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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Tabarnia, la “blague sérieuse” des unionistes

Pour la pre­mière fois, des unio­nistes cata­lans ont déci­dé de répondre par l’humour aux indé­pen­dan­tistes. Leur arme ? Tabarnia, une vaste plai­san­te­rie, reven­di­quant une par­tie de la Catalogne pour moquer les reven­di­ca­tions séparatistes.

Écrit par Alexandre Malesson Enquête de Charlotte Rothéa et Alexandre Malesson, à Barcelone
Publié le 6 mars 201815 mars 2018
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Nous sommes en 2018 après Jésus-Christ. Toute la Catalogne est occu­pée par une majo­ri­té d’indépendantistes. Toute ? Non ! Car une région peu­plée d’irréductibles Espagnols résiste encore et tou­jours. Ce ter­ri­toire, c’est “Tabarnia”. Le 8 octobre 2017, quelques jours après le réfé­ren­dum d’indépendance de la Catalogne, 350 000 Espagnols mani­festent à Barcelone. Leur objec­tif est simple : don­ner de la voix contre l’indépendantisme. Une pre­mière dans une région où les ambi­tions sépa­ra­tistes occupent une large place dans le débat public. Suite au suc­cès sans pré­cé­dent de cette mani­fes­ta­tion, un groupe d’unionistes décide de concré­ti­ser une idée née en 2012 : la créa­tion d’une région fic­tive, Tabarnia. Le ter­ri­toire existe. Il regroupe Barcelone, Tarragone et une large par­tie de la côte cata­lane. Elles sont les seules où les par­tis unio­nistes sont arri­vés légè­re­ment en tête aux élec­tions au Parlement de Catalogne du 21 décembre der­nier. Le constat est simple : fort de ses 5 600 000 habi­tants, ce ter­ri­toire est le moteur éco­no­mique de la Catalogne. Sans lui, la Catalogne ne comp­te­rait que 2 000 000 d’ha­bi­tants, serait essen­tiel­le­ment com­po­sé de petites villes, sa capi­tale serait Gérone. Leur pro­gramme : « Si la Catalogne devient indé­pen­dante de l’Espagne, nous vou­lons deve­nir indé­pen­dants de la Catalogne ! »

Carte 1 : Région de Tabarnia. Carte 2 et 3 : Comparaison unionistes/indépendantismes selon les résul­tats des élec­tions du par­le­ment cata­lan du 21 décembre 2017.

L’idée se concré­tise en décembre sur les réseaux sociaux. Très vite, le hash­tag #Tabarnia devient viral. L’initiative amuse, plait et, sur­tout, convainc. Peu à peu, la blague prend forme. Un dra­peau est créé, un gou­ver­ne­ment est nom­mé. Tabarnia devient une véri­table défense anti-indépendantiste. 

Para no lle­var a equí­vo­cos : la ban­de­ra de Tabarnia es una mez­cla entre las ban­de­ras de Tarragona y Barcelona (por razones obvias). El día que toda Tsbarnia las ten­ga en el balcón ¿te ima­gi­nas la cara que se les va a que­dar a los de la este­la­da ? #Tabarnexit #Bcnisnotcat #Tabarnia pic.twitter.com/rl06MHcu4j

— Tabarnia Oficial (@Bcnisnotcat_) December 23, 2017

“Pour ne pas créer d’ambiguïté : le drapeau de Tabarnia est un mélange entre les drapeaux de Tarragone et Barcelone (pour des raisons évidentes). Le jour où tous les habitants de Tabarnia l’afficheront sur leur balcon, t’imagines la tête que feront ceux qui affichent le drapeau indépendantiste ? #Tabarnexit #Bcnisnotcat #Tabarnia ”

La presse natio­nale s’empare de l’idée. « Certains médias ont cou­vert notre pre­mière confé­rence de presse comme si nos reven­di­ca­tions étaient sérieuses », s’amuse Tomas Guasch, figure natio­nale du jour­na­lisme de sport sur l’une des prin­ci­pales sta­tions de radio natio­nales, Cope. Cette grande gueule a très vite été contac­tée par Tabarnia pour rejoindre ses rangs. Il est aujourd’hui le ministre des sports de la région. « Evidemment tout ceci n’est qu’une blague, mais sérieuse, affirme-t-il. Nous vou­lions sim­ple­ment répondre aux moque­ries inces­santes des indé­pen­dan­tistes. Nous sommes un miroir qui reflète leurs absur­di­tés. Nous copions tout ce qu’il font, mais à l’opposé. Simplement pour leur mon­trer le ridi­cule de la situa­tion. » Première action du ministre des sports de Tabarnia, la nomi­na­tion de Raúl Tamudo au poste de sélec­tion­neur de l’é­quipe de foot­ball. Comble de la pro­vo­ca­tion, cet ancien joueur du RCD Espanyol Barcelone avait pri­vé en 2007 son rival his­to­rique, le célèbre FC Barcelone, du titre de cham­pion d’Espagne. Il avait éga­li­sé à la toute der­nière minute de l’avant-dernière jour­née de la sai­son. Clin d’oeil sati­rique, sa nomi­na­tion à Tabarnia est un énième pied-de-nez aux sépa­ra­tistes géné­ra­le­ment pro-Barça. 

De Twitter au terrain

Pour mar­quer les esprits, Tabarnia met en place son pre­mier grand gag en jan­vier : la nomi­na­tion d’un pré­sident, Alberto Boadella. Comme son confrère Carles Puigdemont, il part aus­si­tôt en exil. Mais à Madrid.

Loin d’être apo­li­tique, ce dra­ma­turge espa­gnol de 74 ans s’est illus­tré toute sa car­rière dans son com­bat contre le natio­na­lisme cata­lan. Sympathisant de la gauche anti­fran­quiste cata­lane dans les années 70, il passe par le Partit dels Socialistes de Catalunya (PSC, Parti des socia­listes de Catalogne) qu’il quitte suite à un pro­fond désac­cord sur la posi­tion indé­pen­dan­tiste du par­ti. Cette ‘dérive’ le conduit à sou­te­nir la pla­te­forme “Ciutadans de Catalunya” (Citoyens de Catalogne), genèse du jeune par­ti de centre-droit Ciudadanos fon­dé en 2006. Son enga­ge­ment ne l’empêche néan­moins pas de conti­nuer sa car­rière théâ­trale. Du 8 au 11 février 2018, il pré­sen­tait un spec­tacle basé sur le mythe de Pablo Picasso. Avec toute la pro­vo­ca­tion qui le carac­té­rise, il déclare que “les trois quarts de la pro­duc­tion de Picasso étaient de la merde”.  Lors de son “élec­tion” à Tabarnia en jan­vier, il se pré­sente par ces mots : “Je ne suis qu’un clown, mais à côté d’eux, je suis un ama­teur !”.

Derrière l’humour, la posi­tion de Tabarnia est émi­nem­ment poli­tique, sans pour autant être par­ti­sane. « Nous ne serons jamais un par­ti poli­tique mais nous por­tons un mes­sage, tem­pête Tomas Guasch. Si un jour une force poli­tique entre dans le mou­ve­ment, ce sera un énorme pro­blème. » Mais cette récu­pé­ra­tion n’est aujourd’hui pas d’actualité. Pour Sonia Sierra, dépu­tée Ciudadanos au par­le­ment cata­lan, son par­ti ne tire­rait aucun béné­fice à s’intéresser au mou­ve­ment : « Les Espagnols com­prennent que Tabarnia est une paro­die, une bonne paro­die d’ailleurs. Leur pré­sident est avant tout un comique. Nous nous décré­di­bi­li­se­rions si nous par­ti­ci­pions à ce mou­ve­ment. » Esther Niubó, dépu­tée du PSC, dénonce même une « idée per­verse » : « Nous savons déjà que les argu­ments des indé­pen­dan­tistes ne sont que non-sens. Pas besoin de les moquer et de les ridi­cu­li­ser. »

« Eux ils pleurent, nous on rigole »

Esther Niubó connaît visi­ble­ment bien ses adver­saires. Dans le camp des indé­pen­dan­tistes, cette blague passe mal. Dimanche 18 février 2018 à Barcelone, des airs de “Nuit Debout“ règnent sur la Plaça de Catalunya (Place de la Catalogne). Face à face, sépa­ra­tistes et unio­nistes se par­tagent les lieux. Sans se par­ler, sans s’affronter, sans débattre. Les habi­tants de Tabarnia se sont don­né rendez-vous pour épais­sir les rangs unio­nistes. De l’autre côté du no man’s land du centre de la place, les sépa­ra­tistes voient le mou­ve­ment d’un mau­vais oeil. « Ils se moquent de mil­lions de Catalans, s’exprime un mani­fes­tant. Tabarnia, c’est l’extrême-droite.» Cette accu­sa­tion, Antonio Robles, jour­na­liste et membre de Tabarnia, la réfute caté­go­ri­que­ment : « Depuis les années 80, l’argument mas­sue des natio­na­listes, c’est que tout ce qui ne va pas dans leur croyance est pos­si­ble­ment d’extrême-droite, s’insurge-t-il. C’est écoeu­rant. »

« Eux ils pleurent, nous on rigole. » Cette phrase, Sylvie ne cesse de la répé­ter. Sur la place de la Catalogne, cette béné­vole de Tabarnia alpague les quelques curieux pour leur pré­sen­ter la région. Au chô­mage depuis sept ans, Sylvie ne s’était aupa­ra­vant jamais enga­gée dans une cause : « J’ai tou­jours voté pour le par­ti des ani­maux, vous ima­gi­nez bien qu’avant, la poli­tique, je n’en avais rien à faire ! » Mais der­rière son large sou­rire se cache une frus­tra­tion qui ne cesse de croître au fil des années. « J’ai 57 ans, je suis née en France, j’ai habi­té en Italie et en Belgique. Cela fait trente ans que je suis à Barcelone, raconte-t-elle. Je me suis tou­jours fait insul­ter par les indé­pen­dan­tistes qui ne sup­portent pas ce mélange de nations. Pour eux, il faut être Catalan et rien d’autre. »

Une bataille de l’humour

Depuis des années, les indé­pen­dan­tistes cata­lans sont connus pour manier la déri­sion et la moque­rie, mais ils ne sont pas habi­tués à ce qu’on leur ren­voie la balle. L’émission “Polonia”, dif­fu­sée tous les jeu­dis en prime time sur TV3 depuis 2006, en est un par­fait exemple. Mélange de “Groland” et des “Guignols de l’info”, on y retrouve un Mariano Rajoy plus vrai que nature repré­sen­té comme un diable dans une comé­die musi­cale ou un Franco se mas­tur­bant devant les vio­lences poli­cières pen­dant le réfé­ren­dum d’octobre. Evidemment, ce ne sont que des comé­diens grimés. 

Mais l’émission connaît un suc­cès reten­tis­sant en Catalogne. Avec entre 700 000 et 950 000 télé­spec­ta­teurs, “Polonia” est régu­liè­re­ment le pro­gramme le plus regar­dé de Catalogne sur sa case horaire. L’émission per­met de faire cir­cu­ler de nom­breuses reven­di­ca­tions indé­pen­dan­tistes. « Tabarnia est la pre­mière réponse par l’humour des unio­nistes, confie Tomas Guasch. Ils l’ont très mal pris. Ils rient de tout le monde, sauf d’eux-mêmes. »

Mais les blagues les plus courtes sont-elles vrai­ment les meilleures ? Si cer­tains res­pon­sables du mou­ve­ment assurent que Tabarnia ne res­te­ra qu’une plai­san­te­rie, d’autres res­tent plus pru­dents : « Tout dépend du contexte dans lequel évo­lue­rait le débat sur l’indépendance, avoue Antonio Robles. Le sort de Tabarnia est entre les mains des sépa­ra­tistes. Tant que les dis­cus­sions seront aus­si ten­dues et aus­si ridi­cules, nous conti­nue­rons. » Une ana­lyse par­ta­gée par Tomas Guasch, plus pes­si­miste que jamais : « Tabarnia dis­pa­raî­tra en même temps que les idées indé­pen­dan­tistes, lorsque le bien com­mun sera reve­nu. C’est-à-dire jamais ».

Travail enca­dré par Alain Salles, Frédéric Traini, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon.

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Rubrique : Rester espagnolMots-clés : Espagne, catalogne, barcelone, indépendantisme, tarragone, unionisme, Tabarnia, Boadella, Twitter

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