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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Llívia, l’indépendantisme catalan au coeur des montagnes françaises

Cernés par les Pyrénées orien­tales (66), et rat­ta­chés à leur pays par une route inter­na­tio­nale, les quelque 1 400 habi­tants de l’enclave de Llivià vivent au
car­re­four entre la France et l’Espagne. Au coeur des mon­tagnes fran­çaises, les nom­breux indé­pen­dan­tistes de la ville vivent la crise avec passion. 

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Écrit par Adélie Floch Enquête de Adélie Floch et Alicia Roux, à Llivià
Publié le 2 mars 201821 mars 2018
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Josep Maria Gil a vécu toute sa vie dans l’en­clave espagnole.

« Adolescent, j’écoutais Gainsbourg et Birkin sur les ondes fran­çaises. En Espagne, les chan­sons éro­tiques étaient inter­dites. » Josep Maria Gil, 65 ans, est né à Llívia. Dans cette petite enclave espa­gnole des Pyrénées fran­çaises, il a gran­di entre deux pays. « Entre la liber­té et la dic­ta­ture ». « Le matin, au col­lège fran­çais, je chan­tais la Marseillaise. Au foot­ball après la classe, on chan­tait la Cara al Sol » (l’hymne fran­quiste), se souvient-il, atta­blé dans la pâtis­se­rie qui porte son nom depuis 35 ans, dans la rue prin­ci­pale de la ville. Enfant de l’Espagne de Franco, Josep Maria est heu­reux d’avoir pu jouir « du bol d’air frais » que lui a offert la culture fran­çaise, à quelques minutes de chez lui.

À 1 224 mètres d’altitude, entre les som­mets ennei­gés, Llivià est au car­re­four des langues et des cultures. « Là, c’est la route vers Narbonne, là vers Barcelone, là vers Andorre, et celle-là c’est vers Madrid », indique M. Gil de sa main nue, alors que le ther­mo­mètre affiche zéro degré. Entre l’Hexagone et l’Espagne, les habi­tants de l’enclave de 12,8 km² et des alen­tours font des va-et-vient de part et d’autre des fron­tières sans y prê­ter atten­tion. Dans les années 1990, les Français venaient se diver­tir dans les bars et res­tau­rants his­pa­niques, atti­rés par les prix bas. Aujourd’hui, les Espagnols se rendent en France pour y ache­ter du fro­mage de qualité.


Dans la Carrer del Raval, artère prin­ci­pale de Llívia : le silence. De temps à autre, quelques “Buon Dia” s’échappent d’entre les portes de res­tau­rants qui s’ouvrent et se ferment, pour accueillir les tou­ristes gelés par la neige. Près de six mois après le réfé­ren­dum pour l’indépendance de la Catalogne, quelques esta­la­das (dra­peau indé­pen­dan­tiste) flottent encore aux fenêtres. Le sta­tut de Llívia rend l’expérience de la crise cata­lane inédite pour ses habi­tants déjà phy­si­que­ment sépa­rés de l’Espagne.

Complicité française

Dans la petite ville, on raconte le 1ᵉʳ octobre, jour du réfé­ren­dum pour l’in­dé­pen­dance de la Catalogne, comme un scé­na­rio de film d’es­pion­nage, dans lequel des Français cata­lans jouent le rôle des com­plices. Dans les cafés et res­tau­rants de Llívia, on rap­porte que les urnes auraient été trans­por­tées jusqu’à l’enclave espa­gnole par un Catalan d’Elne, un vil­lage près de Perpignan. « On nous l’a dit une dizaine de jours après le réfé­ren­dum », dit Albert Torres, 45 ans, gérant du café de la ville, en enchaî­nant les expres­sos. « Tout cela doit res­ter secret », admet l’adjoint au maire de Llívia, Josep Pous, 50 ans, refu­sant de divul­guer l’identité de ce mys­té­rieux por­teur d’urne.

Llívia, 21 février 2018. La mai­rie de Llívia affiche son orien­ta­tion poli­tique, dans une ville majo­ri­tai­re­ment indé­pen­dan­tiste. ©Adélie Floch

Beaucoup se sou­viennent aus­si de la coopé­ra­tion de leurs voi­sins fran­çais lorsque le gou­ver­ne­ment espa­gnol a blo­qué le ser­veur inter­net pour per­tur­ber le vote. Laurent Leygue, maire d’Estavar, une com­mune fran­çaise voi­sine, s’implique pour l’indépendance de la Catalogne. Il a par­ta­gé la connexion de son télé­phone pour per­mettre aux cata­lans de s’exprimer. À Llívia, 80 % des votants ont dit “Si !” à l’indépendance. Parmi eux, le pâtis­sier Josep Maria. L’inflexible indé­pen­dan­tiste peine à gar­der son calme quand il parle de Madrid. « Vous Français, vous avez tout arran­gé à coup de guillo­tine en 1789 », raille-t-il. Son arme à lui, c’est le vote. Le jour du réfé­run­dum, Josep Maria était, dès 5 heures du matin, à l’hôtel de ville de Llívia pour récla­mer la sépa­ra­tion de la Catalogne et de l’Espagne.

Protégés par des lois historiques

Le natif de l’enclave raconte, les poings ser­rés, la stra­té­gie des habi­tants pour blo­quer la Guardia civil, police mili­taire espa­gnole, déployée dans la Catalogne pour sus­pendre le vote. Posté sur le toit de la petite mai­rie, un habi­tant guet­tait les hori­zons mon­ta­gneux. Les yeux rivés sur la fron­tière, il était char­gé de sur­veiller l’arrivée de la police. « Je vou­lais qu’ils viennent !, s’esclaffe Monsieur Gil, empor­té par la fougue du 1ᵉʳ octobre . Je vou­lais qu’ils tra­versent la frontière ! ».

La route inter­na­tio­nale, qui relie l’enclave à l’Espagne depuis le trai­té des Pyrénées de 1659, est admi­nis­trée par les deux pays limi­trophes. Long de 6 km, ce cor­don ombi­li­cal rac­corde Llívia et Puigcerda, pre­mière ville espa­gnole après la fron­tière . « On vou­lait les blo­quer avec des trac­teurs entre les deux villes espa­gnoles », explique M. Gil. Ainsi, la Guardia civil se serait trou­vée coin­cée sur l’axe franco-espagnol,  armée en ter­ri­toire fran­çais. La loi du XVIIème siècle inter­dit le port d’arme sur la route.  Ils avaient tout pré­vu. Mais ça n’a pas eu lieu. Le gou­ver­ne­ment espa­gnol n’est pas inter­ve­nu à Llívia. Dans ce ter­ri­toire espa­gnol de France, les habi­tants ont été pro­té­gés des opé­ra­tions poli­cières qui ont embra­sé la Catalogne.

Des échappatoires

Josep Maria emprunte cette route au sta­tut par­ti­cu­lier tous les jours. Ni la gen­dar­me­rie natio­nale fran­çaise, ni les forces de l’ordre espa­gnoles ne peuvent y inter­ve­nir. Mais il est com­mun de les croi­ser de chaque côté des fron­tières, pré­vient l’homme aux yeux rieurs. Et ce voyage ne fait pas excep­tion. Arrivé à Puigcerda, il aper­çoit les agents de la police mili­taire de la Guardia civil qui contrôlent l’entrée des auto­mo­bi­listes en Espagne. Sa voi­ture n’a plus de plaque d’immatriculation. Elle est tom­bée lors d’une sor­tie fami­liale en mon­tagne. Rusé, il lance avec assu­rance  : « Je connais un moyen des les évi­ter ». Un virage à droite, par la route qui passe devant l’hôpital trans­fron­ta­lier et quelques minutes plus tard, il observe dans son rétro­vi­seur la police espa­gnole qu’il vient de contour­ner. Le sexa­gé­naire s’amuse à défier les forces de l’ordre du gou­ver­ne­ment madrilène.

Llívia, 21 février 2018. Llívia est entou­rée de routes qui mènent vers des villes fran­çaises. Ici, la route va vers Bourg-Madame, à cinq km au sud-est de l’en­clave. ©Adélie Floch

Déterminé à voir sa Catalogne indé­pen­dante, il ne pense pas à quit­ter l’Espagne pour la France, comme cer­tains habi­tants de Llívia à l’époque du fran­quisme. Pourtant, « d’ici, il y a une cin­quan­taine de che­mins dif­fé­rents pour aller chez vous ».  Mais aux yeux du pâtis­sier, la France,  sym­bole de liber­té de son ado­les­cence, n’est plus ce qu’elle était. Il parle du pré­sident Emmanuel Macron comme de Mariano Rajoy : « Des dic­ta­teurs assoif­fés de richesse et de pou­voir ». Josep Maria a foi en l’autonomie de sa région. « Avec un peu de chance, je serai peut être encore là pour la voir ».

Pourquoi Llívia est-elle une enclave espa­gnole en France ? 
Le sta­tut par­ti­cu­lier de Llívia remonte au XVIIème siècle. Après plus de vingt années de guerre, les royaumes de France et d’Espagne signent, en 1659, le trai­té des Pyrénées et se par­tagent leurs ter­ri­toires. Louis XIV récu­père 33 vil­lages de Cerdagne. Mais Llívia, étant une ville et non un vil­lage, demeure sous la cou­ronne espa­gnole. Voilà plus de 300 ans que l’enclave est entou­rée par ses voi­sins français. 

Travail enca­dré par Alain Salles, Henry de Laguérie, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon.

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Rubrique : Tu seras catalanMots-clés : indépendance, Espagne, catalogne, enclave, france, frontière, llivià

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