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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Catalogne : les médias en première ligne face à la crise

En Catalogne, les médias sont à l’image de la socié­té cata­lane : pola­ri­sés et divi­sés. Journalistes et rédac­tions sont au coeur des ten­sions entre indé­pen­dan­tistes et unio­nistes. Les pres­sions éco­no­miques sur les rédac­tions et les cas d’intimidation des jour­na­listes mal­mènent leur objec­ti­vi­té et la dif­fu­sion d’informations équilibrées. 

Écrit par Pauline Pauquet Enquête de Juliette Delage et Pauline Pauquet, à Barcelone et Gérone
Publié le 5 mars 201815 mars 2018
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Dans la rédac­tion de TV3, la télé­vi­sion publique cata­lane, tout le monde s’active. Les jour­na­listes tapent ner­veu­se­ment sur leurs ordi­na­teurs. Un dra­peau indé­pen­dan­tiste traine dans un pot à crayons. Sur un mur, les télé­vi­sions dif­fusent les jour­naux du monde entier. En direct, sur le pla­teau de TV3, une femme exhibe un ruban jaune sur la poi­trine, sym­bole de la lutte pour la libé­ra­tion des lea­ders indé­pen­dan­tistes. « Elle est édi­to­ria­liste, pas jour­na­liste », pré­cise Isabel Gallí (44 ans), du ser­vice inter­na­tio­nal de TV3, pour jus­ti­fier cette prise de posi­tion à l’antenne.

Un com­men­taire loin d’être ano­din alors que le manque d’ob­jec­ti­vi­té de la chaîne est for­te­ment cri­ti­qué par le gou­ver­ne­ment de Madrid et par plu­sieurs jour­na­listes et intel­lec­tuels. Certains col­lègues la qua­li­fient de « pro­pa­gande ». Un para­doxe pour Isabel Gallí : « Je pense qu’on fait bien notre tra­vail, c’est pour ça qu’on a une aus­si bonne audience. » Pourtant, elle concède : « J’avoue que des per­sonnes très unio­nistes ne vont pas regar­der TV3. » Lluís Calles, 52 ans, jour­na­liste et pré­sident du conseil pro­fes­sion­nel – une orga­ni­sa­tion char­gée de sur­veiller le conte­nu de la chaîne – pré­sente fiè­re­ment les résul­tats des audiences de TV3. « C’est incroyable comme les audiences ont aug­men­té en octobre ! » Pendant le mois du réfé­ren­dum d’au­to­dé­ter­mi­na­tion, la chaîne a gagné 740 000 télé­spec­ta­teurs pour une audience moyenne de 11,8 mil­lions de per­sonnes (source : Corporation Catalane des Médias Audiovisuels).

Depuis 2012 et la réforme fis­cale avor­tée entrai­nant la mon­tée du sen­ti­ment indé­pen­dan­tiste, la majo­ri­té des médias cata­lans a pris posi­tion pour ou contre l’indépendance. En met­tant à mal l’ob­jec­ti­vi­té jour­na­lis­tique, les médias ampli­fient la vio­lence du débat public. Cette démarche enga­gée influence les ventes et les audiences, comme le montrent les chiffres ci-dessous. Par exemple, El País a reje­té publi­que­ment l’indépendance tan­dis que le jour­nal El Punt-Avui a ren­for­cé son aspi­ra­tion indépendantiste.

En Catalogne, les médias indé­pen­dan­tistes semblent pro­fi­ter de la crise poli­tique, contrai­re­ment aux médias unio­nistes. Rien d’étonnant pour Lluís Uría, 57 ans, chef du ser­vice inter­na­tio­nal à La Vanguardia, le jour­nal le plus lu de Catalogne (45 684 exem­plaires pour l’é­di­tion cata­lane) : « On essaye tous les jours de trou­ver l’équilibre et de favo­ri­ser le dia­logue. C’est la posi­tion la plus dif­fi­cile car les gens veulent lire des jour­naux qui leur res­semblent. » L’objectivité de La Vanguardia est saluée par de nom­breux jour­na­listes. Une neu­tra­li­té liée à la sta­bi­li­té éco­no­mique d’El Grupo Godó, le groupe pro­prié­taire du jour­nal, selon Lluís Uría :  « Nous avons moins de pro­blèmes de finan­ce­ment que les autres jour­naux. » L’entreprise est pour­tant diri­gée par Javier Godó, un aris­to­crate espa­gnol proche du pou­voir de Madrid.

Gérone, 20 février 2018. Dans les kiosques de Catalogne, les jour­naux affichent leur prise de posi­tion. ©Pauline Pauquet
Barcelone, 22 février 2018. Gabriel Colomé, pro­fes­seur de science poli­tique à l’u­ni­ver­si­té auto­nome de Barcelone. ©Juliette Delage

Si les médias cata­lans ont mis de côté leur objec­ti­vi­té jour­na­lis­tique, « c’est parce qu’ils sont défi­ci­taires », explique Gabriel Colomé, pro­fes­seur de sciences poli­tiques à l’université auto­nome de Barcelone. Une pré­ca­ri­té entraî­nant une dépen­dance aux sub­ven­tions publiques ou aux publi­ci­tés ins­ti­tu­tion­nelles. Cette situa­tion « pose un pro­blème d’indépendance jour­na­lis­tique. » Par exemple, le bud­get de TV3, soit près de 300 mil­lions d’euros, est géré par la Corporation cata­lane de médias audio­vi­suels (CCMA), un orga­nisme public finan­cé par la Generalitat [le gou­ver­ne­ment, le par­le­ment et l’ad­mi­nis­tra­tion publique de Catalogne].

Depuis la mise sous tutelle de la région, le 21 octobre 2017, le chef du gou­ver­ne­ment espa­gnol, Mariano Rajoy, a repris le contrôle des comptes de la Generalitat. L’activation de l’ar­ticle 155 de la Constitution met le bud­get des médias cata­lans entre les mains de Madrid. À l’heure actuelle, le finan­ce­ment de 2018 n’a pas encore été voté mais cette déci­sion sus­cite quelques craintes : « Madrid consi­dère TV3 comme le diable et l’ADN de TV3 est d’être une grande rédac­tion, note Lluís Calles, nous avons besoin de cet argent. »

« J’ai été victime d’acharnement sur les réseaux sociaux » – Cristian Segura, El País

Si les rédac­tions sont mal­me­nées par les pres­sions éco­no­miques, les jour­na­listes souffrent eux aus­si d’in­ti­mi­da­tions. En sep­tembre der­nier, l’ONG Reporters sans fron­tières a publié un rap­port dénon­çant les pres­sions subies par des jour­na­listes en Catalogne, plus par­ti­cu­liè­re­ment sur les réseaux sociaux par des mili­tants du camp adverse. Cristian Segura, 39 ans, jour­na­liste pour El País, en a été vic­time : « Je rece­vais des mes­sages sur Twitter et WhatsApp. Comment je me suis défen­du ? J’ai pris des anti­dé­pres­seurs et j’ai ten­té d’ignorer du mieux que j’ai pu. »

Les cas comme celui de Cristian Segura res­tent mino­ri­taires et « ce rap­port est un peu exa­gé­ré », admet Julia Macher, cor­res­pon­dante alle­mande à Barcelone. Le rap­port de RSF affirme que les pres­sions subies par les jour­na­listes peuvent conduire à de l’autocensure. Julia Macher est plus modé­rée : « À chaque fois que je tweete, je réflé­chis à deux fois avant de pos­ter. Ce n’est pas de l’autocensure, mais de la vigi­lance sur un sujet aus­si sen­sible. »

« Nous assumons être des journalistes engagés » – Miquel Riera, El Punt-Avui

Gérone, 20 février 2018. Miquel Riera, direc­teur de la rubrique culture au quo­ti­dien El Punt-Avui. ©Pauline Pauquet

En Espagne, la fron­tière entre jour­na­lisme, mili­tan­tisme et com­mu­ni­ca­tion est assez poreuse. Les études de jour­na­lisme et de com­mu­ni­ca­tion sont d’ailleurs com­munes à l’Université. Dans la rédac­tion d’El Punt-Avui, à Gérone, à 100 kilo­mètres au nord de Barcelone, Miquel Riera (57 ans), direc­teur de la rubrique culture de l’édition natio­nale du jour­nal, reven­dique sa pen­sée indé­pen­dan­tiste : « Nous assu­mons d’être des jour­na­listes enga­gés en faveur des causes justes que sont la démo­cra­tie et la jus­tice. » Une posi­tion claire et assu­mée : un dra­peau indé­pen­dan­tiste flotte à l’entrée de la rédac­tion et le jour­nal affiche même un ruban jaune sur son logo. Il est pos­sible, souligne-t-il, « de don­ner son avis si les gens savent que ce qu’ils lisent est écrit par un jour­na­liste d’une sen­si­bi­li­té ou d’une autre ».

 

 

Gérone, 20 février 2018. Un homme lit le jour­nal El Punt-Avui à la ter­rasse d’un café, à deux pas de la rédac­tion du quo­ti­dien. ©Juliette Delage

En Catalogne, le gen­darme de l’information s’appelle le CAC (le Conseil audio­vi­suel de cata­logne). Cet orga­nisme finan­cé à 97 % par la Generalitat en 2017 est char­gé de contrô­ler « le plu­ra­lisme, la neu­tra­li­té et l’hon­nê­te­té infor­ma­tive […]. » (source : site offi­ciel du CAC).

Accusée de dif­fu­ser de la pro­pa­gande par Madrid, TV3 se défend en bran­dis­sant un rap­port du CAC datant du 19 octobre 2017. Le rap­port indique que TV3 res­pecte le plu­ra­lisme contrai­re­ment à TVE, la télé­vi­sion publique espa­gnole. TV3 a don­né 48 % de son temps de parole au « gou­ver­ne­ment cata­lan » et 30 % au « gou­ver­ne­ment cen­tral de Madrid » le 1er octobre 2017, jour du réfé­ren­dum d’autodétermination.

Un rap­port à prendre avec pré­cau­tion, selon Gabriel Colomé, car « les membres du CAC sont majo­ri­tai­re­ment indé­pen­dan­tistes. » Le CAC est le reflet de la majo­ri­té par­le­men­taire. Sur six membres, quatre appar­tiennent à des par­tis pro-indépendance. De plus, le cal­cul du temps de parole est contes­té par le pro­fes­seur de sciences poli­tiques : « Les argu­ments de l’opposition sont dif­fu­sés à des horaires peu regar­dés, en pleine nuit par exemple. »

En rai­son de ces pra­tiques, de plus en plus de non-indépendantistes refusent d’aller débattre à l’an­tenne de la chaîne régio­nale. « Beaucoup de col­lègues ont déci­dé de ne plus aller sur le pla­teau de TV3 car ils orga­nisent des débats avec trois indé­pen­dan­tistes contre un seul non-indépendantiste », indique Gabriel Colomé. « C’est un faux débat, même le modé­ra­teur est indé­pen­dan­tiste ! ». Lui conti­nue de se rendre à TV3 pour « ne pas lais­ser l’espace sans réponse, même si je sais que dans la logique de mes col­lègues, je par­ti­cipe à ce que le CAC pré­sente comme de la plu­ra­li­té. » Les débats sont sou­vent sui­vis de com­men­taires viru­lents sur les réseaux sociaux.  « Je sais que mes argu­ments triomphent quand je vois les réac­tions des indé­pen­dan­tistes sur Twitter. Parfois c’est dur, je me fais insul­ter. Mais je sais que j’ai fait quelque chose de bien. » Le pro­fes­seur emprun­te­ra de nou­veau l’es­ca­lier « rem­pli de rubans jaunes » qui mène aux stu­dios de TV3, obser­vant avec iro­nie que « s’ils ne sont pas indé­pen­dan­tistes, je ne com­prends pas pour­quoi ils mettent des lacets jaunes par­tout ».

Travail enca­dré par Henry de Laguérie, Jean-Baptiste Naudet, Cédric Molle-Laurençon et Cédric Rouquette. 

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Rubrique : Vivre la criseMots-clés : Espagne, catalogne, barcelone, catalan, média, gérone, rédaction, journalisme, indépendantisme, tv3

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