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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Le ni-ni de la maire de Barcelone divise le corps électoral catalan

Ada Colau, maire de Barcelone depuis 2015, ne s’est posi­tion­née ni pour ni contre l’indépendance de la Catalogne. A l’heure où tout le monde doit choi­sir son camp, ses élec­teurs ne sont pas en accord face à cette posi­tion tiède.

Écrit par Pauline Thurier Enquête de Pauline Thurier et Marion Huysman, à Barcelone
Publié le 2 mars 20183 décembre 2019
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« Ce n’est pas son rôle d’engager la ville de Barcelone dans un bateau où on n’a pas envie d’embarquer. » Stéphanie Badey, rési­dente en Espagne depuis onze ans, n’a pas voté « pour ça » en 2015. La ques­tion d’un réfé­ren­dum pour l’indépendance de la Catalogne ne se posait pas à ce moment-là. Dans son pro­gramme muni­ci­pal, Ada Colau se pro­non­çait pour « l’exercice du droit de déci­der sous la forme d’un réfé­ren­dum ou d’un consul­ta­tion » sans annon­cer quelle issue elle sou­hai­te­rait en voir res­sor­tir. En août 2017, deux ans après son élec­tion à la tête de la mai­rie de Barcelone, Ada Colau ne s’est posi­tion­née ni en faveur ni contre l’indépendance de la Catalogne. Voilà ce qui a contra­rié Stéphanie Badey.

Sur les sept par­tis élus en décembre au Parlement de Catalogne, En comù podem (Ensemble nous pou­vons), par­ti auquel est affi­liée Ada Colau, est le seul à ne pas prendre une posi­tion claire concer­nant la ques­tion de l’indépendance de la région. Dans un son­dage réa­li­sé par la mai­rie de Barcelone inter­ro­geant 800 per­sonnes en décembre 2017, Ada Colau a obte­nu une note d’ap­pro­ba­tion de 5,3÷10 de la part des citoyens. Au sein de cette socié­té où la pres­sion sociale est si forte que tout le monde s’o­blige à choi­sir un camp, élec­teurs et habi­tants de Barcelone sont divi­sés face à ce cas unique de ni-ni catalan.

Ada Colau a pour habi­tude d’aller là où on ne l’attend pas. En 2014, alors connue de la com­mu­nau­té bar­ce­lo­naise en tant que pré­si­dente de la PAH (Plateforme des vic­times du cré­dit hypo­thé­caire), l’activiste s’unit avec d’autres acteurs sociaux, pour lan­cer un mou­ve­ment afin de rem­por­ter la mai­rie de Barcelone. Claude, cheffe de vente de voyages tou­ris­tiques de 39 ans, à Barcelone depuis seize ans, voit « enfin la lumière ». Ce mou­ve­ment fait l’effet d’un « grand bol d’air frais » à Laura O., Catalane de 33 ans. Se situant hors du bipar­tisme tra­di­tion­nel, loin des soup­çons de cor­rup­tion qui ter­nissent l’i­mage de la classe poli­tique, Barcelona en comù (Barcelone en com­mun) se veut proche des gens et trans­pa­rent sur son fonc­tion­ne­ment. Les réunions heb­do­ma­daires avec les citoyens leur per­mettent de se dif­fé­ren­cier des autres par­tis. Les décla­ra­tions et dimi­nu­tions de salaires des conseillers muni­ci­paux renou­vellent la per­cep­tion des élec­teurs vis-à-vis du rap­port entre l’argent et les par­tis poli­tiques. Aux élec­tions muni­ci­pales de 2015, Barcelona en comù convainc 25 % des élec­teurs. Ada Colau devient la maire de Barcelone mais son groupe est mino­ri­taire : il occupe seule­ment onze des 41 sièges du conseil municipal.

Au moment de cette élec­tion, le débat sur l’indépendance de la Catalogne se des­sine déjà en toile de fond. Renforcée par la crise immo­bi­lière depuis 2008, la ques­tion d’une sépa­ra­tion de cette région de l’Etat cen­tral ne se pose tou­te­fois pas encore. A l’approche du réfé­ren­dum orga­ni­sé par la Generalitat, le gou­ver­ne­ment régio­nal de Catalogne, en octobre 2017, Barcelona en comù n’a pas à se posi­tion­ner pour ou contre l’indépendance. Le « ni natio­na­liste ni indé­pen­dan­tiste » d’Ada Colau sur la chaîne Antena 3 en août 2017 ne convainc pas ses oppo­sants poli­tiques ni ses électeurs.

« C’est impossible de ne pas se prononcer »

Barcelone, 19 février 2018. Stéphanie Badey et César Saeta Marina ont été déçus par la maire de Barcelone. ©Marion Huysman

Stéphanie Badey, pro­fes­seure d’u­ni­ver­si­té à Barcelone, et son com­pa­gnon Cesar Saeta Marina sont déçus de la posi­tion de celle pour qui ils ont voté. Cesar, infor­ma­ti­cien de 39 ans, est intran­si­geant : « En tant que maire de la capi­tale de la Catalogne, c’est impos­sible de ne pas se pro­non­cer. » La non-position d’Ada Colau détonne avec le reste des maires cata­lans. La maire d’Anglès, une petite ville à 100 kilo­mètres de Barcelone, a annon­cé à la RTBF en novembre 2017 que « sur 948 maires en Catalogne, 760 sont pour l’in­dé­pen­dance. » 

L’édile de Barcelone estime sans doute qu’en se reti­rant du débat, elle contri­bue à l’apaiser. Ce n’est pas l’avis de cer­tains de ses élec­teurs. « Maintenant je pense que c’est obli­ga­toire de choi­sir un camp, se désole Laura O.. C’est triste mais c’est comme ça. Ne pas prendre posi­tion n’aide en rien selon moi. » Laura est deve­nue  indé­pen­dan­tiste sur le tard. A l’annonce du réfé­ren­dum, la jeune femme pen­sait voter contre. En cause : l’illégalité du scru­tin, pro­non­cée par le Tribunal consti­tu­tion­nel espa­gnol. Au fil de la jour­née du 1ᵉʳ octobre, consta­tant les vio­lences per­pé­trées par la Guardia civil à l’encontre des Catalans vou­lant voter, Laura a coché la case “Sì”. « C’était sym­bo­lique, se souvient-elle, c’était plus un vote d’opposition par rap­port au gou­ver­ne­ment cen­tral. » Aujourd’hui, Laura est enga­gée pour la cause indé­pen­dan­tiste auprès des asso­cia­tions Òmnium Cultural et ANC.

Barcelone, 17 février 2018. Claude, 39 ans, est satis­faite de la posi­tion ni pour ni contre l’in­dé­pen­dance de la Catalogne d’Ada Colau. ©Marion Huysman

L’annonce de son posi­tion­ne­ment a affai­bli Ada Colau. Pour Laura O., la crise de l’indépendance a mon­tré qu’Ada Colau pou­vait subir de nom­breuses pres­sions de la part de divers par­tis d’opposition. Elle ajoute, dépi­tée : « Maintenant, on sait qu’elle est fina­le­ment un peu fra­gile. » La maire de Barcelone s’est démar­quée pen­dant son man­dat par sa volon­té de moder­ni­ser les trans­ports et d’instaurer des limites pour les pla­fonds des loyers et contre les expul­sions abu­sives. Son sta­tut mino­ri­taire au sein du conseil muni­ci­pal l’a par­fois blo­quée pour mener à bien ses projets.

La ques­tion de l’indépendance a éclip­sé les autres sujets poli­tiques à tous les niveaux : natio­nal, régio­nal et muni­ci­pal. Claude et Cesar disent tous les deux en avoir « marre » que ce sujet prenne toute la place. Autant média­ti­que­ment que politiquement.

Barcelone, 17 février 2018. Adoration Morillas (60 ans) et Claude (39 ans) dis­cutent de la poli­tique d’Ada Colau autour d’un café. ©Marion Huysman

« En politique, rien de pire que de ne pas donner d’avis »

Marie* est per­sua­dée que l’indépendance n’est pas le seul enjeu pour la mai­rie et que la majo­ri­té muni­ci­pale a la volon­té de le sou­li­gner. « Si les gens se disent déçus, c’est qu’ils n’avaient pas bien lu son pro­gramme », martèle-t-elle avec élan. « En poli­tique, il n’y a rien de pire que de ne pas don­ner d’avis. Elle ne vou­lait pas vexer les indé­pen­dan­tistes et en même temps ne pas renier sa posi­tion anti-indépendantiste : c’est pour ça que les gens la cri­tiquent. », poursuit-elle. Marie est res­pon­sable des rela­tions inter­na­tio­nales dans une orga­ni­sa­tion citoyenne de la ville. Cette Française ori­gi­naire de la région pari­sienne est arri­vée à Barcelone en 2009. En 2015, elle a voté pour Ada Colau « de tout son coeur ». De plus en plus impli­quée dans le mou­ve­ment Barcelona en comù, Marie pense que l’édile a tou­jours été très claire sur son opinion.

Barcelone, 17 février 2018. Adoration Morillas voit en Ada Colau une femme qui “repré­sente toutes les luttes d’une socié­té ter­ri­ble­ment conser­va­trice.” ©Marion Huysman

De son côté, Adoration Morillas a accueilli l’annonce de la pos­ture de la maire avec un grand enthou­siasme. Elle regrette que ceux qui ne veulent pas se posi­tion­ner soient poin­tés du doigt : « Ici, ou tu es indé­pen­dan­tiste ou tu es fas­ciste ! » Adoration a voté à l’élection muni­ci­pale en 2015 avec beau­coup d’espoir : « Ada Colau repré­sente toutes les luttes d’une socié­té ter­ri­ble­ment conser­va­trice. »

Le 1ᵉʳ octobre, 42 % des votants ins­crits se sont ren­dus aux urnes. Les anti-indépendantistes repré­sen­taient moins de 8 % des votants. Adoration Morillas en fai­sait par­tie. Elle avait déci­dé de ne pas aller voter ce jour-là. A l’instar de Laura O., cette archi­tecte de 60 ans a chan­gé d’avis pen­dant la jour­née en voyant les vidéos de vio­lence sur les réseaux sociaux.

Barcelone, 21 février 2018. Raul Sanz, Catalan de 41 ans, en a “marre” que la ques­tion indé­pen­dan­tiste occupe tout l’es­pace média­tique. ©Marion Huysman

Dans une inter­view pour Brut, Ada Colau insiste : « Notre volon­té est sur­tout de pou­voir avoir un gou­ver­ne­ment plus auto­nome en Catalogne. » En n’é­tant ni pour ni contre l’indépendance, Ada Colau sou­haite signi­fier qu’elle n’est pas pour l’indépendance telle qu’elle est pro­po­sée par les par­tis mais qu’elle n’est pas non plus pour que la Catalogne reste dans la situa­tion actuelle avec le gou­ver­ne­ment de Mariano Rajoy. Claude et Raul Sanz l’entendent de cette oreille et se recon­naissent dans ce parti-pris. Raul est res­pon­sable du bud­get de l’agence du loge­ment de Catalogne. Selon lui, « les gens au milieu étaient com­plè­te­ment péna­li­sés » pen­dant les débats. En tant que Catalan né à Barcelone, il porte plus d’importance aux élec­tions muni­ci­pales qu’aux autres élec­tions. Raul estime que ce conflit prend beau­coup trop de place par rap­port aux autres enjeux de la socié­té. « Pour les élec­tions du Parlement cata­lan en décembre, c’était la seule ques­tion, se souvient-il. Personne n’a lu le pro­gramme des dépu­tés ! »

Les pro­chaines élec­tions muni­ci­pales auront lieu en 2019. Stéphanie et Cesar craignent que la ques­tion de l’indépendance empêche la maire de se pré­sen­ter pour un second man­dat à la tête de la ville. Si Ada Colau annon­çait sa can­di­da­ture, Stéphanie assure qu’elle pri­vi­lé­gie­rait ses actions pour la ville dans son choix de vote mal­gré sa décep­tion concer­nant le ni-ni. « Aucun autre par­ti ne me repré­sente », se résigne-t-elle.

La posi­tion ni indé­pen­dan­tiste ni natio­na­liste qu’ont adop­tée Ada Colau et son par­ti Barcelona en comù attise les sup­po­si­tions. Même au sein de son élec­to­rat. Parmi les per­sonnes inter­ro­gées, seuls Claude et Raul pensent que le ni-ni n’était pas une tac­tique poli­tique. Pour le reste, la maire a une opi­nion per­son­nelle : indé­pen­dan­tiste pour les uns, anti pour les autres… En lais­sant ses élec­teurs dans le doute, Ada Colau faillit à la pro­messe de faire de la trans­pa­rence une prio­ri­té dans son mandat. 

*Ce pré­nom a été modifié.

Travail enca­dré par Cédric Rouquette, Cédric Molle-Laurençon, Jean-Baptiste Naudet et Henry de Laguérie.

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Rubrique : Dos à dosMots-clés : indépendance, catalogne, ada colau, barcelone, municipal, mairie, vote, référendum, 1-O

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