Skip to content
  • Accueil
  • Qui sommes-nous ?
  • Dos à dos
  • Tu seras catalan
  • Rester espagnol
  • Des mots qui comptent
  • Vivre la crise
  • Mémoires
Societat

Societat

Le média de la CFJ72 à Barcelone

À Salou, les incertitudes sur le tourisme en Catalogne

Les tou­ristes boudent la Catalogne depuis le réfé­ren­dum sur l’in­dé­pen­dance. La sta­tion bal­néaire de Salou, sur la Costa Daurada, est la deuxième des­ti­na­tion de la région, der­rière Barcelone. L’hiver est maus­sade et l’été s’annonce incertain.

Écrit par Paul-Luc Monnier Enquête de Paul-Luc Monnier et Emilie Duhamel, à Salou
Publié le 2 mars 201813 mars 2018
•••

La sai­son tou­ris­tique n’a pas encore com­men­cé à Salou. La mer est là, le soleil aus­si. Mais il ne fait que douze degrés. Les rues sont vides, les par­kings déserts et les rideaux des com­merces encore bais­sés. La sta­tion a des allures de ville fan­tôme. Près de la plage, seuls “Burger King” et “McDonald’s” assurent le ser­vice pour les rares tou­ristes présents.

Salou est la capi­tale de la Costa Daurada (Côte dorée), une bande lit­to­rale qui s’étend sur 200 kilo­mètres, dans la pro­vince de Tarragone, au sud de Barcelone. L’hiver, la ville compte 26 000 habi­tants. L’été, c’est presque six fois plus. Grâce, notam­ment, au parc d’attractions “Port Aventura”. Le pre­mier d’Espagne et le troi­sième d’Europe, der­rière “Disneyland” (France) et “Europa-Park” (Allemagne), avec 4,7 mil­lions de visi­teurs par an.

Deuxième des­ti­na­tion de Catalogne der­rière Barcelone, Salou est un bon baro­mètre du tou­risme dans la région. Depuis cet automne, les visi­teurs sont moins nom­breux que d’ha­bi­tude et des pro­fes­sion­nels du sec­teur s’in­quiètent pour la haute sai­son. En cause, le réfé­ren­dum sur l’in­dé­pen­dance du 1er octobre 2017 et la crise poli­tique qui a suivi.

La Catalogne attire 18 mil­lions de tou­ristes par an. Le sec­teur repré­sente 12 % du PIB régio­nal. Mais selon l’INE, l’Institut espa­gnol de la sta­tis­tique, le chiffre d’affaires du tou­risme a chu­té de 9,6 % en octobre et novembre et de 15 % en décembre. Au pre­mier tri­mestre 2018, l’as­so­cia­tion patro­nale “Exceltur” anti­cipe un recul de 10 % dans l’hôtellerie, de 6,8 % dans la loca­tion de voi­ture et de 3,5 % dans le trans­port de voyageurs.

Les retraités espagnols « boycottent » la région

Près du port de plai­sance de Salou, l’entreprise “Click & Booking” loue 120 appar­te­ments tou­ris­tiques. Emmanuel Becker, le res­pon­sable à la barbe mal taillée, a fait ses cal­culs. « Après le réfé­ren­dum, on est pas­sé de + 20 % de réser­va­tions par mois par rap­port à l’an der­nier à – 20 % », sou­ligne le Français, ins­tal­lé depuis douze ans en Espagne.

Les retrai­tés espa­gnols, qui font d’ordinaire vivre la sta­tion en basse sai­son, « boy­cottent » la région. « Ils ne veulent plus dépen­ser un cen­time en Catalogne », insiste Emmanuel Becker. La perte est double. « D’une part, on loue moins d’appartements. D’autre part, on casse les prix pour les rem­plir. » Les rabais flirtent avec les 40 %.

Salou, 21 février 2018. Emmanuel Becker, res­pon­sable des réser­va­tions de l’entreprise de loca­tion d’appartements tou­ris­tiques “Click & Booking”. ©Emilie Duhamel

A Barcelone, Antoni Cuadrada, direc­teur stra­té­gique chez “Horwath HTL Espagne”, un cabi­net de conseil spé­cia­li­sé dans le tou­risme, avance un autre argu­ment. « Les tour-opérateurs étran­gers ne pro­posent plus la des­ti­na­tion Catalogne, explique-t-il. Ils ne veulent prendre aucun risque. » Cet automne, les images d’affrontements entre la police anti­émeute espa­gnole et les mili­tants indé­pen­dan­tistes ont mar­qué les esprits.

« Pourquoi les touristes iraient-ils ailleurs ? »

A l’entrée de la plage de Salou, quatre dra­peaux flottent au vent. Aux cou­leurs de la Catalogne, de l’Espagne, de l’Union euro­péenne. Le der­nier repré­sente la Torre Vella (Vieille tour), construite ici par l’Eglise en 1530 pour pro­té­ger les pêcheurs des pirates. 

Michèle et René, retrai­tés, 64 ans, ter­minent leur pro­me­nade. Habitants du Touquet (Pas-de-Calais), ils passent l’hiver sur la Costa Daurada depuis trois ans. « L’autre jour, un cafe­tier m’a dit que la ville allait souf­frir cet été », raconte Michèle. Le couple n’est pas du même avis. « Pourquoi les tou­ristes iraient-ils voir ailleurs ? », demande René, étonné.

« Personne ne choi­sit ses vacances en fonc­tion de la situa­tion poli­tique ! » Alim, Yanis, Hicham et Sahim, 20 ans, étu­dient l’informatique à l’IUT de Cachan (Val-de-Marne). Ils pro­fitent des vacances de février pour décou­vrir la région entre copains. « On est venu sans se poser de ques­tions », avoue Alim, le lea­der du groupe. Lui non plus ne croit pas à une chute du tou­risme. « C’est beau, proche de la France et pas cher », argumente-il.

Salou, 21 février 2018. Albert Fornes, gérant indé­pen­dan­tiste du “Xiringuito Fornes”, un bar ins­tal­lé sur la plage prin­ci­pale de la sta­tion, d’a­vril à octobre. ©Emilie Duhamel

Le futur divise les com­mer­çants unio­nistes et indé­pen­dan­tistes. Albert Fornes, un grand gaillard de 38 ans, tient le “Xiringuito Fornes”, un bar de plage ouvert entre avril et octobre. Sépa­ra­tiste convain­cu, il est par nature opti­miste sur l’a­ve­nir. « Je ne suis pas inquiet. » En juillet et en août, il embauche trois sala­riés. Les bons jours, il réa­lise jusqu’à 1000 € de chiffre d’affaires. « Les tou­ristes espa­gnols seront peut-être moins nom­breux, reconnaît-il. Ce n’est pas grave, ils dépensent moins d’argent que les autres vacanciers ».

Les unionistes redoutent « un désastre »

Escabeaux, per­ceuses, seaux de pein­ture… La dis­co­thèque “Kiss” est en plein tra­vaux. Guillermo Lavado, le patron des lieux, 47 ans, a moins de cer­ti­tudes. Originaire de la région de l’Estrémadure, dans le sud-ouest de la pénin­sule ibé­rique, il a voté contre l’indépendance. « On ne sait pas ce qu’il va se pas­ser, avoue-t-il. L’Espagne doit res­ter unie. » L’été, il emploie une tren­taine de per­sonnes. Et il accueille près de 1 000 fêtards par soir, dont 80 % de tou­ristes. « J’espère qu’ils vont reve­nir. Sinon, je m’en vais. »

Salou, 21 février 2018. L’été, la capi­tale tou­ris­tique de la Costa Daurada accueille envi­ron deux mil­lions de tou­ristes. ©Emilie Duhamel

Au res­tau­rant “Gaucho Steak House”, le gérant, William Schmidt, 51 ans, redoute « un désastre ». Ici, en pleine sai­son, il sert 500 repas quo­ti­diens et emploie une quin­zaine de per­sonnes. « Les défen­seurs de l’indépendance n’ont pas pen­sé au sec­teur tou­ris­tique », grimace-t-il. Néerlandais, il n’a pas pu prendre part au réfé­ren­dum orga­ni­sé par la Generalitat. Sinon, « évi­dem­ment », il aurait voté contre l’indépendance.

William Schmidt com­pare la crise poli­tique actuelle à la crise éco­no­mique qui a frap­pé l’Espagne en 2008. « À l’époque, on a per­du 30 % de chiffre d’affaires et on a licen­cié 40 % du per­son­nel », se souvient-il. Le res­tau­ra­teur pour­rait faire de même cette année. « Si, demain, la Catalogne devient indé­pen­dante, la situa­tion sera iden­tique voire pire qu’en 2008. Le tou­risme va chu­ter pen­dant cinq ou dix ans. »

Gel des investissements touristiques

Sollicité, le com­plexe “Port Aventura” n’a pas sou­hai­té répondre à nos ques­tions. « Pour l’instant, la crise du tou­risme est conjonc­tu­relle, reprend le consul­tant Antoni Cuadrada. Si aucune solu­tion poli­tique n’est trou­vée, si aucun gou­ver­ne­ment n’est for­mé dans les pro­chaines semaines, elle va deve­nir structurelle. » 

Déjà, il observe un gel des inves­tis­se­ments dans le tou­risme. En clair, face au risque d’une sor­tie de la Catalogne de l’Union euro­péenne et de la zone euro, les pro­mo­teurs sus­pendent leurs pro­jets ou se tournent vers d’autres régions espa­gnoles. « Tout le reste de l’Espagne, à com­men­cer par Madrid, va pro­fi­ter de la crise », assure Antoni Cuadrada.

Salou, 21 février 2018. Inauguré en avril 2017, “Ferrari Land” est l’un des trois parcs d’at­trac­tions qui forment le com­plexe “Port Aventura”. ©Paul-Luc Monnier

L’indice de confiance des entre­pre­neurs du tou­risme mesure la dif­fé­rence entre les pré­vi­sions opti­mistes et pes­si­mistes des acteurs du sec­teur. Selon “Exceltur”, en Catalogne, il a plon­gé depuis le réfé­ren­dum, pas­sant de + 25 % en sep­tembre 2017 à – 23 % en jan­vier 2018, contre + 20 % en Espagne.

A Salou, la chaîne amé­ri­caine “Hard Rock Café” a annon­cé l’été der­nier un inves­tis­se­ment de deux mil­liards d’euros. Elle sou­haite construire un parc tou­ris­tique de 74 hec­tares, com­po­sé notam­ment d’un casi­no, d’une salle de concert et d’un hôtel de 600 chambres, à côté de “Port Aventura”. Selon l’en­tre­prise, le chan­tier devrait créer 11 500 emplois directs et indi­rects. L’abandon du pro­jet serait une mau­vaise nou­velle pour l’é­co­no­mie locale.

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Frédéric Traini, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon

Share on facebook
Facebook
Share on google
Google
Share on twitter
Twitter
Rubrique : Vivre la criseMots-clés : indépendance, Espagne, catalogne, économie, costa daurada, salou, port aventura

Les associations indépendantistes à bout de nerfs

Violences poli­cières, arres­ta­tions, refus de dia­lo­guer… Les asso­cia­tions indé­pen­dan­tistes cata­lanes ne cessent de dénon­cer la « répres­sion »  de Madrid. Entre abat­te­ment et révolte, le monde asso­cia­tif tente de pour­suivre sa bataille.

Pêcheurs catalans contre Madrid, l’histoire d’un « Gambasgate »

À 100 km au sud de la fron­tière fran­çaise, dans le port de la petite ville côtière de Palamós, les vel­léi­tés indé­pen­dan­tistes ont aus­si gagné les pêcheurs de gam­bas. Ils espèrent pro­fi­ter des ten­sions poli­tiques que connaît la Catalogne pour prendre la main sur leur activité.

Barça/Espanyol : une rivalité au-delà du terrain

A Barcelone, coha­bitent depuis plus d’un siècle deux clubs rivaux : le FC Barcelone et le RCD Espanyol Barcelone. Ennemis sur le ter­rain, leur riva­li­té ne se limite pas au sport mais impacte éga­le­ment les sphères poli­tique et sociale.

Articles récents

  • Les avocats catalans à l’assaut des failles du droit espagnol
  • Autour d’Ada Colau, une majorité divisée
  • Face à l’indépendantisme catalan, l’extrême-droite espagnole y va Franco
  • Les vilains petits supporters barcelonais
  • Littérature catalane : une constellation en quête d’existence

Catégories

  • Tu seras catalan
  • Rester espagnol
  • Vivre la crise
  • Dos à dos
  • Des mots qui comptent
  • Mémoires

Méta

  • Connexion
  • Flux des publications
  • Flux des commentaires
  • Site de WordPress-FR
Qui sommes nous ? Mentions légales