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Le média de la CFJ72 à Barcelone

À la Barceloneta, des habitants excédés par le tourisme de masse

Le quar­tier marin de Barcelone, construit au milieu du XVIIIème siècle, est emblé­ma­tique des bou­le­ver­se­ments cau­sés par le déve­lop­pe­ment du tou­risme. Beuveries, tapage noc­turne, exhi­bi­tion­nisme… la plu­part des habi­tants his­to­riques sont à bout et réclament à la muni­ci­pa­li­té de nou­velles mesures.

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Écrit par Guillaume Gosalbes Enquête de Guillaume Gosalbes et Adrien Develay, à Barcelone
Publié le 23 février 201816 mars 2018
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En face du mar­ché cou­vert de la Barceloneta, une forte odeur de café se dégage d’une modeste bou­tique. Celle-ci appar­tient à la famille Palau, qui y offi­cie de père en fils depuis les années 1920. Miguel, 45 ans, a repris le com­merce il y a dix ans. Comme son père et son grand-père, il est tor­ré­fac­teur. Cette tra­di­tion ne l’a pas empê­ché de faire évo­luer son fonds de com­merce. « Quand j’ai repris la bou­tique, nous avons déci­dé de nous diver­si­fier en ven­dant du cho­co­lat, du nou­gat et des pro­duits locaux », explique ce grand gaillard à l’air espiègle. Une néces­si­té pour conser­ver la bou­tique. « Je n’ai rien contre les tou­ristes, ajoute Miguel. Au contraire, ils sont une source de reve­nus non négligeable. »

Tout le monde n’ac­cepte pas cette situa­tion. Beuveries, tapage noc­turne, exhi­bi­tion­nisme, sexe en plein air… Nombreux sont les habi­tants excé­dés par les fêtards venus à Barcelone pour s’é­cla­ter. La tou­ris­mo­pho­bie qui s’empare de la Barceloneta ? Miguel n’en a que faire. S’il admet que le quar­tier « a chan­gé » au rythme du déve­lop­pe­ment du tou­risme, il pré­fère rete­nir les aspects posi­tifs. « À par­tir des années 1980, le coin est deve­nu à la mode, poursuit-il en dode­li­nant de la tête. On a ouvert des res­tau­rants dans les rez-de-chaussée des bâti­ments, où on allait déjeu­ner en man­geant du poisson. »

La véri­table rup­ture s’est opé­rée en 1984, lorsque la ville de Barcelone a obte­nu l’organisation des Jeux Olympiques de 1992. Pour l’occasion, de grands chan­tiers ont été lan­cés. De nou­veaux quar­tiers ont été créés, par­mi les­quels la Vila olím­pi­ca del Poblenou (Village olym­pique) à proxi­mi­té directe de la Barceloneta. Enfin, deux kilo­mètres de plage ont été amé­na­gés, ache­vant de faire du quar­tier un pas­sage obli­ga­toire pour les tou­ristes. « Les gens viennent ici et sont enchan­tés parce qu’ils sont à dix minutes du centre-ville, ils ont les bars, les dis­co­thèques, les res­tau­rants, reprend Miguel. Souvent, les tou­ristes mais aus­si les habi­tants du coin achètent de l’alcool à la Barceloneta puis partent en groupe à la plage », précise-t-il, le regard rieur.

L’indépendance de la Catalogne, Miguel s’en méfie dans ce contexte de réus­site éco­no­mique. « En tant que Catalan, je suis par­ti­san d’une séces­sion. Mais en tant que com­mer­çant, je m’in­quiète des réper­cus­sions d’un tel évé­ne­ment », explique-t-il en croi­sant le regard de son père. Selon l’Organisation mon­diale du tou­risme (OMT), l’ac­ti­vi­té tou­ris­tique à Barcelone a bais­sé de 20 % depuis le réfé­ren­dum du 1ᵉʳ octobre 2017.

Barcelone, 23 février 2018. La famille Palau tient une bou­tique de tor­ré­fac­tion, à deux pas du mar­ché de la Barceloneta. ©Guillaume Gosalbes

 

Assise en face de la Plaça del Poeta Bosca (Place du poète basque), en pleine Barceloneta, Lourdes Lopez, 58 ans, s’emporte. « Je n’ose plus sor­tir dehors le soir, lance cette ancienne cou­tu­rière aux traits aus­si mar­qués que la coque d’un cha­lu­tier. Les tou­ristes urinent dans la rue, ils crient, boivent… Il fau­drait les foutre tous dehors ! » À pré­sent à la retraite, elle occupe ses jour­nées en ven­dant des tickets de loto aux habi­tants du coin. Une obli­ga­tion afin de pou­voir conti­nuer à payer son loyer.

Le quar­tier, elle le connaît depuis son enfance. Son père était pêcheur, une acti­vi­té qu’a choi­si de per­pé­tuer son frère. Entre deux ventes de tickets, Lourdes fait part de son inquié­tude. « Avant, la Barceloneta était un endroit occul­té, igno­ré, pré­cise celle qui est aus­si membre de l’Asociación de veci­nos de l’Òstia (Association des voi­sins de l’Òstia, une taverne située à la Barceloneta), un col­lec­tif qui regroupe des habi­tants du quar­tier. Dès qu’il y a eu l’accès à la plage à des­ti­na­tion des tou­ristes, la situa­tion s’est empirée. »

Le regard azur tour­né vers l’horizon, Lourdes n’a qu’une seule indé­pen­dance en tête, celle de la Barceloneta vis-à-vis de la ville de Barcelone. « Vous savez, par­fois, on en parle entre nous : la “République indé­pen­dante de la Barceloneta”, raconte-t-elle en par­tant dans un fou rire. Mais ce n’est qu’une façon de par­ler », assure-t-elle en poin­tant du doigt un dra­peau bleu et jaune. Il s’a­git de la ban­de­ra du quar­tier, bien plus pré­sente ici que la senye­ra, le dra­peau tra­di­tion­nel cata­lan. « Vous en ver­rez à tous les bal­cons, il fait par­tie de notre iden­ti­té », ajoute-t-elle fiè­re­ment en encais­sant la vente de tickets de loto.

Barcelone, 23 février 2018. Lourdes, ancienne cou­tu­rière à la retraite, occupe son temps libre en ven­dant des tickets de loto dans la Barceloneta. ©Guillaume Gosalbes

 

« Ce qui se passe, c’est que l’essence même du quar­tier est en train de dis­pa­raître. Je le répète parce que c’est très impor­tant, nous allons perdre l’âme de la Barceloneta ». Ces mots, Javier Froncesca les pro­nonce le regard ému. Le vieil homme de 62 ans a quit­té il y a quelques mois le quar­tier qui l’a vu naître, gran­dir et vieillir, à cause de la hausse des loyers. Pourtant, cet ancien tech­ni­cien à la retraite ne peut s’empêcher de reve­nir ici tous les jours. Son petit plai­sir ? Fumer un cigare Plaça de la Barceloneta (Place de la Barceloneta), en face de l’imposante église de Sant Miquel del Port, éri­gée en 1755.

C’est à la même époque, au milieu du XVIIIème siècle, que le quar­tier ouvrier de la Barceloneta a été bâti. Il était alors cen­sé loger les per­sonnes qui exer­çaient une pro­fes­sion mari­time, tels que les pêcheurs, marins et construc­teurs de bateaux en bois. Cette situa­tion géo­gra­phique confère à ses habi­tants une proxi­mi­té sans égal au port et à la mer.

« Avant, le quar­tier était habi­té par des per­sonnes qui tra­vaillaient juste à côté, se sou­vient Javier. Cet état d’esprit où tout le monde se connaît, se salue dans la rue, s’entraide… Tout ce qui fai­sait le charme de cet endroit, tout ça a ten­dance à dis­pa­raître. » Même la pêche, source de reve­nus his­to­rique de la Barceloneta, à ten­dance à ralen­tir. « Vous savez, le nombre d’embarcations a dimi­nué de moi­tié en l’es­pace de quinze ans. De moi­tié !, insiste Javier en ciblant la mai­rie. L’indé­pen­dance n’est pas la baguette magique, lâche-t-il en écra­sant son cigare. C’est la muni­ci­pa­li­té qui a la res­pon­sa­bi­li­té de ces pro­blèmes, pas Madrid. »

Barcelone, 23 février 2018. L’église de Sant Miquel del Port, éri­gée en 1755, place de la Barceloneta. ©Guillaume Gosalbes

Chez les élus, la réflexion laisse petit à petit place à l’action. Ada Colau, élue maire de la ville en 2015 sous les cou­leurs du mou­ve­ment de gauche radi­cale et éco­lo­giste Barcelona en Comú (Barcelone en com­mun), travaille sur la fer­me­ture d’ici 2022 d’une ving­taine de bars et de boîtes de nuit situés sur les bords de plage, à proxi­mi­té du port olym­pique. La mai­rie n’a tou­te­fois pas pré­ci­sé sur quels cri­tères elle choi­si­rait les éta­blis­se­ments à fermer.

Sonia Abella, repré­sen­tante du par­ti poli­tique à la mai­rie de Barcelone, nous explique que l’un des prin­ci­paux objec­tifs est de « limi­ter les allées et venus de ces tou­ristes qui génèrent le désordre » dans le quar­tier de la Barceloneta. L’initiative ren­contre jusqu’ici peu d’opposition de la part des prin­ci­paux groupes poli­tiques for­mant le conseil muni­ci­pal. « Il y a qua­rante éta­blis­se­ments. C’est trop, beau­coup trop. Tout le ter­ri­toire est pris par les tou­ristes. Si on en ferme vingt, ce sera bien. »

Pour Koldo Blanco, l’un des repré­sen­tants du par­ti de centre-droit et anti-indépendantiste Ciudadanos (Cs, Citoyens), « il ne faut pas tom­ber dans le popu­lisme » lorsqu’il est ques­tion de la Barceloneta. Cet archi­tecte de for­ma­tion estime que la solu­tion serait de déve­lop­per d’autres aspects du tou­risme, cen­sés ame­ner une clien­tèle plus fami­liale. Les pistes évo­quées par le par­ti arri­vé troi­sième aux élec­tions muni­ci­pales de 2015 sont mul­tiples : mul­ti­plier les acti­vi­tés his­to­riques, sociales et spor­tives, notam­ment en bord de plage.

Du côté de Xavier Trias, ancien maire de Barcelone (2011–2015) et membre du par­ti cata­lan libé­ral et indé­pen­dan­tiste Partit demò­cra­ta euro­peu cata­là (PDeCAT, Parti démo­crate euro­péen cata­lan), il est néces­saire de légi­fé­rer et d’imposer des sanc­tions plus lourdes pour les tou­ristes qui se com­portent « de manière contraire aux règles du savoir-vivre ».

Ce rou­blard de la poli­tique estime tou­te­fois que le plan d’Ada Colau relève davan­tage de la stra­té­gie élec­to­rale. Selon Xavier Trias, l’actuelle maire de Barcelone cher­che­rait sur­tout à gagner des voix du côté de la Barceloneta en vue des élec­tions muni­ci­pales de mai 2019. « Je crois qu’elle a pro­mis beau­coup de choses qu’il n’est pas pos­sible de faire », ajoute-t-il mali­cieu­se­ment.

Durant la cam­pagne muni­ci­pale de 2015, Ada Colau avait jus­te­ment pro­fi­té du manque d’action de Xavier Trias durant son man­dat afin de faire de la lutte contre le tou­risme l’un de ses prin­ci­paux com­bats. Une pro­messe par­tiel­le­ment tenue, puisque la pla­te­forme de loca­tion de loge­ments entre par­ti­cu­liers AirBnb a plié face à la muni­ci­pa­li­té de Barcelone.

Xavier Trias sou­tient quant à lui que la prio­ri­té serait de lan­cer une vaste poli­tique d’investissements sociaux à Barcelone, en com­men­çant par l’augmentation du parc immo­bi­lier. « Quand vous avez 20, 25 ans ici et que vous vou­lez quit­ter le domi­cile paren­tal afin de vivre votre indé­pen­dance, c’est très com­pli­qué, explique-t-il dans un fran­çais quasi-parfait. De manière géné­rale, à Barcelone, les loyers sont trop chers et les loge­ments inap­pro­priés », fustige-t-il en mou­li­nant des bras.

Barcelone, 23 février 2018. Daniel et son ami attendent que la déci­sion du conseil muni­ci­pal por­tant sur l’aug­men­ta­tion du parc immo­bi­lier à Barcelone tombe. ©Guillaume Gosalbes

Sur le pavé de la Plaça Saint Jaume (Place Saint Jaume) située entre la mai­rie et le Palais de la Generalitat, une ving­taine de per­sonnes se sont ras­sem­blées en cet après-midi enso­leillé. Toutes font par­tie de l’ABTS, l’Assemblea de bar­ris per un turisme sos­te­nible (Assemblée de quar­tier pour un tou­risme res­pon­sable). Ce col­lec­tif, consti­tué d’une tren­taine d’associations de quar­tiers, a pour voca­tion prin­ci­pale de dénon­cer le tou­risme de masse qui inquiète les Barcelonais. Plusieurs solu­tions sont avan­cées par l’as­so­cia­tion : limi­ter les AirBnb, ne plus faire de conces­sions au sec­teur pri­vé et redon­ner la prio­ri­té au per­sonnes qui vivent à Barcelone en créant de nou­veaux loge­ments publics.

Daniel Pardo, membre de l’ABTS à la barbe gri­sâtre, semble fort occu­pé. Alors que ses com­pa­gnons dressent des tables en face de la mai­rie, notre inter­lo­cu­teur super­vise les der­nières manoeuvres. « Aujourd’hui est un grand jour », s’enthousiasme-t-il en ins­tal­lant une enceinte dans un cad­die. Ce ven­dre­di 23 février, le conseil muni­ci­pal s’apprête à voter une pro­po­si­tion dépo­sée par le col­lec­tif visant à agran­dir le parc de loge­ments publics. « Nous vivons une pres­sion tou­ris­tique », explique Daniel, qui prend grand soin de ne pas par­ler plus d’un quar­tier que d’un autre. « Il ne faut pas se foca­li­ser seule­ment sur la Barceloneta », insiste-t-il, avant de rap­pe­ler que d’autres zones sont aus­si tou­chées par le tou­risme, l’augmentation des prix et la perte d’identité, tel qu’El Gòtic, le quar­tier gothique de la ville.

Le télé­phone de Daniel se met à vibrer. Son contact au conseil muni­ci­pal lui fait savoir que la pro­po­si­tion vient d’être adop­tée. 18 500 nou­veaux loge­ments sociaux seront construits d’ici à 2022 dans la ville de Barcelone. Le quar­tier de la Barceloneta aura sa part. Autour de lui, les membres de l’ABTS jubilent. La sono crache une chan­son dont le refrain est repris en coeur : « Si, se puede ! » (Oui, c’est possible !)

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Frédéric Traini, Cédric Molle-Laurençon et Cédric Rouquette.

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Rubrique : Vivre la criseMots-clés : barcelone, barceloneta, tourisme, quartier

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