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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Immigrés : les indépendantistes catalans à la recherche de nouveaux alliés

Avec un mil­lion et demi d’ha­bi­tants nés hors d’Espagne sur un total de sept mil­lions, la Catalogne est un car­re­four migra­toire en Europe. Une popu­la­tion que les indé­pen­dan­tistes tentent de séduire à coups de dis­cours pro-diversité et de pro­messes d’ob­ten­tion de la natio­na­li­té catalane.

Écrit par Juliette Desmonceaux Enquête de Juliette Desmonceaux et Mohamed-Amin Kehel, à Barcelone
Publié le 4 mars 201816 mars 2018
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« Puigdemont ? C’est mon ami ! » Sous les rires de ses com­pa­gnons, Tarek, tren­te­naire au regard mali­cieux, insiste. « Vous avez Instagram ? Je vais vous mon­trer sur votre télé­phone ! » Doigt poin­té sur l’é­cran, il montre avec un sou­rire iro­nique et désa­bu­sé la pho­to témoin de sa ren­contre en 2016 avec l’an­cien pré­sident du gou­ver­ne­ment de Catalogne. Destitué après que le réfé­ren­dum d’au­to­dé­ter­mi­na­tion de la région du 1ᵉʳ octobre 2017 s’est tenu sans l’au­to­ri­sa­tion de Madrid, Carles Puigdemont est aujourd’hui en exil à Bruxelles.

Molt agraït a la famí­lia d’en Tarek Mustafa i na Zahra Alinid, que m’han obert les portes de casa seva. Viuen a Barcelona des de fa tres anys, fugint de la guer­ra de Síria. Testimonis que et deixen colpit.

A post sha­red by Carles Puigdemont (@carlespuigdemont) on Apr 23, 2016 at 10:17am PDT

Barcelone, avril 2016. Tarek Mustafa (à droite sur l’i­mage) a reçu Carles Puigdemont (deuxième à par­tir de la droite) chez lui avec sa famille, peu après son élec­tion à la tête du gou­ver­ne­ment catalan. 

A l’é­poque où a été prise la pho­to, Tarek et sa famille étaient dix-sept à vivre dans le même appar­te­ment. Un loge­ment situé au cœur du quar­tier popu­laire d’El Raval, au centre de Barcelone. Malgré son sou­rire ravi sous sa barbe de trois jours, Tarek, venu de Syrie en 2012, ne garde pas une bonne opi­nion de l’an­cien diri­geant cata­lan. « Il est venu chez moi devant les camé­ras, m’a don­né une rose et je ne l’ai plus revu. »

Une « vision romantique » de l’histoire migratoire de la Catalogne

Dans le quar­tier d’El Raval, dra­peaux cata­lans, cubains et kurdes flottent aux bal­cons. Ancien quar­tier chi­nois, le “bar­rio” (le quar­tier), comme disent les Barcelonais, est aujourd’­hui connu pour ses épi­ce­ries pakis­ta­naises. Selon le der­nier recen­se­ment, plus de la moi­tié de ses habi­tants sont nés à l’é­tran­ger. Une cible de choix pour les hommes politiques.

Barcelone, 26 février 2018. Un groupes de jeunes issus de l’im­mi­gra­tion marche dans les rues du “bar­rio”, un dra­peau cata­lan flot­tant à une fenêtre. © Juliette Desmonceaux

Mis à part Carles Puigdemont, divers par­tis poli­tiques indé­pen­dan­tistes, dont l’Esquerra repu­bli­ca­na de Catalunya (ERC, Gauche répu­bli­caine de Catalogne) et la Candidatura d’u­ni­tate popu­lar (CUP, Candidature d’u­ni­té popu­laire), ont encou­ra­gé la popu­la­tion d’o­ri­gine étran­gère à voter “Oui” lors du réfé­ren­dum du 1ᵉʳ octobre 2017. Des tracts en langue arabe et hin­dou ont notam­ment été distribués.

A rebours des natio­na­listes d’extrême-droite aujourd’hui en pleine ascen­sion en Europe, l’indépendantisme cata­lan se montre bien­veillant à l’égard de la popu­la­tion immi­grée. Un dis­cours qui tient du choix poli­tique comme de la pure arith­mé­tique élec­to­rale. En Catalogne, près d’un cin­quième de la popu­la­tion n’est pas née en Espagne.

            

Pour Tayssir Azouz, tra­duc­teur de 31 ans, ça ne fait aucun doute : la socié­té cata­lane est plus inclu­sive que la socié­té cas­tillane. « Elle est plus ouverte. L’important, ce n’est pas l’i­den­ti­té, mais plu­tôt où on peut aller ensemble. » Pour le jeune membre de l’as­so­cia­tion pro-indépendance Assemblea nacio­nal cata­la­na (ANC, Assemblée natio­nale cata­lane), les reven­di­ca­tions indé­pen­dan­tistes ne sont pas le signe d’un repli sur soi ou d’un rejet de l’é­tran­ger. « Il n’y a pas de vision iden­ti­taire du pro­jet de République cata­lane. Au contraire, la majo­ri­té des hommes poli­tiques indé­pen­dan­tistes sont tour­nés vers les valeurs de la diver­si­té. »

Cette vision de la région est sou­vent défen­due par les par­tis indé­pen­dan­tistes. Dans leur dis­cours domine l’i­mage d’une Catalogne terre d’ac­cueil his­to­rique. Pour Lóla Lopez, anthro­po­logue et com­mis­saire à l’Immigration, à l’Interculturalité et à la Diversité de la mai­rie de Barcelone, la situa­tion n’est pas aus­si simple. « La Catalogne est un car­re­four migra­toire entre l’Europe et l’Afrique. (…) Au départ, c’est donc bien un lieu avec une grande tra­di­tion d’ac­cueil. Mais par­fois, nous, les Catalans, avons une vision de nous-mêmes un peu roman­tique, alors qu’il y a du racisme et de l’ex­clu­sion [en Catalogne]. »

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Omar Diatta, Sénégalais de 40 ans enga­gé dans la lutte indé­pen­dan­tiste aux côtés de la CUP, confirme : faire accep­ter sa posi­tion d’in­dé­pen­dan­tiste, d’im­mi­gré et d’homme noir n’est pas tou­jours facile, y com­pris au sein du mou­ve­ment indé­pen­dan­tiste. « Encore main­te­nant, des gens ont du mal à com­prendre pour­quoi [je défends l’in­dé­pen­dance]. Les gens parlent d’é­ga­li­té, mais dans la pra­tique, c’est autre chose. Mais je paye mes impôts, donc je suis Catalan comme les autres. »

Tracts en arabe pour immigrés catalans désabusés

Pour Lóla Lopez, le tra­vail de séduc­tion vise­rait sur­tout les Latino-Américains. « Ils parlent une des deux langues offi­cielles du pays et peuvent obte­nir la natio­na­li­té espa­gnole plus rapi­de­ment. Il y a donc des ten­ta­tives de séduire ces com­mu­nau­tés qui seront de futurs votants d’i­ci pro­ba­ble­ment trois ans. »

Barcelone, 21 février 2018. Boubacar, cui­si­nier mau­ri­ta­nien, vit en Catalogne depuis 10 ans. Il ne croit pas aux pro­messes des poli­ti­ciens qui défendent l’in­dé­pen­dance de la région. ©Mohamed-Amin Kehel

Une simple stra­té­gie élec­to­rale pour Antonio Robles, fon­da­teur du par­ti de gauche unio­niste Centro izquier­da De España (dCIDE). « Les natio­na­listes mani­pulent sys­té­ma­ti­que­ment les migrants pour avoir plus de votes », affirme-t-il.

Chez les popu­la­tions immi­grées, à côté des indé­pen­dan­tistes convain­cus, sou­vent mili­tants actifs au sein d’une asso­cia­tion, ils sont nom­breux à ne pas s’in­té­res­ser à ces débats. Toujours dans le quar­tier d’El Raval, Walid, copain de Tarek et lui aus­si Syrien, n’a aucune opi­nion sur l’indépendance. « On n’a pas le droit de voter, donc on ne peut rien dire, lance-t-il désa­bu­sé, alors à quoi ça sert d’avoir un avis ? »

Sur les murs, des affiches pro-indépendance écrites en arabe appa­raissent encore entre deux graf­fi­tis. Pour Boubacar, jeune cui­si­nier jovial, croi­sé à la sor­tie de la mos­quée, « c’est que du bla­bla. L’indépendance ne va rien nous appor­ter à nous [les immi­grés]. » Le jeune Mauritanien ne com­prend pas les vel­léi­tés d’indépendance de ses conci­toyens. « Pour moi, je suis Espagnol donc je ne suis pas sen­sible à tout ça, mais pour les enfants nés ici, c’est dif­fé­rent, ils se sentent Catalans. »

Barcelone, 21 février 2018. Des affiches écrites en arabe encou­ragent à voter pour l’in­dé­pen­dance lors du réfé­ren­dum du 1ᵉʳ octobre. ©Mohamed-Amin Kehel

Immigrés de deuxième et de troi­sième géné­ra­tion sont de fait plus lar­ge­ment favo­rables à une séces­sion de la Catalogne. Selon une étude réa­li­sée par le Centre d’études d’opinion pour la Generalitat en juin 2017, seuls 25 % des votants qui sont nés à l’étranger sont favo­rables à l’indépendance. Chez les petits-enfants d’immigrés, le chiffre monte à 62 %.

« La nationalité catalane pour tout le monde »

Les immi­grés en faveur de l’in­dé­pen­dance de la Catalogne sont de plus en plus nom­breux et se consti­tuent en asso­cia­tions. Le  but de ce col­lec­tif est double : obte­nir le droit de vote et la natio­na­li­té du nou­vel Etat cata­lan. Pour Ana Surra, Uruguayenne d’o­ri­gine et fon­da­trice du groupe “Sí, amb nosaltres” (“Oui, avec nous” en cata­lan),  ce col­lec­tif a deux ambitions :

©Juliette Desmonceaux

« La Catalogne est notre pays, donc on vou­lait appuyer le droit à déci­der de son indé­pen­dance ou non, mais on vou­lait aus­si en pro­fi­ter pour mettre en avant les pro­blèmes de papiers que ren­contrent les immigrés. »

Dans la pénin­sule ibé­rique, l’ob­ten­tion de papiers de rési­dence comme de la natio­na­li­té espa­gnole dépendent du gou­ver­ne­ment natio­nal. Les indé­pen­dan­tistes cata­lans, conscients des dif­fi­cul­tés des étran­gers à obte­nir la natio­na­li­té espa­gnole – il faut comp­ter en moyenne dix ans -, sou­lignent la res­pon­sa­bi­li­té de Madrid. Et, en atten­dant l’in­dé­pen­dance, pro­mettent la natio­na­li­té cata­lane à tous les rési­dents de Catalogne en cas de séces­sion. Pour Ana Surra, aujourd’­hui dépu­tée ERC, l’ob­jec­tif est que le sta­tut de résident soit pos­sible dès trois mois sur le sol espa­gnol et qu’au bout de cinq ans, « la natio­na­li­té [cata­lane] soit pour tout le monde. »

Chez les immi­grés déten­teurs d’une double natio­na­li­té, l’adhésion à la cause indé­pen­dan­tiste est plus fré­quente. Gabriel Fernandez, conseiller muni­ci­pal en charge des affaires sociales à la mai­rie de Sabadell, une loca­li­té de la pro­vince de Barcelone, est l’un d’eux. 

Né à Montevideo, il a fait ses études en Uruguay, avant de venir tra­vailler en Espagne. Lors de la cam­pagne pour le réfé­ren­dum, il a écrit une lettre ouverte pour encou­ra­ger les Espagnols d’o­ri­gine latino-américaine à se rendre aux urnes. Sans don­ner de consigne de vote officielle.

Barcelone, 23 février 2018. Gabriel Fernandez, conseiller de la ville de Sabadell (loca­li­té de la pro­vince de Barcelone) posant dans son bureau avec un ruban jaune, en sou­tien aux “pri­son­niers poli­tiques” cata­lans. ©Mohamed-Amin Kehel

Malgré cela, l’ob­jec­tif était, selon le dépu­té, de « mon­trer aux Latinos que créer une République cata­lane est l’op­por­tu­ni­té d’être les pères fon­da­teurs d’un nou­veau pays. » Pour lui, l’in­dé­pen­dance per­met­trait de fon­der un nou­vel Etat plus juste et qui inclu­rait les immi­grés de Catalogne. « Certains craignent de perdre leur visa de tra­vail [en cas d’in­dé­pen­dance], mais il faut vaincre cette peur et poser les bases d’une nou­velle socié­té cata­lane. »

« Je représente toute la société catalane, que ce soit Marc ou Fatima »

Robert Masih Nahar, séna­teur ERC de Barcelone, est né en Inde ; Gerardo Pisarello pre­mier adjoint au maire de Barcelone, est Argentin et lui aus­si indé­pen­dan­tiste. Ces hommes poli­tiques nés à l’é­tran­ger sont de plus en plus nom­breux, y com­pris au sein des par­tis indé­pen­dan­tistes d’extrême-droite. Lors des élec­tions anti­ci­pées du mois de décembre 2017, le Parti popu­laire, géné­ra­le­ment cri­tique à l’é­gard de l’ac­cueil des réfu­giés, a pla­cé une Hispano-Marocaine, Hana Serroukh Ahmed, sur ses listes, bien que seule­ment à la 78e place.

Chez cette nou­velle géné­ra­tion d’im­mi­grés, la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions reste le prin­ci­pal levier de com­bat. C’est le cas de Najat Driouech, Marocaine de nais­sance, arri­vée en Catalogne à l’âge de neuf ans à la suite d’une poli­tique de regrou­pe­ment fami­lial. Elle vient d’être élue dépu­tée au Parlement de Catalogne sous la ban­nière de l’ERC, par­ti très enga­gé en faveur de l’indépendance.  Pour elle, les étran­gers qui vivent en Catalogne sont « tou­jours consi­dé­rés par cer­tains comme des citoyens de seconde zone », un constat qui explique son adhé­sion à l’ERC. Selon elle, le par­ti indé­pen­dan­tiste « recon­naît les iden­ti­tés mul­tiples » et reste celui qui « lutte le plus en faveur de l’é­ga­li­té sociale. »

Barcelone, 23 février 2018. Najat Driouech, dépu­tée ERC, au Parlement de Catalogne. ©Mohamed-Amin Kehel

Première femme musul­mane et pre­mière élue à por­ter le voile au sein de l’as­sem­blée légis­la­tive, elle ne se consi­dère pour­tant pas comme un sym­bole. « Je repré­sente toute la socié­té cata­lane, que ce soit Marc ou Fatima. » Pour autant, elle com­prend que cer­tains Catalans issus de l’im­mi­gra­tion se réjouissent de son élec­tion. « Il serait hypo­crite de ne pas recon­naître qu’une mino­ri­té de la socié­té a pu s’i­den­ti­fier à moi. J’en suis fière, mais je ne veux pas être un cli­ché. »

Dans le quar­tier d’El Raval, ces nou­veaux élus ne bou­le­versent pas les esprits. Patel, arri­vé d’Inde il y a dix ans et gérant d’une bou­tique d’élec­tro­nique, n’est pas au cou­rant qu’un de ses com­pa­triotes est séna­teur pour la ville de Barcelone. Pour lui, « C’est encore un poli­tique, il ne connaît pas la réa­li­té. » Pourtant, Patel a fait sa demande de natio­na­li­té espa­gnole. Aux pro­chaines élec­tions, il pour­rait aller voter pour la pre­mière fois. Il ne sait pas encore pour quel par­ti, mais il ne don­ne­ra pas sa voix à des élus sépa­ra­tistes. Pour lui, « les gens lamb­da s’en fichent, de l’in­dé­pen­dance. »

Travail enca­dré par Frédéric Traini, Alain Salles, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon.

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Rubrique : Tu seras catalanMots-clés : indépendance, barcelone, politique, immigration, identité, catalan, catalanisme, droit de vote, nationalité, associations

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