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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Vila-roja, rebelle espagnole en fief catalan

A Vila-roja, petit quar­tier de l’est de Gérone, la popu­la­tion a déci­dé de se reven­di­quer ter­ri­toire espa­gnol, suite à la décla­ra­tion d’indépendance de la Catalogne du 27 octobre 2017. Une manière pour les habi­tants de faire res­pec­ter leur iden­ti­té espa­gnole dans l’une des villes les plus indé­pen­dan­tistes de la région.

Écrit par Sophie Hemar Enquête de Sophie Hemar et Louis Germain, à Gérone
Publié le 2 mars 201815 mars 2018
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« C’est l’un des pires quar­tiers de toute la pro­vince. C’est là-bas que nous avons le plus de pro­blèmes ! » C’est en ces termes que Marta Madrenas, maire de Gérone, qua­li­fie le quar­tier de Vila-roja. Ce bas­tion d’un mil­lier et demi d’habitants a déci­dé, suite à la pro­cla­ma­tion de l’indépendance de la Catalogne le 27 octobre 2017, de reven­di­quer son appar­te­nance au ter­ri­toire espa­gnol. Un acte de rébel­lion contre la déci­sion du Parlement cata­lan, dans l’un des fiefs indé­pen­dan­tistes de la région. Gérone, ville de 100 000 habi­tants, a été admi­nis­trée par Carles Puigdemont. Il en a été le maire de 2011 à 2016, avant de deve­nir pré­sident de la Generalitat de Catalunya (Généralité de Catalogne), puis la figure de l’indépendantisme catalan.

Une unique ligne de bus relie le centre-ville au quar­tier est de Vila-roja. A vingt minutes du centre his­to­rique de Gérone. Loin des grands bâti­ments imma­cu­lés et des rues impec­ca­ble­ment entre­te­nues. Plus loin que le pan­neau de sor­tie de la ville. Plus loin que le cime­tière. Au fur et à mesure des trois kilo­mètres de route, les dra­peaux cata­lans dis­pa­raissent des bal­cons. Ils laissent place à des façades gri­sâtres, de plus en plus abi­mées. Le long de la route, le peu de ver­dure est recou­vert de canettes , de bouts de plas­tique et d’autres déchets. Au bout du che­min, en mon­tant dans les hau­teurs, une énorme ban­nière rouge et jaune, accro­chée de part en part de la rue prin­ci­pale, attire le regard du visi­teur. En lettres noires est écrit ce simple slo­gan : “Bienvenue en Espagne !!!!” Et bien­ve­nue à Vila-roja.

Gérone, 22 février 2018. En haut de la puja­da pri­mer maig (mon­tée du 1ᵉʳ mai), rue prin­ci­pale de Vila-roja, les habi­tants ont accro­ché une ban­nière “Bienvenido a España !!!!” (Bienvenue en Espagne). ©Sophie Hemar

Refus de l’indépendance

Ce quar­tier est l’un des plus pauvres de Gérone, ville dont l’économie repose quasi-exclusivement sur le tou­risme. Dans cet ancien quar­tier ouvrier, la popu­la­tion n’est pas prête à renon­cer à ses racines. Pour la plu­part, les habi­tants sont les enfants d’immigrés espa­gnols venus en Catalogne dans les années 1960. Ils sont nom­breux à l’affirmer : « Ici, nous sommes Catalans, mais aus­si Espagnols ! »

Gérone, 22 février 2018. Près du bar le Cuellàr, une ban­de­role affiche les dra­peaux espa­gnol et cata­lan,
avec le slo­gan “España ama Cataluña” (L’Espagne aime la Catalogne). ©Sophie Hemar

Entre la mai­rie, diri­gée par l’indépendantiste Marta Madrenas, et Vila-roja, les rela­tions sont ten­dues depuis la décla­ra­tion d’indépendance du 27 octobre. Cette annonce du Parlement de Catalogne, pousse un groupe d’habitants du quar­tier à agir pour défendre leur appar­te­nance à l’Espagne. Albert Soler, jour­na­liste au quo­ti­dien local Diari di Girona, est le pre­mier sur place.

« Plusieurs voi­sins du quar­tier ont pris l’initiative d’organiser une récolte de fonds à Vila-roja juste après la décla­ra­tion d’indépendance. En quelques heures, ils ont récol­té envi­ron mille euros, explique-t-il. Avec cette somme, ils sont allés ache­ter dra­peaux espa­gnols, pin­ceaux, et pein­ture rouge et jaune. Puis, dans la soi­rée, ils ont accro­ché les dra­peaux aux lam­pa­daires, peint la grande ban­de­role à l’entrée ain­si que plu­sieurs murs, pour reven­di­quer leur appar­te­nance à l’Espagne. »

Gérone, 22 février 2018. Depuis le 27 octobre, les habi­tants de Vila-roja conti­nuent
de peindre leur atta­che­ment à l’Espagne sur les murs du quar­tier. ©Sophie Hemar

Cette ini­tia­tive spon­ta­née encou­rage d’autres habi­tants de Vila-roja à sor­tir leurs dra­peaux, et à peindre sur leurs volets des mes­sages d’attachement au royaume. le len­de­main, le bruit com­mence à cou­rir dans les quar­tiers alen­tour : Vila-roja s’est décla­rée ter­ri­toire espa­gnol. L’article d’Albert Soler, paru le 1er novembre à la une du Diari de Girona, a infor­mé le reste de l’Espagne de cette rébel­lion. Ironiquement, le même jour que l’an­nonce du départ de l’ancien maire Carles Puigdemont pour Bruxelles.

Gérone, 1er novembre 2017. A la une du Diari de Girona, les évè­ne­ments
de Vila-roja côtoient l’an­nonce du départ de Puigdemont pour la Belgique. ©Diari di Girona

Derniers servis par la mairie

Des res­sen­ti­ments locaux sont à l’origine des évè­ne­ments de Vila-roja, au moins autant que le sen­ti­ment d’appartenance à la Couronne. « Certains habi­tants de cette zone pensent que le pro­ces­sus d’indépendance que nous avons mis en place attaque direc­te­ment leur sen­ti­ment espa­gnol, estime Madrenas. Mais c’est faux ! A la mai­rie, nous vou­lons juste pro­té­ger le sen­ti­ment pro­fond de cha­cun. »

Pour David Jimenès, jour­na­liste au Diari de Girona, l’attitude de la maire est tein­tée d’hypocrisie : « Le gou­ver­ne­ment local inves­tit très peu pour les habi­tants de Vila-roja. Ils passent tou­jours les der­niers pour rece­voir des sub­ven­tions. Alors, la décla­ra­tion d’indépendance, ça a été la goutte d’eau qui a fait débor­der le vase. »

« La maire se per­met de nous cri­ti­quer, alors qu’elle ne nous connaît pas ! », s’exclame Pedro Navarte*, la qua­ran­taine, en essuyant éner­gi­que­ment le comp­toir du bar le Cuellàr. « Elle n’est venue qu’une seule fois ici depuis le début de son man­dat, il y a un an et demi. Et c’était juste pour prendre des pho­tos ! Comment voulez-vous qu’elle com­prenne nos reven­di­ca­tions ? » Ce bar est l’un des seuls lieux de réunion du quar­tier. Il sert à la fois de res­tau­rant, de centre social, d’épicerie et de diver­tis­se­ment pour ceux qui aiment le billard ou les machines à sous. « Il y a même des funé­railles qui se ter­minent ici », com­mente un voi­sin, venu ache­ter quelques tickets de jeu à gratter.

A 14 heures, ce sont sou­vent des hommes, la soixan­taine bedon­nante, qui se retrouvent pour dis­cu­ter autour d’une bière ou d’un café. Juan Tabares*, 52 ans, patron d’un petit garage du coin, est par­ti­cu­liè­re­ment frus­tré de l’attitude de la maire à l’égard de son quar­tier. « A la mai­rie de Gérone, ils ne se pré­oc­cupent de rien, sauf de leur lutte contre l’Espagne pour l’indépendantisme, déplore Juan. Ils se fichent de notre niveau de vie, que nos enfants étu­dient, de l’état des rues, de l’ac­cès aux soins. Il n’y en a que pour l’indépendance et le centre-ville », soupire-t-il en regar­dant fixe­ment le reste de son sand­wich. « Que j’a­gite ou pas un dra­peau cata­lan, si je dois aller à l’hô­pi­tal, j’at­ten­drai quand même pen­dant dix heures. » Venu déjeu­ner avec sa femme, ses deux enfants et sa belle-mère, il est l’un des rares à prendre autre chose qu’un café ou une bière. Ou l’un des rares à pou­voir se le per­mettre. « C’est pour cela que nous avons reven­di­qué notre appar­te­nance à l’Espagne : défendre nos racines et faire réagir sur notre situa­tion. »

Mépris des indépendantistes

Si le centre-ville affiche clai­re­ment ses opi­nions indé­pen­dan­tistes à coups de ban­nières cata­lanes aux bal­cons, peu de ses habi­tants sont déjà allés jusque Vila-roja. De l’ignorance de l’exis­tence de ce quar­tier popu­laire, leur avis a bas­cu­lé dans le mépris. « Depuis que ces his­toires d’indépendance ont pris de l’importance dans le centre, il y a eu des pres­sions contre les immi­grés cas­tillans, contre nous, alors qu’il n’y en a jamais eu contre les Pakistanais ou les Marocains du coin », com­mente Pedro dans un sou­pir. « Quand on se rend en ville pour tra­vailler, et qu’on parle espa­gnol, on refuse de nous ser­vir. » Derrière lui, un client du bar ren­ché­rit : « On pense que cer­tains viennent le soir pour ins­crire des mes­sages pro-Franco dans le square, pour nous faire pas­ser pour des extré­mistes. Il y a du racisme contre les Castillans ici ! »

Gérone, 22 février 2018. Dans le square de Vila-roja, on peut aper­ce­voir plu­sieurs graf­fi­tis,
dont un “Viva Franco” (Vive Franco). ©Sophie Hemar

Les habi­tants du centre ne sont pas les seuls à se dis­tan­cier de Vila Roja. C’est ce que confirme Silvia Paneque, porte-parole du Parti socia­liste à Gérone, qui milite pour un fédé­ra­lisme de la Catalogne avec l’Espagne. « Le quar­tier de Vila Roja a reçu de nom­breuses cri­tiques de la part de repré­sen­tants poli­tiques indé­pen­dan­tistes, indique-t-elle. Certains sont même allés jusqu’à les qua­li­fier de traîtres ». C’est ce qui désole Juan : « Pourquoi ne pouvons-nous pas être pris en compte dans les déci­sions poli­tiques ? Nous vou­lons sim­ple­ment que les indé­pen­dan­tistes res­pectent notre iden­ti­té, en tant que Catalans et Castillans ! ».

Récupération par la droite

A Vila-roja, les habi­tants refusent de deve­nir un argu­ment poli­tique pour la droite unio­niste. « Quand ils ont appris l’existence de ce quar­tier, les élus du Partido Popular (PP, Parti popu­laire) ont sau­té sur l’occasion », explique David Jimenès. « Xavier García Albiol, le lea­der du PP au Parlement de Catalogne, a invi­té les jour­na­listes à le suivre en visite à Vila-roja, pour dire à toute l’Espagne : “Regardez, même dans un bas­tion indé­pen­dan­tiste comme Gérone, des gens sont contre l’indépendance. Ils ont accro­ché des dra­peaux espa­gnols partout !” »

https://twitter.com/Albiol_XG/status/926767553099255808

“Visite de Vila-roja à Gérone, un quar­tier de voi­sins cou­ra­geux qui tiennent tête à l’in­dé­pen­dan­tisme. Bravo!”

Une aubaine pour le par­ti du chef du gou­ver­ne­ment espa­gnol Mariano Rajoy. Mais Juan n’est pas dupe : « On sait très bien que les par­tis de droite radi­cale unio­nistes essaient de nous uti­li­ser pour faire pas­ser leurs idées. Mais ici, on n’est pas comme eux. Et on ne veut pas d’eux. »

A Gérone, le PP n’est pas le seul à avoir uti­li­sé Vila-roja comme argu­ment pour valo­ri­ser ses idées. L’extrême droite a éga­le­ment uti­li­sé le quar­tier. Alberto Tarradas, pré­sident de Vox Gérone, par­ti d’extrême-droite unio­niste, reven­dique un lien par­ti­cu­lier avec les habi­tants de Vila-roja : « J’aime beau­coup ce quar­tier, on y a beau­coup d’amis ! », affirme-t-il en cares­sant sa che­va­lière dorée. Le jeune homme de 21 ans, aux che­veux gomi­nés, pour­suit : « Ils montrent clai­re­ment qu’ils veulent res­ter en Espagne, et se posi­tionnent, comme nous, contre le mou­ve­ment indé­pen­dan­tiste cata­lan issu de la bour­geoi­sie locale. » Mais Juan refuse d’être asso­cié à de telles posi­tions poli­tiques : « Ici, c’est un ancien quar­tier ouvrier, mais contrai­re­ment à ce qui peut se dire en ville, on a tou­jours voté à gauche. Jamais à l’extrême-droite. »

Vila-roja, 22 février 2018. “No somos radi­cales somos patrio­tas” (Nous ne sommes pas des radi­caux, nous sommes des patriotes).
Sur les murs du quar­tier, les habi­tants se détachent des récu­pé­ra­tions de l’extrême-droite. ©Sophie Hemar

Pourtant, aux der­nières élec­tions de décembre 2017, Ciudadanos, par­ti de centre droit anti-indépendantiste aux posi­tions ambi­guës est arri­vé en tête des votes à Vila-roja. Selon David Jimenès, la rai­son est simple : « Vila-roja est un quar­tier qui vote assez peu, et habi­tuel­le­ment socia­liste. Sauf que leur posi­tion est un peu ambi­guë : ils veulent un fédé­ra­lisme, mais en même temps, ils sont pour la tenue d’un réfé­ren­dum sur l’indépendance. C’est quelque chose que les habi­tants du coin ont du mal à com­prendre. Alors ils sont allés vers un par­ti de droite unio­niste, qui leur pro­met­tait du chan­ge­ment dans leur vie quo­ti­dienne, et le res­pect de leur iden­ti­té espa­gnole. »

« Pour le moment, on ne voit rien qui change, même si on a voté dif­fé­rem­ment, com­mente Juan avec dépit, alors que nous reste-t-il comme alter­na­tive ? » Si cer­tains habi­tants du quar­tier espèrent tou­jours une prise de conscience de la mai­rie, ils res­tent déter­mi­nés à ne pas lais­ser tom­ber leur double iden­ti­té. Pedro l’af­firme avant de prendre sa pause : « Je reste Catalan et Espagnol. C’est ce que je suis. Et je le serai jus­qu’au bout. »

*Noms modi­fiés à la demande des intéressés.

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Fabien Palem et Cédric Rouquette.

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Rubrique : Rester espagnolMots-clés : Espagne, catalogne, puigdemont, gérone, vila-roja, unionisme, revendication, nationalisme

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