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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Face à l’indépendantisme catalan, l’extrême-droite espagnole y va Franco

Électoralement mar­gi­nale, l’extrême-droite espa­gnole s’est fait remar­quer au cours des mani­fes­ta­tions de l’automne 2017 en Catalogne. Elle ne reven­dique pas direc­te­ment son atta­che­ment au fran­quisme, mais la droite extrême – pilier de la lutte contre l’indépendance cata­lane – conserve les valeurs de l’époque.

Écrit par Diane Berger Enquête de Anne-Sophie Thill et Diane Berger, à Barcelone et Cerdanyola del Valles
Publié le 6 mars 201814 mars 2018
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L’interview a com­men­cé il y a vingt minutes, Antonio Amador et Lola Martín n’ont pas ces­sé de sou­rire. Ils sont res­pec­ti­ve­ment le vice-président et la pré­si­dente de l’antenne bar­ce­lo­naise de Vox, un par­ti fon­dé en 2014 par des anciens du Partido popu­lar (PP, Parti popu­laire) espa­gnol. Dans la bonne humeur, ils expliquent l’histoire de leur mou­ve­ment poli­tique. Ses posi­tions prin­ci­pales : cen­tra­li­sa­tion de l’État, défense de la famille, lutte contre la cor­rup­tion. Une Bible illus­trée pour enfants est posée sur le bureau de l’agence immo­bi­lière où Antonio Amador tra­vaille et reçoit.

Puis la conver­sa­tion glisse vers le chan­tier mémo­riel enga­gé par Ada Colau, la maire de Barcelone. Depuis quelques années, celle-ci s’est lan­cée dans une poli­tique de chan­ge­ment de noms des rues, afin d’éva­cuer tout hon­neur fait aux diri­geants fran­quistes dans sa ville. Antonio Amador sou­pire. A sa droite, Lola Martín s’énerve.

Cerdanyola del Valles, 21 février 2018. Lola Martín est en charge de Vox Barcelona. Elle votait pour le PP jus­qu’à ce que ce par­ti renonce à révi­ser la loi sur la mémoire his­to­rique et à res­treindre le droit à l’a­vor­te­ment. ©Diane Berger

« Il faut se rap­pe­ler que 8 000 per­sonnes ont été tuées quand Lluís Companys gou­ver­nait. Et lui, il a des sta­tues par­tout en Catalogne ! », lancent-t-ils. Companys était le pré­sident de la Generalitat (Généralité, le gou­ver­ne­ment) de Catalogne, de 1934 à 1940, avant d’être exé­cu­té par l’armée franquiste.

« Nous devrions sup­pri­mer la loi de mémoire his­to­rique », s’emporte la quin­qua­gé­naire, sym­bole “Peace and Love” autour de son cou. Elle fait réfé­rence à la loi votée par le Congrès espa­gnol en 2007 à l’initiative du gou­ver­ne­ment socia­liste de José Luiz Rodriguez Zapatero. Le texte vise à recon­naître les vic­times du régime fran­quiste. Lola Martín a ces­sé de sou­te­nir le PP, reve­nu au pou­voir en 2011, quand celui-ci a renon­cé à révi­ser la loi. « Avec ce texte, Zapatero a fait reve­nir en Espagne la haine que nous avions oubliée. »

Vox réclame la fin des pri­vi­lèges accor­dés aux régions. Comme d’autres mou­ve­ments à la droite extrême de l’échiquier poli­tique, ils font par­tie des plus unio­nistes des unio­nistes. « Avec la crise cata­lane, nous avons été plus média­ti­sés qu’avant », pré­cise Lola Martin. Elle déplore : « On nous a trai­tés de fas­cistes. »

« Vox, ce sont les purs nos­tal­giques du fran­quisme », rétorque Jordi Pons Pujol, auteur d’une thèse sur la Catalogne au début du XXème siècle et membre de l’association Mémoire et Histoire de Manresa, une ville à 30 km au nord-ouest de Barcelone. Le par­ti n’est pas le seul mou­ve­ment espa­gnol d’extrême-droite à res­ter proche du fran­quisme. Et depuis quelques mois, face à la crise cata­lane, l’idéologie de la dic­ta­ture – jamais vrai­ment éva­cuée – réap­pa­raît dans la socié­té hispanique.

Des groupes héritiers du franquisme

Jordi de la Fuente est en charge de la com­mu­ni­ca­tion du par­ti Plataforma per Catalunya (PxC, Plateforme pour la Catalogne). Il est très à l’aise quand il s’agit de par­ler avec diplo­ma­tie du pro­gramme de son mou­ve­ment et de la crise cata­lane. « Nous sommes fiers d’être Catalans, nous nous mobi­li­sons pour elle, mais au sein de la démo­cra­tie espa­gnole, affirme-t-il. Nous sommes contre l’indépendance, mais nous sommes prêts à dis­cu­ter avec les indé­pen­dan­tistes ».

Mais le tren­te­naire, cos­tard et veste en cuir, gri­mace lorsqu’il est inter­ro­gé sur le tra­vail de mémoire enga­gé par la maire Ada Colau. Il finit par concé­der : « Nous sommes d’accord avec ces efforts. Mais nous ne pou­vons faire de ces ques­tions le point prin­ci­pal de notre agen­da poli­tique. » Il mani­pule ner­veu­se­ment la cuillère de son café, avant d’ajouter : « Et si nous nous sou­ve­nons des actes com­mis d’un côté, nous devons aus­si se sou­ve­nir des crimes de l’autre côté. »

Comme Vox, PxC se défend d’appartenir à l’extrême-droite. Le mou­ve­ment serait « trans­ver­sal », selon Jordi de la Fuente : « Nous avons le même posi­tion­ne­ment que le Front natio­nal en France. Nous avons des idées de droite, d’autres du centre, et des idées de gauche. » Parmi les mesures phares du mou­ve­ment : une nou­velle répar­ti­tion des com­pé­tences entre la région de Catalogne et l’Etat espa­gnol, la pré­fé­rence natio­nale pour l’attribution des allo­ca­tions sociales, et la lutte contre l’implantation de mos­quées dans la région. Et comme le Front natio­nal, PxC se dit vic­time d’un « cordón sani­ta­rio » (cor­don sani­taire) de la part des autres par­tis poli­tiques : « Nous sommes les méchants », rit Jordi de la Fuente, tout en refu­sant de pré­ci­ser sa pensée.

Barcelone, 20 février 2018. Le mou­ve­ment auquel appar­tient Jordi de la Fuente, PxC, a par­ti­ci­pé à plu­sieurs mani­fes­ta­tions devant le bâti­ment de la Generalitat. ©Diane Berger

PxC a été fon­dé en 2001 par Josep Anglada. Cet homme poli­tique a com­men­cé sa car­rière au sein de Fuerza nue­va (FN, Force neuve), un par­ti natio­na­liste fon­dé en 1966, qui défen­dait « les idéaux du 18 juin 1936 » – réfé­rence au sou­lè­ve­ment natio­na­liste qui a mené Franco au pou­voir. Jordi de la Fuente le recon­naît, PxC serait com­po­sé « de quelques per­sonnes qui ont mili­té à Fuerza nue­va » durant leur jeu­nesse. Il tente de rela­ti­vi­ser : « Il y a aus­si des gens du centre-gauche, du centre-droit ».

« Fuerza nue­va est un ancien bun­ker fran­quiste », le contre­dit Carole Viñals, pro­fes­seure de civi­li­sa­tion espa­gnole, spé­cia­liste du post-franquisme, à la facul­té de Lille 3. « Il s’est dis­sout en des tas de grou­pus­cules, qui n’ont pas de force poli­tique réelle pour le moment, mais qui existent tou­jours. » Certains nos­tal­giques du fran­quisme ont rejoint le PP, d’autres se sont épar­pillés dans ces divers mouvements.

 

L’extrême-droite dans le camp unioniste

Ces groupes de l’ultra-droite espa­gnole sont mar­gi­naux en temps nor­mal. Mais leur oppo­si­tion au régio­na­lisme a fait d’eux l’un des piliers de la mobi­li­sa­tion contre l’indépendantisme cata­lan, au cours de l’automne 2017.

« En Europe, l’extrême-droite est essen­tiel­le­ment anti-immigration, ana­lyse Jordi Borras, essayiste et pho­to­graphe qui a cou­vert beau­coup de mani­fes­ta­tions de ces mou­ve­ments. L’extrême-droite en Espagne pro­meut d’abord un ultra­na­tio­na­lisme espa­gnol ». Celui-ci est par nature oppo­sé aux régio­na­lismes. Dans les semaines pré­cé­dant le réfé­ren­dum cata­lan du 1ᵉʳ octobre 2017, « ils ont été les pre­miers à mani­fes­ter, et à appe­ler à la mobi­li­sa­tion de l’Espagne », pré­cise le pho­to­graphe cata­lan. A l’automne, ce blo­gueur (http://www.jborras.cat/) a comp­té 139 actions vio­lentes com­mises par des groupes “espa­gno­listes” envers des par­ti­sans du réfé­ren­dum en Catalogne.

Implicitement, les valeurs du fran­quisme reviennent dans les dis­cours de ces groupes : unio­nisme, famille, défense de la nation espa­gnole. Après la dic­ta­ture, il n’y a pas eu de tra­vail de mémoire aus­si fort que dans d’autres pays euro­péens. « C’est comme s’il n’y avait pas eu de déna­zi­fi­ca­tion en Allemagne après la guerre. Beaucoup de cher­cheurs parlent de ‘fran­quisme socio­lo­gique’, explique Carole Viñals, il reste des pra­tiques issues de cette époque. » Et d’après l’enseignante, la socié­té espa­gnole pré­fère déli­bé­ré­ment taire ce qui s’est pas­sé durant la dictature.

Les conséquences de la loi d’amnistie

« Nous avons obte­nu une démo­cra­tie sans faire de révo­lu­tion », ana­lyse Jaume Lopez, poli­to­logue à l’Université Autonome de Barcelone. « Ce qui signi­fie en réa­li­té qu’en l’espace de trois ans, les hommes d’Etat, en charge sous Franco, ont conser­vé leur place au sein de la démo­cra­tie. » Au cours du chan­ge­ment de régime, amor­cé en 1975 à la mort du Caudillo, les res­pon­sables du régime né en 1936 n’ont pas été condam­nés puisqu’ils res­taient au pou­voir. Et ils furent pro­té­gés par la loi d’amnistie de 1977 : « A l’époque, cette loi d’amnistie était en fait deman­dée par la socié­té, afin de faire libé­rer les pri­son­niers poli­tiques, déve­loppe Jaume Lopez. Mais cette loi d’amnistie fut aus­si uti­li­sée par les mili­taires pour évi­ter l’incarcération. Il y a fina­le­ment pro­ba­ble­ment eu plus de per­sonnes sau­vées de la pri­son dans le camp fran­quiste que chez les démo­crates. »

« C’est vrai qu’il y a eu des actes de vio­lence pen­dant la guerre civile espa­gnole de tous côtés, recon­naît Jordi Pons Pujol, de l’association Mémoire et Histoire de Manresa. Mais la logique de “ne pas éveiller l’his­toire” ne béné­fi­cie qu’à un seul côté : celui de la répres­sion fasciste. »

Lui qui s’affirme clai­re­ment indé­pen­dan­tiste rejette le paral­lèle dres­sé par l’extrême-droite entre crimes répu­bli­cains et crimes fran­quistes durant la guerre d’Espagne et les années qui ont sui­vi. La jus­tice répu­bli­caine a ten­té de condam­ner les crimes des plus extrêmes de son camp. « Par contre, l’État fran­quiste est né avec la répres­sion, l’assassinat comme moyen d’imposer son pou­voir. »

La présence-absence de l’extrême-droite

Vox et PxC se sont lar­ge­ment mobi­li­sés face au mou­ve­ment indé­pen­dan­tiste. « Vox a exer­cé beau­coup de pres­sions au niveau pénal », signale Jordi Borras. Le mou­ve­ment, diri­gé par un juriste, a été impli­qué comme par­tie civile dans beau­coup de pro­cès contre l’autonomie de la Catalogne. PxC reven­dique avoir contri­bué lar­ge­ment à l’organisation des mani­fes­ta­tions unio­nistes de l’automne, « même si c’est Ciudadanos qui en a récu­pé­ré les fruits » selon Jordi de la Fuente.

« Toutes les per­sonnes qui se sont ren­dues aux mani­fes­ta­tions pro-union de l’Espagne n’étaient pas d’extrême-droite », sou­ligne Carole Viñals. Mais ils ont eu une réelle influence sur le mou­ve­ment : « Des slo­gans, comme “Puigdemont, va en pri­son”, mas­si­ve­ment repris par les uni­taires conser­va­teurs et socia­listes, ont été lan­cé par des groupes d’extrême-droite ».

Madrid, sep­tembre 2017. A quelques jours du réfé­ren­dum du 1ᵉʳ octobre, des par­ti­sans de l’u­ni­té espa­gnole effec­tuent des saluts fas­cistes en chan­tant Cara al sol, hymne de la pha­lange espa­gnole et des natio­na­listes durant la guerre d’Espagne.

Jordi de la Fuente l’affirme, au nom du PxC : « Nous sommes une majo­ri­té silen­cieuse. » Deux maires et vingt-deux conseillers muni­ci­paux pour Vox, aucun pour PxC : les groupes d’extrême-droite sont numé­ri­que­ment très mino­ri­taires en Espagne. Cependant, leurs idées seraient par­ta­gées par une plus large part de la popu­la­tion. « En 2011, les son­dages annon­çaient que 8 par­ti­sans de la droite extrême sur 10 avaient voté pour le PP », selon Jordi Borras. Le par­ti conser­va­teur absorbe une large par­tie de cet élec­to­rat d’extrême-droite. Électeurs comme diri­geants natio­na­listes espa­gnols pré­fèrent fina­le­ment un vote utile pour le PP qu’un « vote-poubelle » pour Vox ou PxC. Au cours des der­nières années, ces par­tis se sont régu­liè­re­ment désis­tés en faveur du mou­ve­ment de Mariano Rajoy – voire en faveur de Ciudadanos.

En découle ce que l’essayiste cata­lan appelle la « présence-absence » de l’extrême-droite : pas repré­sen­tée dans les ins­ti­tu­tions, ses idées le sont à tra­vers les par­tis tra­di­tion­nels. Elles la rendent capable de mar­quer l’agenda poli­tique du gou­ver­ne­ment cen­tral. En 2014, le PP, influen­cé par l’extrême-droite, a ten­té de res­treindre le droit à l’a­vor­te­ment. En 2017, le ministre de l’Éducation espa­gnol a vou­lu que la région cata­lane cofi­nance l’en­sei­gne­ment pri­vé en cas­tillan – une mesure fina­le­ment reje­tée par le Conseil consti­tu­tion­nel. Face à la crise post-réferendum cata­lan, Mariano Rajoy est res­té inflexible. Pour la plus grande satis­fac­tion de l’extrême-droite.

Travail enca­dré par Alain Salles, Fabien Palem, Cédric Molle-Laurençon et Cédric Rouquette.

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Rubrique : MémoiresMots-clés : indépendance, Espagne, catalogne, indépendantisme, franco, vox, extrême-droite, jordi

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