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Le média de la CFJ72 à Barcelone

La Catalogne fracturée par ses polices

Mossos, Guardia civil, etc. : deux types de police coha­bitent en Catalogne, l’une répon­dant au pou­voir régio­nal de Barcelone, l’autre au pou­voir cen­tral de Madrid. Et cela divise la socié­té cata­lane. Pour les unio­nistes, les Mossos sont le bras armé de l’indépendantisme cata­lan, tan­dis que les indé­pen­dan­tistes dénoncent les vio­lences de la police de Madrid.

Écrit par Arthur Eryeh-Fort Enquête de Arthur Eryeh-Fort et Lucas Bidault, à Barcelone
Publié le 5 mars 201814 mars 2018
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« Les nôtres, ce sont les Mossos », mar­tèle à deux reprises Celestina Arnau. Plusieurs forces de police coha­bitent en Catalogne. Et entre la police régio­nale cata­lane, les Mossos, et les forces de police natio­nale, comme la Guardia civil, elle a fait son choix. Celestina est retrai­tée et ne se sépare pas de ses pelotes de laine jaune sur la Plaça de Catalunya (place de Catalogne) à Barcelone, à l’extrémité des Ramblas. Depuis près d’un mois, un groupe de mili­tants indé­pen­dan­tistes, Despertem la Republica (Réveillons la République) campe jour et nuit sur cette place. Celestina et trois autres retrai­tées tri­cotent côte à côte des écharpes jaunes, la cou­leur de l’indépendantisme. L’objectif sym­bo­lique : « appor­ter de la cha­leur aux pri­son­niers poli­tiques et à notre Président exi­lé à Bruxelles (Carles Puigdemont, ancien Président de la Generalitat, ndlr). »

Barcelone, 17 février 2018. Celestina, au centre, tri­cote des écharpes à la cou­leur de l’in­dé­pen­dan­tisme. ©Arthur Eryeh-Fort

Autour de la place sont sta­tion­nées quelques voi­tures des Mossos d’Esquadra, qui signi­fie lit­té­ra­le­ment “agents d’escadron”. « Ils ont le droit de nous virer s’ils veulent, explique dans un bon fran­çais Laura Cama, membre de Despertem venant de Gérone chaque week-end au ras­sem­ble­ment. Mais pour l’instant ça se passe bien, nous sommes un mou­ve­ment paci­fique. » Les Mossos d’Esquadra sont la police de la Generalitat, l’administration gou­ver­nant la région auto­nome de Catalogne. La Guardia civil et la Policia nacio­nal sont quant à elles des forces de police natio­nales, res­pec­ti­ve­ment mili­taire et civile. En temps nor­mal leur pré­sence en Catalogne est réduite à envi­ron 3 500 agents, prin­ci­pa­le­ment dans le port et l’aéroport de Barcelone et aux fron­tières avec Andorre et la France. Dans les rues de la cité cata­lane, ils sont absents. Cette dua­li­té, et notam­ment l’exis­tence d’une police cata­lane, sus­cite beau­coup de débats dans la socié­té depuis quelques mois.

« La Guardia civil a causé beaucoup de douleurs physiques et psychologiques »

« Avant, il y avait une har­mo­nie entre les forces de police natio­nales, les Mossos et la popu­la­tion », explique Celestina. Avant, c’était avant le réfé­ren­dum pour l’indépendance du 1ᵉʳ octobre, orga­ni­sé par le gou­ver­ne­ment cata­lan. « La police natio­nale et la Guardia civil ont cau­sé beau­coup de dou­leurs phy­siques et psy­cho­lo­giques le 1ᵉʳ octobre. » Les indé­pen­dan­tistes reprochent aux “Guardia civil” d’avoir frap­pé des votants le jour du réfé­ren­dum, illé­gal au regard de la Constitution espa­gnole. Plus de 100 bles­sés ont été comp­ta­bi­li­sés lors des inter­ven­tions des “Guardia civil” devant les bureaux de vote pour empê­cher le réfé­ren­dum et sai­sir des urnes. 

Barcelone, 1er octobre 2017. Des “Guardia civil” face à des mani­fes­tants le jour du réfé­ren­dum d’indépendance. ©Wikimedia

Les Mossos sont eux mis en cause par les unio­nistes et la jus­tice. Ils auraient faci­li­té l’organisation du réfé­ren­dum et fait preuve de pas­si­vi­té lorsque les “Guardia civil” leur ont deman­dé de l’aide.

« Les images des “Guardia civil” frap­pant des votants de tout âge ont scan­da­li­sé l’Europe, ana­lyse Diego Torrente, socio­logue spé­cia­liste de la police et des crimes à l’université de Barcelone. Au final, cette vio­lence a été contre-productive. C’est un sym­bole très dur de voir une police atta­quer devant un bureau de vote. » « La vio­lence poli­cière a fran­chi la bar­rière poli­tique ce 1ᵉʳ octobre », ren­ché­rit Jofre Montoto, spé­cia­liste de la sécu­ri­té et auteur d’un livre sur les Mossos, Mossos d’Esquadra, com és la poli­cia de Catalunya (Mossos d’Esquadra, com­ment est la police cata­lane). « Les poli­ciers ont frap­pé dans des lieux sym­bo­liques, dans le vil­lage de Carles Puigdemont ou dans des vil­lages avec des reven­di­ca­tions fortes. »

Les Mossos dans l’œil du cyclone

Antonio Robles est phi­lo­sophe et membre fon­da­teur de Ciudadanos, par­ti oppo­sé à l’indépendance. Aujourd’hui reti­ré de la poli­tique, il voit lui aus­si dans cette vio­lence une « erreur » des “Guardia civil” mais « une erreur ins­tru­men­ta­li­sée par les médias qui sou­tiennent l’indépendance ». De son côté, il pointe du doigt les Mossos. « Ce sont des délin­quants. Ils ont col­la­bo­ré à une ten­ta­tive de coup d’Etat ».

Barcelone, 25 février 2018 . Des Mossos d’Esquadra sur Via Laietana à Barcelone à quelques heures de la venue du roi d’Espagne dans la ville. ©Arthur Eryeh-Fort

« Les Mossos ont pour­tant sai­si beau­coup plus d’urnes que les “Guardia civil”, mais sans vio­lence, explique Diego Torrente. Les Mossos et les “Guardia civil” ont géré la situa­tion dif­fé­rem­ment. » Depuis le réfé­ren­dum, le chef des Mossos, Josep Lluis Trapero, est pour­sui­vi pour sédi­tion. Environ 300 autres Mossos sont pour­sui­vis par la jus­tice espa­gnole. « C’est une sau­va­ge­rie de pour­suivre Trapero. Il n’est même pas indé­pen­dan­tiste ! », s’offusque Miquel Sellarès, l’un des fon­da­teurs des Mossos en 1983 (dont Societat réa­lise le por­trait). A pro­pos du sort de leur chef, les Mossos sont divi­sés. « Les Mossos sont sem­blables à la socié­té, témoigne Toni Castejon, secré­taire géné­ral du Sindicat de Mossos d’Esquadra (SME, Syndicat des Mossos d’Esquadra). Il y en a cer­tains qui sont pour, d’autres qui sont contre et d’autres qui ont confiance dans la jus­tice et attendent qu’elle se pro­nonce. »

« La ten­sion poli­tique et les men­songes sur les Mossos ont ame­né cer­tains Catalans et Espa­gnols à croire que les Mossos étaient une police poli­tique pro-indépendance, affirme Jofre Montoto. Mais ce n’est pas vrai. Il n’y a pas plus d’in­dé­pen­dan­tistes dans la police que dans le reste de la socié­té, c’est-à-dire envi­ron 50 %. » Au sein des Mossos s’est créé un groupe : Mossos per la República cata­la­na (les Mossos pour la République cata­lane). Le chef de ce groupe de 400 à 500 membres, lié à l’Assemblea nacio­nal cata­la­na (ANC, Assemblée natio­nale cata­lane), une asso­cia­tion cultu­relle indé­pen­dan­tiste, est Albert Donaire Malagelada, un jeune Mossos tra­vaillant dans les Pyrénées. Il n’hésite pas sur Twitter à dénon­cer le roi et le gou­ver­ne­ment espa­gnol et à sou­te­nir son ancien chef.

Barcelone, 25 février 2018. Manifestation contre la venue du roi d’Espagne à Barcelone. La sécu­ri­té est assu­rée par les Mossos. ©Arthur Eryeh-Fort
Josep Lluis Trapero, ancien chef des Mossos. ©Wikimedia

Josep Lluis Trapero a été enten­du à Madrid le 23 février et a fina­le­ment été lais­sé en liber­té avec inter­dic­tion de quit­ter le pays. « Je suis content qu’il ait été libé­ré mais il ne faut pas nor­ma­li­ser cette situa­tion où des diri­geants cata­lans sont pour­sui­vis », com­mente Rut Ribas. Cette jeune dépu­tée indé­pen­dan­tiste d’Esquerra repu­bli­ca­na de Catalunya (ERC, Gauche répu­bli­caine cata­lane) est venue deman­der, devant le com­mis­sa­riat des Mossos des Corts à l’ouest de Barcelone, avec 150 autres per­sonnes, la libé­ra­tion de 14 mili­tants arrê­tés le matin-même dans une mani­fes­ta­tion contre la jus­tice espagnole.

Même s’il ne nie pas la réa­li­té de cette vio­lence, Diego Torrente voit dans ce débat autour de la police le sché­ma de divi­sion de la socié­té cata­lane. « L’indépendantisme est majo­ri­tai­re­ment lié à un natio­na­lisme cata­lan. Les indé­pen­dan­tistes essayent de se dis­tin­guer le plus pos­sible de l’Espagne. Ils disent que l’autre, l’Espagne, est peu démo­cra­tique, auto­ri­taire, vio­lente. Et donc que eux, les Catalans et donc leur police, sont dif­fé­rents. »

« Les policiers sont fous quels qu’ils soient »

Barcelone, 19 février 2018. “Ni Mossos, ni natio­naux.” ©Alice Raybaud

Olivier Bourgeois Garcia par­tage ce constat. Ce Franco-Espagnol d’une cin­quan­taine d’années a par­ti­ci­pé au mou­ve­ment des Indignés en 2011. A Barcelone, il par­ti­cipe à la ges­tion de l’Agora Juan Andres Benitez, fon­dée lors ce mou­ve­ment. Des mili­tants d’extrême-gauche s’y réunissent régu­liè­re­ment pour débattre, orga­ni­ser des confé­rences ou juste dis­cu­ter entre amis. Cet espace a été rebap­ti­sé en 2013 après la mort dans le quar­tier d’un homme de 40 ans sous les coups de six Mossos, condam­nés par la suite. Il sym­bo­lise la lutte contre les vio­lences poli­cières à Barcelone. Il se situe dans la quar­tier d’El Raval, un quar­tier popu­laire et cos­mo­po­lite de l’est de Barcelone.

Agora Juan Andres Benitez, Barcelone, 23 février 2018. Les deux Mossos de cette pein­ture sont affu­blés d’une croix gam­mée. ©Arthur Eryeh-Fort

La cou­leur est déjà don­née sur le mur d’enceinte de l’espace. Une grande fresque tur­quoise com­po­sée de dif­fé­rentes œuvres, taguées ou peintes, le recouvre. Plusieurs ont trait aux vio­lences poli­cières. Sur l’une d’elle, deux Mossos sont repré­sen­tés avec une croix gam­mée des­si­née sur leur béret. Derrière ce mur, au fond d’une cour en terre où sont dis­sé­mi­nées plantes et chaises ain­si qu’une brouette ter­reuse et une table de ping-pong, se trouve une petite cabane vitrée.

A l’intérieur, Olivier dis­cute avec deux autres mili­tants tout en fumant des joints. Pour lui, pas de police pré­fé­rée. « Mossos et Guardia civil, il n’y a pas de dif­fé­rence. Une police est une police. » « Les poli­ciers sont fous quels qu’ils soient », appuie Jamal, arri­vé dans la cabane entre temps. Pour Olivier, il ne faut pas être dupe de l’attitude des Mossos le jour du réfé­ren­dum. « Ce jour-là, c’était vrai­ment good cop bad cop. Mais en 2011, les Mossos n’hésitaient pas à taper comme des bêtes sur des per­sonnes âgées. »

Les indépendantistes derrière les Mossos

Barcelone, 25 février 2018. Le dra­peau cata­lan, seul dra­peau sur l’u­ni­forme des Mossos. ©Arthur Eryeh-Fort

Devant le com­mis­sa­riat des Corts où des indé­pen­dan­tistes mani­festent pour la libé­ra­tion de 14 mili­tants arrê­tés le matin même, une quin­zaine de Mossos sont pos­tés le long du trot­toir, visage à moi­tié caché, casque, matraque et pis­to­let à la cein­ture. Du côté des mani­fes­tants, l’ambiance est au sou­rire et à la dis­cus­sion. Les pan­cartes sont rapi­de­ment posées par terre, des groupes se forment, cer­tains dis­cutent debout, d’autres en tailleur sur la chaus­sée fer­mée pour la manifestation.

Un groupe de jeunes s’assoit en ligne juste devant les poli­ciers, en signe de pro­tes­ta­tion paci­fique. Un Mossos leur demande de ne pas empié­ter sur le trot­toir. Aucune ten­sion n’est pal­pable. Au coin de la rue, à une cin­quan­taine de mètres, un des orga­ni­sa­teurs de la mani­fes­ta­tion dis­cute rapi­de­ment avec un poli­cier. Dans les pro­pos des mani­fes­tants indé­pen­dan­tistes, aucun n’est vrai­ment anti-Mossos. Pourtant, ce sont ces mêmes Mossos qui ont arrê­té leurs 14 cama­rades le matin même. Mireia Boya est une ex-députée au par­le­ment de Catalogne pour la Candidatura d’u­ni­tat popu­lar (CUP, Candidature d’u­ni­té popu­laire), par­ti d’extrême-gauche indé­pen­dan­tiste connu pour être sou­vent cri­tique de l’action poli­cière. Elle n’a que peu confiance en la police régio­nale, quand elle voit les arres­ta­tions des mani­fes­tants paci­fiques le matin même.

Commissariat des Corts, Barcelone, 23 février 2018. Ces mani­fes­tants demandent la libé­ra­tion de qua­torze de leurs cama­rades arrê­tés le matin-même par des Mossos. ©Arthur Eryeh-Fort

Mais dans la mani­fes­ta­tion, sa posi­tion est peu par­ta­gée. La majo­ri­té des indé­pen­dan­tistes sou­tiennent coûte que coûte la police cata­lane et excusent les arres­ta­tions du matin. « Avec l’article 155, les Mossos sont diri­gés par Madrid », explique Alex Garcia, la ving­taine et membre de Despertem la Republica venu à la mani­fes­ta­tion. L’article 155, c’est l’article de la Constitution espa­gnole acti­vé par le Sénat espa­gnol per­met­tant à Madrid de reprendre en main les com­pé­tences de la Generalitat. Dont la police. « Sous l’emprise de Madrid, les Mossos ne sont plus les Mossos. » Ce jeune indé­pen­dan­tiste très actif croit en sa police. « Les Mossos sont avec nous, du côté des Catalans, mais ils doivent suivre les ordres. Dans leur for inté­rieur, ils ne veulent pas le faire ».

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Fabien Palem, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon.

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Rubrique : Vivre la criseMots-clés : catalogne, mossos, police, guardia civil, mossos d'esquadra, violences policieres, josep lluis trapero

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