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Le média de la CFJ72 à Barcelone

À Majorque : jeunesse et charmante radicalité catalane

Angie, 20 ans, est la porte-parole du groupe cata­lan et indé­pen­dan­tiste Arran, expor­té à Palma de Majorque. Les îles Baléares sont de proches cou­sines de Barcelone. Elles par­tagent une culture, une langue et même cette orga­ni­sa­tion radi­cale et juvénile. 

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Écrit par Adèle Le Canu Enquête de Adèle Le Canu et Charlotte Gerbelot, à Palma de Majorque
Publié le 4 mars 201815 mars 2018
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Une fois sa porte ouverte, la jeune fille brune se réfu­gie dans la cui­sine pour pré­pa­rer des cafés. La déco­ra­tion de l’appartement qu’elle par­tage avec deux étu­diants est aus­si simple que sa tenue. Angie, en jean et en pull noir, a juste 20 ans mais elle semble plus âgée, plus mature. Elle a un visage ovale har­mo­nieux et une voix douce, presque effa­cée. Difficile d’imaginer que cette étu­diante en méde­cine puisse être la porte-parole d’un groupe radi­cal d’extrême-gauche.

Angie est une membre active de l’organisation cata­lane et juvé­nile Arran. Créé en 2012, ce groupe compte aujourd’hui plus de 700 mili­tants fémi­nistes, socia­listes et sur­tout indé­pen­dan­tistes. Tous vivent en Catalogne, à Valence ou aux Baléares. Depuis le début de la crise cata­lane, ces jeunes mul­ti­plient les actes de van­da­lisme contre les par­tis unio­nistes. Mais Angie est née et vit à Majorque, dans une autre com­mu­nau­té auto­nome. Le 1ᵉʳ octobre 2017, elle n’a pu don­ner sa voix aux sépa­ra­tistes. Elle sou­tient pour­tant avec avi­di­té l’indépendance de la Catalogne. « Une de nos der­nières actions a été de brû­ler un dra­peau espa­gnol dans une vidéo. » Un coup de pub réus­si : les images tour­nées par Arran Palma ont même été dif­fu­sées par des médias madrilènes.

Vídeo de l’acció rea­lit­za­da al final de la mani­fes­ta­ció de la Diada. Organitzem-nos al car­rer pels Països Catalans ! @Arran_jovent @eimallorca pic.twitter.com/NAP9SGERlU

— Arran Palma (@ArranPalma) January 8, 2018

« A aucun moment, je ne me sens espagnole » 

L’ambition de l’organisation de jeu­nesse ne se borne pas à l’indépendance de la Catalogne mais à celle de tous les « pays cata­lans » de l’est de la pénin­sule : Barcelone et sa région, Valence et les îles Baléares. « Je suis major­quine, mais j’appartiens aux pays cata­lans. Pour moi, nous sommes le même peuple. Nous avons la même culture. Nous par­ta­geons une langue qui a tou­jours été atta­quée, et cela depuis que je suis petite… » La chambre d’Angie est lumi­neuse, chaque objet y trouve sa place. Sur la coif­feuse, quelques livres et des roses séchées ; sur son lit en fer for­gé blanc, un cous­sin en forme de coeur. Quelque peu iso­lé dans la pièce déli­cate, un dra­peau cata­lan est accro­ché der­rière la porte.

Angie diapo 1
La chambre d’Angie est lumi­neuse. ©Adèle Le Canu
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Dans la pièce, pas de pos­ters révo­lu­tion­naires mais une coif­feuse déco­rée avec soin. ©Adèle Le Canu
A pre­mière vue, Angie paraît si sage… ©Adèle Le Canu
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Arran édite des petits ouvrages. Ici, une “intro­duc­tion au mar­xisme ». ©Adèle Le Canu
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Angie pos­sède une col­lec­tion d’af­fiches et de flyers pro-Arran. Sur ce tis­su, Majorque est repré­sen­tée bâillon­née, pri­vée de parole. “Liberté!” ©Charlotte Gerbelot

L’Espagne et sa cou­ronne, Angie ne les sup­porte pas. « A aucun moment, je ne me sens espa­gnole. Je ne peux pas m’identifier à une culture fas­ciste. » La jeune fille fait réfé­rence à la dic­ta­ture de Franco mais aus­si à la cou­ronne d’Espagne. Cette monar­chie abso­lue et cen­tra­li­sée s’est construite au XVIIIème siècle sur une défaite des pays cata­lans. Alors que la guerre de Succession déchi­rait la pénin­sule, les ter­ri­toires menés par Barcelone ont choi­si le camp de la mai­son des Habsbourg contre celle des Bourbons sou­te­nue par Madrid. Attaquée par les troupes franco-allemandes, la capi­tale cata­lane est tom­bée en 1714.

Angie replace ses lunettes à mon­ture argen­tée sur le haut de son nez, puis nuance : « Bon, je sais que tous les Espagnols ne sont pas fas­cistes… » Pour cer­tains indé­pen­dan­tistes, la simple idée d’une Espagne unie ne peut évo­quer autre chose que la dic­ta­ture de Franco, en place de 1936 à 1975, et son fameux slo­gan de pro­pa­gande : « España, una, grande y libre ».  Impossible que l’homme ou la femme de sa vie sou­tienne le Partido popu­lar (PP, Parti popu­laire), les conser­va­teurs. « Je ne par­tage pas les même idéaux. Je ne suis ni raciste, ni machiste. Et puis, de toute manière, je ne crois pas en ce genre de relations. »

La jeune femme a gran­di à Santanyí, un vil­lage du sud de l’île, entre une mère major­quine, biblio­thé­caire, et un père cata­lan « mais contre l’indépendance », tra­vaillant dans l’hôtellerie. Angie étu­die aujourd’hui à Palma, « pour, je l’espère, deve­nir chi­rur­gienne. » Elle aime sor­tir avec ses amis et bou­qui­ner « des livres de fan­ta­sy, sur­tout ! » Le ciné­ma est aus­si un de ses passe-temps favo­ris : « J’adore les Pixar mais j’ai aus­si vu Bienvenue chez les Chtis ! » Dans sa famille, si on veut sau­ver le repas, mieux vaut évi­ter de par­ler poli­tique. « Ma grande soeur et mon oncle, un mili­taire, n’approuvent pas vrai­ment mes acti­vi­tés au sein d’Arran… »

S’engager, c’est grandir

A 16 ans, Angie découvre l’existence de ce grou­pus­cule dans les jour­naux. Plusieurs actions l’in­ter­pellent et la séduisent, notam­ment une mani­fes­ta­tion pour défendre le droit à l’avortement libre et gra­tuit. Deux ans plus tard, la jeune femme rejoint les rangs de l’organisation juvé­nile. Un trait d’eye-liner sou­ligne son regard sombre. « Je pense qu’Arran m’aide à mûrir, à deve­nir adulte. Et puis, j’aime cette impres­sion d’appartenir à un groupe. » 

Angie retrouve les autres membres une fois par semaine. Le Casal n’est pas, comme la tra­duc­tion cata­lane le lais­se­rait pen­ser, une chic mai­son de cam­pagne, mais un local far­ci d’affiches et de pos­ters en tout genre. Pour tous les sym­pa­thi­sants d’extrême-gauche, cet ancien bar est un lieu emblé­ma­tique. « Je crois qu’il appar­tient à un vieux mili­tant, rit l’étudiante, mais fran­che­ment, je ne sais pas vrai­ment à qui ! » Sous les néons bla­fards, ils sont quatre ou cinq à pré­pa­rer une ban­de­role. Angie orchestre les opé­ra­tions : « Nous des­si­nons les visages de trois figures fas­cistes pour dénon­cer la poli­tique tyran­nique à l’oeuvre. » Parmi les heu­reux élus, le porte-parole de Ciudadanos Baléares.

« Nous ne sommes plus des marginaux »

Au comp­toir, l’é­tu­diante revient sur l’épisode du dra­peau espa­gnol brû­lé. « C’était pour dénon­cer la répres­sion opé­rée par Madrid. Tu te rends compte ce qu’on risque, elle ouvre les guille­mets, pour cet acte “anti-constitutionnel” ? » Le rap­peur major­quin Valtònyc, lui, a été condam­né à trois ans et demi de pri­son pour injures envers la cou­ronne. En 2012, le jeune homme de 19 ans chante dans une vidéo dif­fu­sée sur Youtube : « Pendant ses teufs, je ne sais pas si le roi Bourbon chasse des élé­phants ou s’il va aux putes ! »

Jaume, 23 ans et une coupe de che­veux indé­cise, s’agace : « Le Tribunal d’audience natio­nale gère seule­ment les crimes de lèse-majesté … et le ter­ro­risme ! C’est un pur héri­tage de Franco et de son Tribunal de Orden Público ! » Le gar­çon, anneaux dorés aux oreilles, sait de quoi il parle. Un an aupa­ra­vant, il a com­pa­ru devant cette cour à Madrid pour avoir brû­lé un por­trait du sou­ve­rain. Jaume en est sor­ti indemne, peut-être grâce à l’avocat payé par Arran. Ce soir au Casal, tous rêvent de l’indépendance des pays cata­lans, de se sépa­rer de l’Espagne et de sa coû­teuse monar­chie. Angie sai­sit le joint qu’on lui tend. « Je sais qu’on est mino­ri­taires. Mais nous ne sommes plus des mar­gi­naux. Aujourd’hui, beau­coup de gens acceptent notre discours. » 

Si Majorque s’est mobi­li­sée avec force contre les vio­lences per­pé­trées à Barcelone, elle reste majo­ri­tai­re­ment conser­va­trice. Mais depuis quelques années, la popu­la­ri­té de la gauche natio­na­liste ne cesse de gran­dir. Le par­ti Més per Mallorca (MES, Plus pour Majorque), est même deve­nu en 2015 la troi­sième for­ma­tion poli­tique de l’île.  Quand il évoque Arran, leur porte-parole sou­rit : « Ils sont très jeunes et encore très atta­chés aux sym­boles. » David Abril ajoute : « Toutes ces condam­na­tions… Ce n’est pas juste. Nous par­ta­geons la même idéo­lo­gie et puis, ce sont presque des enfants. » Cette gauche, dont Arran incarne la branche radi­cale, réclame plus de sou­ve­rai­ne­té pour Majorque et les ter­ri­toires cata­lans. « C’est exas­pé­rant, sou­pire Angie, l’argent de l’île va tout entier dans le tou­risme, les mul­ti­na­tio­nales étran­gères ou à Madrid. Ici il y a des routes à entre­te­nir et un sys­tème de san­té à améliorer ! »

Arran reste une orga­ni­sa­tion juvé­nile. A 26 ans, Angie devra quit­ter les rangs du groupe cata­lan et conti­nuer sa route, « mais pas en poli­tique. » Angie veut s’engager et aider les Majorquins, mais à plus petit échelle. Elle s’imagine doc­teur « et impli­quée dans des pro­jets pour pro­té­ger les réfu­giés. » « Ce qui me rend vrai­ment heu­reuse ? » Elle prend un moment pour réflé­chir. « C’est d’être auprès des gens, de leur offrir mon sou­tien. » Angie tend sa main vers un paquet de gâteaux aux fruits mais sus­pend son geste. Elle prend fina­le­ment son télé­phone por­table pour y écrire quelque chose. L’étudiante rou­git. Ses opi­nions ont beau être extrêmes, elle reste une déli­cate jeune fille. «  C’est une liste de mots que je trouve jolis. “Melocotón”, “pêche” en cata­lan, c’est joli, non ? »

Palma de Majorque, 21 février 2018. Angie devra quit­ter Arran à 26 ans. Elle ne se des­tine pas à la poli­tique mais à la méde­cine. ©Adèle Le Canu
Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Henry de Laguérie, Cédric Rouquette et Cédric Molle Laurençon.
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Rubrique : Tu seras catalanMots-clés : catalan, indépendantisme, majorque, jeunesse, arran, gauche, radical

Llívia, l’indépendantisme catalan au coeur des montagnes françaises

Cernés par les Pyrénées orien­tales (66), et rat­ta­chés à leur pays par une route inter­na­tio­nale, les quelque 1 400 habi­tants de l’enclave de Llivià vivent au
car­re­four entre la France et l’Espagne. Au coeur des mon­tagnes fran­çaises, les nom­breux indé­pen­dan­tistes de la ville vivent la crise avec passion. 

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En Catalogne, les immigrés perdus dans leurs identités

Equatoriens, Pakistanais, Honduriens, Marocains ou autres Indiens. En Catalogne, 18 % de la popu­la­tion est d’o­ri­gine étran­gère. Pourtant, elle n’a repré­sen­té que 6 % des votants au réfé­ren­dum pour l’in­dé­pen­dance, le 1er octobre der­nier. Entre dés­illu­sion et atta­che­ment, ren­contres avec les oubliés de l’i­den­ti­té catalane.

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Associations catalanes : forger un peuple

La socié­té cata­lane est mar­quée par son très puis­sant tis­su asso­cia­tif. Lieux de trans­mis­sion d’identité, ces orga­ni­sa­tions citoyennes deviennent une force de mobi­li­sa­tion essen­tielle au mou­ve­ment indépendantiste. 

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