Twitter. « Son compte a dix ans ! s’exclame t‑il. Il y était avant tout le monde. »

Menacé d’emprisonnement pour avoir pro­cla­mé l’indépendance de la Catalogne, Carles Puigdemont s’est réfu­gié à Bruxelles depuis le 30 octobre der­nier.  « Si Carles se rend à la jus­tice espa­gnole et qu’il est mis en pri­son, il risque d’être oublié par le reste du monde, argu­mente Joan-Maria Piqué. À Bruxelles, il est libre de par­ler et peut conti­nuer son com­bat. » À deux pas de la Commission euro­péenne, il mobi­lise plei­ne­ment ses com­pé­tences jour­na­lis­tiques et lin­guis­tiques au ser­vice de sa cause poli­tique. Parfaitement fran­co­phone et anglo­phone, il s’exprime face aux jour­na­listes inter­na­tio­naux dans leur langue. « Sa maî­trise des langues donne une autre dimen­sion à son dis­cours », com­mente Miquel Riera. Tom est caté­go­rique : « Il connaît les attentes des jour­na­listes, il sait com­ment atti­rer leur atten­tion, comme quand il a pro­po­sé de pré­si­der la Catalogne… par Skype ».  

Exilé loin de la région qui a gui­dé ses deux car­rières, Carles Puigdemont refuse aujourd’hui toutes les inter­views. Carles Porta affirme s’entretenir régu­liè­re­ment avec son ami : « Il lit beau­coup, des jour­naux et des recueils de poé­sies aus­si. »  Parce que c’est sa « pre­mière voca­tion », il est convain­cu qu’une fois l’indépendance acquise, « Carles Puigdemont revien­dra au journalisme ».


*phi­lo­lo­gie : Étude cri­tique d’une langue à tra­vers des docu­ments écrits

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Henry de Laguérie, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon. 

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Rubrique : Dos à dosMots-clés : indépendance, catalogne, barcelone, politique, puigdemont, catalan, média, gérone, journalisme, carlespuigdemont, PDeCAT, girona, journaliste, catalanisme

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