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Le média de la CFJ72 à Barcelone

En Catalogne, les immigrés perdus dans leurs identités

Equatoriens, Pakistanais, Honduriens, Marocains ou autres Indiens. En Catalogne, 18 % de la popu­la­tion est d’o­ri­gine étran­gère. Pourtant, elle n’a repré­sen­té que 6 % des votants au réfé­ren­dum pour l’in­dé­pen­dance, le 1er octobre der­nier. Entre dés­illu­sion et atta­che­ment, ren­contres avec les oubliés de l’i­den­ti­té catalane.

Écrit par Mohamed-Amin Kehel Enquête de Juliette Desmonceaux et Mohamed-Amin Kehel, à Barcelone
Publié le 2 mars 201814 mars 2018
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Barcelone, 20 février 2018. Roberto Reyes a défi­ni­ti­ve­ment tour­né la page de son retour en Equateur. ©Mohamed-Amin Kehel

La nos­tal­gie se lit dans le regard de Roberto Reyes. Cela fait 17 ans qu’il vit en Catalogne. Retourner en Equateur, il en a rêvé pen­dant qua­torze ans.« J’ai tou­jours gar­dé une valise de retour pen­dant ces qua­torze ans. Ici, il y a un bon envi­ron­ne­ment, mais tu n’as pas ta culture, tes amis … ». Aujourd’hui, Roberto, 62 ans, est gar­dien de par­king dans sa ville de Terrassa, dans les envi­rons de Barcelone. En arri­vant ici, il ne savait même pas qu’il venait en Catalogne. Pour lui, c’é­tait l’Espagne et, sur­tout, le pays qui avait don­né un tra­vail à sa femme, agente de sécu­ri­té. Des enfants et des petits-enfants plus tard, Roberto a, dit-il, pris conscience « des valeurs de cette terre, et des droits fon­da­men­taux de la Catalogne ». Dix-sept ans ans après être arri­vé en Espagne, il fait par­tie de ceux qui ont voté “Si”, oui à l’in­dé­pen­dance de la Catalogne.

Mais s’il en a mobi­li­sé cer­tains, le débat sur l’in­dé­pen­dance a aus­si  aug­men­té la pres­sion autour d’une popu­la­tion immi­grée som­mée de se pro­non­cer par son envi­ron­ne­ment. Fernando Arriola, pré­sident argen­tin de l’as­so­cia­tion de migrants pro-indépendance Si, amb nosaltres (Oui, avec nous), n’hé­site pas à divi­ser cette popu­la­tion en deux caté­go­ries. D’un côté, ceux qui ont déci­dé de vivre ici et qui ont inté­gré l’i­dée d’in­dé­pen­dance et, de l’autre, ceux qui espèrent encore ren­trer au pays, her­mé­tiques à cet idéal. Cette divi­sion binaire met dans l’embarras une par­tie des immi­grés cata­lans qui, dans un contexte élec­to­ral, sont for­cés de répondre à une ques­tion qui n’est pas la leur. « Les indé­pen­dan­tistes veulent assi­mi­ler tout le monde, mais ils ne font que creu­ser le fos­sé entre les deux camps », déplore Lionel*, à Tarragone. Arrivé d’Argentine il y a main­te­nant cinq ans, lui recon­naît que « la culture cata­lane est très dif­fé­rente du reste de l’Espagne », mais vit mal les cam­pagnes poli­tiques « agres­sives » des mili­tants pro-indépendance. 

Quelle identité catalane ?

En plein centre de Barcelone, dans le quar­tier de Raval, les dra­peaux népa­lais et pakis­ta­nais côtoient ceux de la Catalogne et de l’Espagne. Pourtant, dans les rues de ce bar­rio à forte popu­la­tion magh­re­bine et indo-pakistanaise, la majo­ri­té des per­sonnes inter­ro­gées ne se sentent pas Catalanes. Devant sa bou­che­rie halal, Saïd, d’o­ri­gine pakis­ta­naise, toise les pas­sants qui défilent dans l’é­troite ruelle. « Pour moi, je suis arri­vé en Espagne, pas en Catalogne, affirme-t-il. Et, aujourd’­hui encore, je pense tou­jours la même chose. » Au fil de la crise d’indépendance, cette défiance s’est cris­tal­li­sée. Pour construire un nou­veau pays, il faut aus­si construire une iden­ti­té. Mais laquelle ? Y a‑t-il une seule iden­ti­té catalane ? 

[quote cite=” Saïd, boucher pakistanais dans le quartier de Raval”]Pour moi, je suis arrivé en Espagne, pas en Catalogne. Et, aujourd’hui encore, je pense toujours la même chose.[/quote]

Barcelone, 22 février 2018. Mario Soria, pin’s “Llibertat” fiè­re­ment accro­ché au pull. ©Mohamed-Amin Kehel

Mario Soria, res­pon­sable du sec­teur Immigration à l’as­so­cia­tion indé­pen­dan­tiste Assemblée natio­nale cata­lane (ANC), est amer. Il regrette que le débat ait oppo­sé iden­ti­té cata­lane et iden­ti­té espa­gnole, et mis de côté ceux qui se recon­naissent dans une iden­ti­té mul­tiple selon leurs ori­gines. « C’est comme lorsque deux parents se séparent, lance-t-il, et qu’on demande aux enfants de choi­sir l’un des deux. »

Selon une étude réa­li­sée par la Generalitat (le gou­ver­ne­ment cata­lan) après le réfé­ren­dum du 1ᵉʳ octobre, 60 % des per­sonnes nées à l’é­tran­ger ont voté “non” à l’in­dé­pen­dance. Idem pour les enfants nés de deux parents étran­gers. Il faut attendre la troi­sième géné­ra­tion pour voir la ten­dance s’inverser.


Ces chiffres montrent le fos­sé géné­ra­tion­nel, mais aus­si l’efficacité du pro­jet édu­ca­tif cata­lan. Antonio Robles, fon­da­teur du par­ti de gauche unio­niste dCIDE , y voit une inté­gra­tion à marche for­cée et estime que les enfants de migrants non-hispanophones ont été « endoc­tri­nés pour gros­sir le vote des indé­pen­dan­tistes ».

Tu parleras catalan

Le pro­ces­sus d’im­mer­sion à la cata­lane a fait de la langue l’un des prin­ci­paux fac­teurs d’in­té­gra­tion. A l’é­cole, dans les ins­ti­tu­tions, au tra­vail, par­ler cata­lan n’est certes pas indis­pen­sable, mais ne pas le par­ler reste un frein. Devant la mos­quée Tariq à Raval, Yassine, d’origine maro­caine, déplore qu’à son tra­vail, on lui « demande de par­ler cata­lan ». Plus loin, dans une bras­se­rie chi­lienne du centre de Barcelone, Juan admet lui aus­si que c’est « au tra­vail seule­ment » qu’il a appris la langue de Lulle. 

Barcelone, 26 février 2018. Dans le quar­tier de Raval, au centre de Barcelone. ©Mohamed-Amin Kehel

Mais par­ler cata­lan s’ap­prend. Pour les per­sonnes issues de l’im­mi­gra­tion sud-américaine dans les années 1980, émi­grer en Espagne signi­fiait s’af­fran­chir de la bar­rière de la langue et s’in­té­grer plus rapi­de­ment. Dans une socié­té où le cata­lan est omni­pré­sent, cer­tains immi­grés lati­nos ont ain­si déve­lop­pé un rejet spon­ta­né de la langue et de la culture locales. Yeny Batista, avo­cate d’origine domi­ni­caine, recon­nait que « la Catalogne a une langue et une culture propres ». Mais elle affirme aus­si que bon nombre de ses clients lui disent « ne pas com­prendre » la pres­sion autour de l’apprentissage du cata­lan, alors que le cas­tillan leur suffit. 

Gabriel Fernandez, élu à la mai­rie de Sabadell, au nord de Barcelone, et d’o­ri­gine uru­guayenne, ne par­tage pas cette posi­tion. Pour lui, il était « logique d’ap­prendre le cata­lan » lors­qu’il est arri­vé il y a quinze ans. Aujourd’hui dans la struc­ture poli­tique d’Esquerra repu­bli­ca­na de Catalunya (ERC, indé­pen­dan­tiste), il évoque avec incom­pré­hen­sion « ceux qui sont là depuis 40 ou 50 ans et qui ne le parlent pas ». Pourtant, Lola Lopez, vice-présidente de la com­mis­sion Immigration à la mai­rie de Barcelone, assure que dans le centre lin­guis­tique qu’elle dirige, c’est la popu­la­tion hon­du­rienne qui est la plus deman­deuse de cours de catalan.

De cette idée qu’une popu­la­tion his­pa­no­phone serait plus réti­cente à apprendre le cata­lan est née la théo­rie selon laquelle les popu­la­tions non-hispanophones seraient plus “cata­la­ni­sables”. Najat Driouech, dépu­tée fraî­che­ment élue au Parlement cata­lan en décembre der­nier, admet que, « pour un non-hispanophone, il est plus facile de se mettre au cata­lan. » Mais cela ne se fait nul­le­ment au détri­ment du cas­tillan, selon la jeune femme née au Maroc.

Les multiples visages de la diversité à Barcelone

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Indépendances croisées

Chez cer­tains immi­grés, l’identité indé­pen­dan­tiste s’est aus­si construite en réso­nance avec l’his­toire de leur com­mu­nau­té d’o­ri­gine. Omar Diatta est ori­gi­naire de Casamance, une région indé­pen­dan­tiste du sud du Sénégal. Il vit à Barcelone depuis 2004 et, s’il a rejoint le mou­ve­ment pour l’in­dé­pen­dance de la Catalogne, c’est qu’il est per­sua­dé que « les pays indé­pen­dan­tistes suivent une lutte com­mune ». Il exprime « [s]on obli­ga­tion morale de par­ti­ci­per au déve­lop­pe­ment de ce pays comme à celui de la Casamance ». Dans une lettre ouverte aux 400 000 lati­nos de Catalogne publiée avant le 1‑O (réfé­ren­dum du 1ᵉʳ octobre), Gabriel Fernandez avait lui aus­si joué la carte de l’his­toire et de la colo­ni­sa­tion. Toutes pro­por­tions gar­dées, il admet que la Catalogne n’est pas sous le joug d’une colo­ni­sa­tion mais que « cer­taines situa­tions s’en rap­prochent ».

[quote cite=“Fernando Arriola, Président de l’association Si, amb nosaltres”]En tant qu’Argentin, je ne reconnais pas la mère-patrie espagnole, et les Catalans non plus, c’est pour cela que je lutte pour l’indépendance. [/quote]

Fernando Arriola est, lui, plus caté­go­rique. « En tant qu’Argentin, je ne recon­nais pas la mère-patrie espa­gnole, soutient-il, et les Catalans non plus, c’est pour cela que je lutte pour l’in­dé­pen­dance ». Écartelés entre cette “mère-patrie” qui les a accueillis et cette région qui leur a don­né du tra­vail, tous n’ont pas pu se résoudre à un choix. Un dilemme qui risque de durer.

*Le pré­nom a été modifié

Travail enca­dré par Alain Salles, Frédéric Traini et Cédric Rouquette.

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Rubrique : Tu seras catalanMots-clés : catalogne, immigration, identité, immigrés

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