Skip to content
  • Accueil
  • Qui sommes-nous ?
  • Dos à dos
  • Tu seras catalan
  • Rester espagnol
  • Des mots qui comptent
  • Vivre la crise
  • Mémoires
Societat

Societat

Le média de la CFJ72 à Barcelone

Gérone : le laboratoire politique de Carles Puigdemont

Avant de deve­nir pré­sident de la Generalitat cata­lane, Carles Puigdemont a été maire de Gérone de 2011 à 2016. Une ville acquise à l’indépendantisme dans laquelle il a tes­té ses idées politiques. 

Écrit par Louis Germain Enquête de Louis Germain et Sophie Hemar, à Gérone
Publié le 6 mars 201816 mars 2018
•••

Le bal­lon fuse et une horde d’enfants le pour­suit. Rien ne semble les détour­ner du cuir, au grand dam d’une femme ten­tant de se frayer un che­min avec une pous­sette. Après les foot­bal­leurs, elle devra affron­ter d’autres groupes d’écoliers pour tra­ver­ser la place. Il est 17 heures, à la sor­tie des classes, la vaste Plaça de la Constitució (place de la Constitution) de Gérone devient une cour de récréa­tion. Le lieu fait par­ler. Le conseil muni­ci­pal l’a rebap­ti­sé le 12 février der­nier. Désormais, il fau­dra l’appeler “pla­ça de l’1 de Octubre de 2017” (place du 1ᵉʳ octobre 2017), date du réfé­ren­dum sur l’indépendance de la Catalogne.

Gérone, 20 février 2018. Marta Madrenas, maire de Gérone (PDECat). ©Sophie Hemar

« Je vou­lais rendre hom­mage aux citoyens et citoyennes qui ont défen­du les urnes le 1ᵉʳ octobre, et qui ont vou­lu défendre la démo­cra­tie avec leur propre corps contre la répres­sion poli­cière », explique Marta Madrenas, la maire de cette ville de 100 000 habi­tants et membre du Partit demò­cra­ta euro­peu cata­là (PDECat, Parti démo­crate euro­péen cata­lan), indé­pen­dan­tiste de centre-droit. Héritière de Carles Puigdemont, elle était sa deuxième adjointe à l’Economie et l’Emploi. Dans son bureau, nulle trace de dra­peau espa­gnol. Seule la senye­ra (le dra­peau cata­lan) trône avec, quelques mètres plus loin, un petit éten­dard euro­péen. Pour elle, la Constitution espa­gnole de 1978 n’est plus un rem­part démo­cra­tique : « Le gou­ver­ne­ment de Madrid attaque direc­te­ment le peuple cata­lan. »

Dans le jeu poli­tique cata­lan, Gérone a une place par­ti­cu­lière. La ville du nord de la Catalogne est liée à un nom : Carles Puigdemont. Né à Amer, à 18 kilo­mètres de Gérone, l’ancien pré­sident de la Generalitat cata­lane, en exil à Bruxelles, a étu­dié à l’Université de la ville puis est deve­nu jour­na­liste local, avant de se lan­cer en poli­tique. Carles Puigdemont a admi­nis­tré Gérone entre 2011 et 2016. Il en a fait un labo­ra­toire poli­tique de l’in­dé­pen­dan­tisme, avant d’ap­pli­quer ses idées à l’é­chelle de la région.

A la tête de la Catalogne jusqu’en octobre der­nier, il est deve­nu le per­son­nage cen­tral de la crise qui ébranle la région. Il a orga­ni­sé le réfé­ren­dum du 1ᵉʳ octobre et a pro­cla­mé, dans la fou­lée, la République cata­lane, le 10 octobre 2017. Le Géronais a été des­ti­tué de sa fonc­tion après la mise sous tutelle de la région et l’application de l’article 155 de la Constitution par le gou­ver­ne­ment espa­gnol de droite de Mariano Rajoy (PP, Parti Populaire). Poursuivi par la jus­tice espa­gnole pour “sédi­tion, rébel­lion, mal­ver­sa­tion, abus de pou­voir et déso­béis­sance”, Carles Puigdemont s’est ins­tal­lé à Bruxelles. Il a renon­cé pro­vi­soi­re­ment à la pré­si­dence de la région mal­gré la vic­toire des indé­pen­dan­tistes lors de l’é­lec­tion régio­nale du 21 décembre, convo­quée par Madrid.  Il entend désor­mais « inter­na­tio­na­li­ser » la lutte pour l’indépendance de la Catalogne.

Sa ville de Gérone fait figure de bas­tion indé­pen­dan­tiste. Cet automne, le conseil muni­ci­pal a décla­ré le roi et le repré­sen­tant du gou­ver­ne­ment en Catalogne per­so­nas non gra­ta dans l’enceinte de la ville, une mesure sym­bo­lique. En décembre, les listes indé­pen­dan­tistes obtiennent plus de 60 % dans la ville lors de l’é­lec­tion régio­nale. Un sou­tien fort à l’indépendance de la Catalogne mais aus­si à un homme. 

« El nostre president »

Dans les rues, Carles Puigdemont est « nostre pre­sident » (notre pré­sident). « C’est quelqu’un de très intègre, de très hon­nête », glisse Lluis Eteve Casellas, employé de la mai­rie. Les yeux d’Enriquetta Maruny pétillent quand on évoque l’an­cien maire  : « Nous aimons beau­coup Puigdemont. » Cette ven­deuse de 57 ans tient un bou­tique de sou­ve­nirs. Un ruban jaune décore sa porte. Ivan Vendrell, 34 ans, der­rière le comp­toir de la “Taverne cata­lane”, va plus loin : « Je n’ai pas de ruban mais je porte un polo jaune toute la jour­née. » 

Gérone, 22 février 2018. La mai­rie de Gérone, trem­plin poli­tique pour Carles Puigdemont. ©Sophie Hemar

Le sym­bole se retrouve par­tout dans les dédales de la vieille ville. Tantôt aux fenêtres, tan­tôt sur les monu­ments. Nombre de Géronais l’arborent sur la poi­trine. Même la façade de la mai­rie l’a adop­té, accom­pa­gné d’un slo­gan : “Llibertat pre­sos poli­tics” (Libérté pour les pri­son­niers poli­tiques), en réfé­rence aux quatre lea­ders sépa­ra­tistes der­rière les bar­reaux pour l’organisation du référendum.

Derrière les murs de l’hôtel de ville, Carles Puigdemont a façon­né son pro­jet poli­tique. « Il a incar­né une nou­velle géné­ra­tion après une tren­taine d’années de socia­lisme », confie Aleix Clario, en charge de la com­mu­ni­ca­tion de Carles Puigdemont de la mai­rie jusqu’à son exil belge.

« Il a pro­mis une ouver­ture de Gérone », souffle le com­mu­ni­ty mana­ger. Cela passe par l’organisation de fes­ti­vals cultu­rels et le tou­risme. La fré­quen­ta­tion tou­ris­tique a bon­di à Gérone : plus de 70 % d’augmentation du nombre de nuits d’hôtels réser­vées entre 2011 et 2017, selon l’office du tou­risme de la ville. Parmi les prin­ci­pales attrac­tions : les marches qui mènent à la Cathédrale Sainte-Marie. Toute la jour­née, les curieux y prennent la pose pour de pré­cieux sel­fies. Il y a quelques années, la série télé­vi­sée amé­ri­caine Game of Thrones y avait tour­né des scènes. Les tour­ments poli­tiques de la cité cata­lane égalent presque les intrigues du pro­gramme à suc­cès de HBO. 

« Quand il est arri­vé à la mai­rie, il n’y avait pas d’ordinateur. L’ancienne maire écri­vait ses dis­cours avec la machine à écrire », raconte Aleix Clario. L’utilisation des réseaux sociaux moder­nise la com­mu­ni­ca­tion de la mai­rie. Par ses actes, Carles Puigdemont a repla­cé la ville sur la carte de l’Espagne. « Même sa nomi­na­tion à la tête de la Catalogne a été un motif de fier­té pour les Géronais, pointe celui qui a plu­sieurs fois ren­du visite à l’an­cien diri­geant à Bruxelles. Pour une fois, le pré­sident de la Generalitat ne venait pas de Barcelone. »

Le modèle géronais adopté par la Catalogne

Plaça de la Independència (place de l’indépendance), une sta­tue com­mé­mo­rant la défense de la ville contre les troupes napo­léo­niennes est habillée de la senye­ra et de tis­sus jaunes. L’alliance d’une lutte pas­sée et d’une lutte contem­po­raine. L’indépendantisme n’est pas né dans la ville sous Carles Puigdemont. Mais il y a pros­pé­ré grâce à cet « indé­pen­dan­tiste convain­cu ».

Gérone, 19 février 2018. Les monu­ments géro­nais exhibent les cou­leurs indé­pen­dan­tistes. ©Sophie Hemar
10 jan­vier 2014. Silvia Paneque, porte-parole du PSC à Gérone. ©Wikimedia Commons

La porte-parole du Partit dels socia­listes de Catalunya (PSC, Parti des socia­listes de Catalogne) de Gérone, Silvia Paneque, fus­tige l’at­ti­tude de Carles Puigdemont, alors édile : « Son inté­rêt a tou­jours été plus por­té sur la poli­tique natio­nale que la poli­tique muni­ci­pale. » « Gérone lui a per­mis de par­ti­ci­per à la poli­tique natio­nale », lâche celle qui, jusqu’en octobre, était adjointe de Marta Madrenas à la mai­rie. Elle se dit victime de ce qu’elle appelle « le sec­ta­risme poli­tique » des indé­pen­dan­tistes, qui rejettent une gou­ver­nance avec les par­tis oppo­sés à l’indépendance. 

A Gérone, Carles Puigdemont a mis en place une alliance entre les forces indé­pen­dan­tistes. Et ain­si, chan­gé le tra­di­tion­nel cli­vage gauche-droite en un cli­vage pour ou contre l’indépendance. A tra­vers la pré­si­dence de l’Associació de muni­ci­pis per la inde­pen­dèn­cia (AMI, Association des muni­ci­pa­li­té pour l’in­dé­pen­dance), à par­tir de 2015, il conti­nue d’ex­pé­ri­men­ter cette stra­té­gie. La struc­ture ras­semble les maires cata­lans indé­pen­dan­tistes de tous bords.

2 mars 2005. Maria Merce Roca, porte-parole d’ERC à Gérone. ©Wikimedia Commons

Dans cette optique, l’homme poli­tique, incon­nu natio­na­le­ment, suc­cède à Artur Mas à la tête de la Generalitat, en 2016. L’objectif : repro­duire l’alliance qui gou­verne Gérone à l’é­chelle de la région. Malgré une éti­quette de centre-droit, il réus­sit à ras­sem­bler jusqu’à la gauche radi­cale. « Nous, nous sommes de gauche. Eux, ils sont de droite. Mais un pays indé­pen­dant a besoin de toutes ses com­po­santes poli­tiques, résume Maria Merce Roca, la chef de file de l’Esquerra repu­bli­ca­na cata­la­na (ERC, Gauche répu­bli­caine cata­lane) dans la ville. Nous devons être ensemble pour deve­nir une République et un pays indé­pen­dant. Après, on se dis­pu­te­ra pour sa construc­tion. » Un alliage qui repose uni­que­ment sur la quête d’indépendance. Au risque de sacri­fier cer­tains sujets comme les poli­tiques sociales.

Les « oubliés » de Carles Puigdemont

En péri­phé­rie de Gérone, le quar­tier de Vila-roja parait iso­lé du reste de la ville tant géo­gra­phi­que­ment que poli­ti­que­ment et socia­le­ment. « Aucun res­pon­sable poli­tique ne vient ici, que ce soit la maire ou ses pré­dé­ces­seurs comme Carles Puigdemont », constate Pedro Navarte*, la qua­ran­taine, habi­tant de Vila-roja. C’est une ban­de­role aux cou­leurs de l’Espagne qui marque l’entrée dans le quar­tier. Beaucoup de ses habi­tants ont des racines anda­louses et estré­mègnes. Ils ne sou­haitent pas rompre avec Madrid. Accoudés au comp­toir du café, lieu de vie du quar­tier, ils prônent le res­pect entre Catalans et Espagnols. Oubliés du centre-ville, les habi­tants ren­voient dos à dos les indé­pen­dan­tistes et l’extrême droite, « ces fas­cistes » qui tentent de les récupérer.

Gérone, 22 février 2018. Alberto Tarrabas, pré­sident de Vox Gérone. ©Sophie Hemar

Au coeur de la ville, un homme en cos­tume s’agite. Emmailloté dans son trois pièces, il porte une cra­vate aux cou­leurs du badge épin­glé à sa poi­trine. Pas de ruban jaune, trois lettres vertes : VOX. « Les indé­pen­dan­tistes, les bour­geois locaux, ne se pré­oc­cupent que de l’indépendance, déclare Alberto Tarrabas, étu­diant en école de com­merce de 21 ans, pré­sident du par­ti d’extrême-droite Vox de Gérone. Les gens ont d’autres pro­blèmes plus impor­tants que l’indépendance de la Catalogne : l’économie, les impôts, l’avortement, les valeurs fami­liales… » Le par­ti, qui repré­sente moins de 1 % des votes, plaide pour une inter­dic­tion totale des par­tis indé­pen­dan­tistes qui mettent en péril l’unité espa­gnole. Concernant Carles Puigdemont, le ton est ferme : « Il a divi­sé la socié­té comme jamais depuis la guerre civile (1936−1939). Et ce mon­sieur essaye d’échapper à la jus­tice comme un lâche. »

Gérone, 20 février 2018. Marta Madrenas, maire de Gérone, se posi­tionne en héri­tière de Carles Puigdemont. ©Sophie Hemar

Le retour en Espagne de Carles Puigdemont n’est pas à l’ordre du jour. L’ancien pré­sident de la Generalitat encourt jusqu’à 30 ans pri­son pour son rôle dans l’organisation du réfé­ren­dum et la pro­cla­ma­tion de l’indépendance. « En lui inter­di­sant de reve­nir, le gou­ver­ne­ment espa­gnol a une atti­tude anti-démocratique », note Marta Madrenas. Selon elle, le lea­der cata­lan doit conti­nuer sa lutte depuis l’étranger. Elle est d’ailleurs en contact quo­ti­dien avec lui.

Un preuve qu’il n’abandonne pas le com­bat pour l’indépendance cata­lane. L’ancien maire de Gérone envi­sage de consti­tuer un conseil de la République « pour qu’il conduise au che­min de l’indépendance effec­tive », a‑t-il décla­ré dans une allo­cu­tion le 1er mars. Une fonc­tion hono­ri­fique pour celui que les Géronais appellent « Président ».

*Nom modi­fié

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Fabien Palem, Cédric Molle-Laurençon et Cédric Rouquette.

Share on facebook
Facebook
Share on google
Google
Share on twitter
Twitter
Rubrique : Dos à dosMots-clés : indépendance, puigdemont, gérone, carlespuigdemont, PDeCAT

Autour d’Ada Colau, une majorité divisée

Sur la ques­tion de l’in­dé­pen­dance, la maire de Barcelone s’est tou­jours mon­trée pru­dente, cri­ti­quée de toutes parts. Mais pour les membres de sa majo­ri­té, qui regroupe des “pro” et des “anti”, Ada Colau joue son rôle de médiatrice.

Volonté souverainiste : Majorque dans les pas de la Catalogne

Sur l’île de Majorque dans les Baléares, l’influence cata­lane sème la ziza­nie. Un par­ti poli­tique major­quin a pro­po­sé de suivre l’exemple de la Catalogne après son réfé­ren­dum sur l’indépendance. L’île est désor­mais divi­sée entre la mino­ri­té pro-indépendantistes et les sou­tiens au gou­ver­ne­ment central.

Miquel Sellarès, le premier policier de Barcelone

Indépendantiste et cata­la­niste, le fon­da­teur des Mossos modernes, la police cata­lane post-Franco, est un Barcelonais pur-sang qui vibre au son de l’hymne cata­lan depuis son plus jeune âge. Rencontre avec Miquel Sellarès. 

Articles récents

  • Les avocats catalans à l’assaut des failles du droit espagnol
  • Autour d’Ada Colau, une majorité divisée
  • Face à l’indépendantisme catalan, l’extrême-droite espagnole y va Franco
  • Les vilains petits supporters barcelonais
  • Littérature catalane : une constellation en quête d’existence

Catégories

  • Tu seras catalan
  • Rester espagnol
  • Vivre la crise
  • Dos à dos
  • Des mots qui comptent
  • Mémoires

Méta

  • Connexion
  • Flux des publications
  • Flux des commentaires
  • Site de WordPress-FR
Qui sommes nous ? Mentions légales