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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Volonté souverainiste : Majorque dans les pas de la Catalogne

Sur l’île de Majorque dans les Baléares, l’influence cata­lane sème la ziza­nie. Un par­ti poli­tique major­quin a pro­po­sé de suivre l’exemple de la Catalogne après son réfé­ren­dum sur l’indépendance. L’île est désor­mais divi­sée entre la mino­ri­té pro-indépendantistes et les sou­tiens au gou­ver­ne­ment central.

Écrit par Charlotte Gerbelot Enquête de Charlotte Gerbelot et Adèle Le Canu, à Majorque
Publié le 5 mars 201815 mars 2018
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Après la Catalogne, Majorque. La volon­té d’é­man­ci­pa­tion serait-elle à la mode ? Le débat sur l’indépendance a conta­mi­né la poli­tique interne de l’île, dans l’archipel des Baléares. Le par­ti de gauche Més per Mallorca (Plus pour Majorque) sou­haite la sou­ve­rai­ne­té pour cette com­mu­nau­té auto­nome de 800 000 habi­tants. La pro­po­si­tion est loin de faire l’unanimité. 

A Caimari, petit vil­lage situé au pied du mas­sif mon­ta­gneux Serra de Tramuntana (chaîne de la Tramontagne) au nord de Majorque, les habi­tants sont divi­sés sur le sujet. Après le mar­ché, sur la place de l’Eglise, Juan sym­pa­thi­sant de Més et fac­teur, ne cache pas son envie d’autonomie. « Les Majorquins doivent se réveiller, estime ce Majorquin de 53 ans au phy­sique impo­sant et à la voix de ténor. Si la Catalogne ouvre le che­min, un jour, les îles pour­raient aus­si être indé­pen­dantes ».

Caimari, 19 février 2018. Juan, le fac­teur du vil­lage de Caimari, sou­haite l’indépendance de Majorque et sou­tient le par­ti Més per Mallorca. ©Adèle Le Canu

« Nous voulons décider par nous-mêmes »

Més est le troi­sième par­ti poli­tique de l’ar­chi­pel depuis qu’il a rem­por­té 15 % des suf­frages aux der­nières élec­tions régio­nales en 2015. Un score inédit, qui lui donne neuf sièges sur 59 au Parlement des îles Baléares, com­po­sées d’Ibiza, Formentera, Minorque et Majorque. Le par­ti, qui n’a jamais été aus­si haut, se dit éco­lo­giste, fémi­niste et souverainiste.

Au début du mois d’octobre 2017, alors que la Catalogne vote pour son indé­pen­dance, le porte-parole David Abril annonce vou­loir orga­ni­ser un réfé­ren­dum à Majorque avant 2030. La ques­tion ? « Oui ou non à la sou­ve­rai­ne­té de l’île. » Il entre­tient volon­tai­re­ment un flou sur cette notion : il sou­haite l’in­dé­pen­dance de la région mais refuse de par­ler de natio­na­lisme. David Abril est convain­cu qu’une poli­tique locale amé­lio­re­rait le quo­ti­dien des Majorquins : « Nous vou­lons déci­der par nous-même, le pou­voir cen­tral d’Espagne ne devrait pas prendre des déci­sions qui nous concernent. Il faut deman­der aux Majorquins s’ils veulent être libé­rés des ins­ti­tu­tions madrilènes. »

La plu­part des habi­tants ne prennent pas ce pro­jet au sérieux. Mais une mino­ri­té influente défend l’idée du réfé­ren­dum, notam­ment par­mi les jeunes. Nuria, 21 ans, est étu­diante en qua­trième année de psy­cho­lo­gie à l’Université de Majorque. Installée à une table de la café­té­ria, elle explique avoir fait cam­pagne pen­dant plu­sieurs mois aux côtés de Més per Mallorca et par­tage tou­jours ses idées. « Je crois qu’on a le droit de déci­der de notre futur, soupire-t-elle. Nous payons beau­coup d’impôts et sommes trai­tés de façon inégale », dit-elle en réfé­rence à la sta­tis­tique qui fait de la région l’une des plus fortes payeuses en impôt sur le reve­nu. « La qua­li­té de vie baisse énor­mé­ment pour les habi­tants, confirme Margalida Mulet, anthro­po­logue et major­quine. On a des trans­ports publics catas­tro­phiques et un des pires sys­tèmes d’éducation. » Moins de loge­ments, pol­lu­tion aérienne et sonore, emplois pré­caires. Comme à Barcelone, le tou­risme de masse pro­voque des dif­fi­cul­tés pour la popu­la­tion locale. Les prix de l’im­mo­bi­lier ont même aug­men­té de 16,2% en 2017 à Palma de Majorque par rap­port à l’an­née précédente.

« Nous sommes les descendants des colons catalans »

Més défend l’identité de l’île, très influen­cée par la culture cata­lane, comme argu­ment pour la sou­ve­rai­ne­té de Majorque. Le par­ti se bat pour sa sau­ve­garde et reven­dique un héri­tage his­to­rique. Au XIIIème siècle, les îles Baléares, alors habi­tées par des popu­la­tions arabes, sont enva­hies et colo­ni­sées par les Catalans lors des conquêtes chré­tiennes. « Nous sommes les des­cen­dants de ces colons, explique Margalida Mulet. Mes grands-parents et mes arrières grands-parents avaient des notions de cas­tillan mais ils n’utilisaient que le cata­lan. Avec mes amis et ma famille, quand nous par­lons le cata­lan dans un bar ou dans le bus, nous fai­sons de l’activisme poli­tique. »

Même sur le nom à don­ner à leur langue, les habi­tants de l’île ne par­viennent pas à trou­ver un accord. Dans les faits, on parle un dia­lecte avec des sono­ri­tés et expres­sions dif­fé­rentes du cata­lan, appe­lé le major­quin. Pour autant, les deux langues ont une base gram­ma­ti­cale et un voca­bu­laire similaires.

Une confusion identitaire

Si l’idée de réfé­ren­dum ne fait pas l’unanimité, c’est que les gens ont un rap­port très dif­fé­rent à cette iden­ti­té cata­lane. « La Catalogne et Majorque, c’est un peu une rela­tion d’amour-haine », décrit Antoni Lluis Trobat, jour­na­liste et spé­cia­liste de la poli­tique major­quine. Dans les années 60, l’Espagne de Franco s’ouvre au tou­risme et faci­lite les migra­tions. Des cen­taines d’ouvriers espa­gnols, notam­ment anda­lous, émigrent alors vers les îles Baléares et en par­ti­cu­lier vers Majorque. La Catalogne connaît aus­si cette vague d’immigration mais les condi­tions d’intégration ne sont pas les mêmes. « Ces gens se sont très vite inté­grés en Catalogne, ils ont adop­té le bilin­guisme, pré­cise Margalida Mulet. Aux Baléares, c’est dif­fé­rent. Il y a beau­coup de familles qui y sont depuis cin­quante ans, qui ne disent même pas bon­jour en cata­lan. Les poli­tiques locales de l’époque n’ont pas défen­du notre culture et cela affecte les rela­tions aujourd’hui. »

Ces dif­fé­rends se tra­duisent dans la rue. Dimanche 18 février, une mani­fes­ta­tion a réuni 2000 per­sonnes contre un décret des par­tis de gauche, adop­té en novembre 2017. Celui-ci impose un niveau moyen en cata­lan au per­son­nel de la san­té publique. De tels ras­sem­ble­ments sont très rares sur l’île. Au milieu des pan­cartes et slo­gans, Belén ajuste son gilet. « Le plus impor­tant, c’est la pro­fes­sion qu’on exerce et non pas la langue que l’on doit par­ler », sou­ligne l’infirmière anda­louse de 28 ans. « Nous sommes beau­coup à venir de loin, à ne pas être ori­gi­naire de Majorque, explique Guillermina, ses lunettes de soleil vis­sées sur le nez. Nous ne devrions par­ler que le cas­tillan à l’hôpital ». Pour David Abril, ces mani­fes­tants ont été « uti­li­sés et intoxi­qués par les par­tis de droite, contre la culture cata­lane. »

Palma de Majorque, 18 février 2018. 2 000 per­sonnes ont mani­fes­té contre l’u­ti­li­sa­tion du cata­lan dans le sec­teur de la san­té publique. ©Adèle Le Canu

Ce point de vue influence la for­ma­tion de l’échiquier poli­tique. Le par­ti de droite, Partido popu­lar (PP, Parti popu­laire), a presque tou­jours diri­gé le Parlement des îles Baléares. Il reste le pre­mier par­ti de l’archipel avec 20 sièges sur 59. Son élec­to­rat est for­te­ment concen­tré dans les vil­lages, où les habi­tants à la moyenne d’âge éle­vée se recon­naissent, pour la plu­part, dans des valeurs conser­va­trices. Beaucoup s’i­den­ti­fient davan­tage à une culture espa­gnole que cata­lane. « Je suis major­quine et espa­gnole, pas cata­lane, sou­ligne Margalida, 62 ans, ven­deuse de fruits à Caimari. A aucun moment je ne sou­haite l’indépendance de l’île. » 

Catalanophobie

Un cer­tain « anti-catalanisme » s’est même déve­lop­pé ces der­nières années à Majorque. En 2013, Ramon Bauza, issu du PP, est pré­sident du Parlement. Il sup­prime une loi en vigueur depuis les années 1980 qui impose aux écoles publiques de dis­pen­ser au moins la moi­tié de leurs cours en cata­lan. Ce geste est vécu comme un affront à la langue et à la culture, 100 000 per­sonnes, soit un hui­tième de la popu­la­tion major­quine, sortent dans les rues der­rière des cen­taines de pro­fes­seurs en grève. Une mani­fes­ta­tion his­to­rique qui oblige Bauza à faire machine arrière. 

Dans ce contexte, la popu­la­ri­té de Més per Mallorca n’a ces­sé de prendre de l’ampleur. Le par­ti a tri­plé son nombre de sièges par rap­port aux élec­tions de 2007. Pour Margalida Mulet, c’est une réac­tion à l’anti-catalanisme de Bauza. 

« Il y a une réelle offen­sive de l’Espagne contre tout ce qui rap­pelle la Catalogne ou l’indépendance, explique David Abril, le porte-parole de Més. Tout est conta­mi­né par ce débat, donc nous avons déci­dé de mettre de côté ce pro­jet de réfé­ren­dum sur l’autonomie de Majorque pour l’instant. Nous atten­dons le bon moment, celui où nous serons sûrs de gagner. »

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Henry de Laguérie, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon. 

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Rubrique : Dos à dosMots-clés : catalogne, référendum, majorque, souveraineté

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Autour d’Ada Colau, une majorité divisée

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