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Le média de la CFJ72 à Barcelone

La Catalogne déjà indépendante… dans son musée d’histoire

Au Musée d’his­toire de la Catalogne, à Barcelone, la com­mu­nau­té auto­nome est pré­sen­tée comme une nation et même un Etat à part entière. Loin d’être ano­dine, cette ambi­guï­té séman­tique est direc­te­ment liée aux reven­di­ca­tions indépendantistes. 

Écrit par Syrielle Mejias Enquête de Syrielle Mejias et Oumar Diawara, à Barcelone
Publié le 2 mars 201820 mars 2018
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Barcelone, février 2018. Panneau mar­quant les dif­fé­rentes salles du Musée d’his­toire de la Catalogne : « VIII-XIIIème siècles : La nais­sance d’une nation. » ©Syrielle Mejias

Il est à peine dix heures au musée d’his­toire de la Catalogne. Des dizaines d’en­fants courent déjà, armés de sty­los sur tout le pre­mier étage du musée, situé à deux pas du port de Barcelone.  En visite sco­laire, ils doivent suivre un jeu de piste au fil des longs siècles d’exis­tence de la Catalogne. Créé en 1996, le musée pré­sente l’his­toire du ter­ri­toire de la Catalogne, de la pré­his­toire à nos jours. Dès les pre­mières salles, le ton est don­né : « VIII-XIIIème siècles. La nais­sance d’une nation ». A l’in­té­rieur de ces murs, la Catalogne se consi­dère déjà indé­pen­dante de l’Etat espa­gnol. « Ce musée repré­sente les Catalans comme un peuple en marche vers la liber­té », assène Joaquim Coll, his­to­rien à l’Université de Barcelone et porte parole de Societat civil cata­la­na (SCC, Société civile cata­lane), une asso­cia­tion qui lutte pour que la Catalogne reste espa­gnole. Les col­lec­tions ren­voient l’i­dée que les Catalans, en tant que peuple, dési­rent vivre ensemble de façon sou­ve­raine depuis le VIIIème siècle. Un par­ti pris loin d’être neutre au vu des ten­sions qui déchirent Madrid et Barcelone depuis le réfé­ren­dum d’in­dé­pen­dance du 1er octobre. Cette vision his­to­rique ren­voie l’i­dée que les ten­ta­tives de la Generalitat pour orga­ni­ser l’in­dé­pen­dance de la Catalogne ne seraient pas un caprice mais un juste retour à une situa­tion qui exis­tait quelques siècles plus tôt.

Barcelone, février 2018. Panneau mar­quant les dif­fé­rentes salles du Musée d’his­toire de la Catalogne : « XIII-XVIème siècles : Notre mer. » ©Syrielle Mejias

En pour­sui­vant la visite du musée, le visi­teur se rend rapi­de­ment compte que la Catalogne est décrite non seule­ment comme une nation, mais aus­si comme un ancien Etat. Soit un ter­ri­toire déter­mi­né, sur lequel vit une popu­la­tion enca­drée par un pou­voir sou­ve­rain maté­ria­li­sé par des ins­ti­tu­tions. Un droit dont serait pri­vé le peuple cata­lan depuis près de trois siècles. Salles après salles, s’en­chainent une suite d’ap­pel­la­tions glo­rieuses et iden­ti­taires : « Consolidation d’un pays », « XIII-XVIème siècles. Notre mer », pour finir au deuxième étage, en 1714, avec : « La fin de l’Etat cata­lan ». Selon Joaquin Coll, spé­cia­liste de la poli­tique des XIXème et XXème siècles, le “récit natio­nal” du musée n’est pas un exemple iso­lé. « En Catalogne, la Generalitat tente de contrô­ler le dis­cours his­to­rique et le couple par­fois à une sub­tile hispanophobie. »

Le musée d’his­toire de la Catalogne est l’une des illus­tra­tions prin­ci­pales du “récit natio­nal” cata­lan. La Generalitat favo­rise depuis les années 1990 la dif­fu­sion de ce cou­rant his­to­rique dans les uni­ver­si­tés où les pro­grammes sco­laires. Il ne faut pas long­temps à la dépu­tée Sonia Sierra du par­ti Ciudadanos pour en trou­ver les res­pon­sables. « Jordi Pujol, le Président de la Generalitat de Catalogne [de 1980 à 2003] et son par­ti Convergència demo­crà­ti­ca de Catalunya (CDC, Convergence démo­cra­tique de Catalogne) ont mis par écrit la volon­té d’u­ti­li­ser l’his­toire pour ren­for­cer l’in­dé­pen­dan­tisme », affirme-t-elle.

28 octobre 1990. Article du jour­nal El Periódico, dans lequel a été publié le docu­ment de tra­vail du par­ti CDC.

Le texte auquel fait réfé­rence la dépu­té est un docu­ment de tra­vail du CDC, com­por­tant un éven­tail de pro­po­si­tions pour entre­te­nir le natio­na­lisme en Catalogne. Dans la par­tie édu­ca­tion, on y trouve un objec­tif lim­pide : « Stimuler le sen­ti­ment natio­nal cata­lan des pro­fes­seurs, parents et étu­diants. » Pour ce faire « il fau­drait créer à Barcelone (…) un musée d’histoire de la Catalogne. »

Barcelone, février 2018. Entrée du musée d’his­toire de la Catalogne. ©Syrielle Mejias

Six ans plus tard, la Generalitat fait sor­tir de terre le musée d’his­toire de la Catalogne. Son décret de créa­tion, signé par Jordi Pujol, annonce très clai­re­ment son objec­tif : « ren­for­cer l’i­den­ti­fi­ca­tion des citoyens à leur his­toire natio­nale. » La rai­son d’être de ce musée est donc poli­tique. Aujourd’hui encore, les liens entre l’é­ta­blis­se­ment et le gou­ver­ne­ment cata­lan sont extrê­me­ment forts. Le direc­teur du musée d’his­toire de la Catalogne, nom­mé par la Generalitat, n’est autre que Augusti Alcoberro, le vice-président de l’Assemblea Nacional Catalana (ANC, Assemblée natio­nale cata­lane). Cette asso­cia­tion milite pour l’in­dé­pen­dance poli­tique de la Catalogne. Une proxi­mi­té avec le pou­voir visible jusque dans les argu­ments don­nés pour refu­ser des interviews.

Barcelone, février 2018. Groupe d’é­tu­diants grecs en Erasmus, se pre­nant en pho­to dans le Musée d’his­toire de la Catalogne. ©Syrielle Mejias

« La situa­tion poli­tique et l’in­ter­ven­tion du gou­ver­ne­ment [espa­gnol en Catalogne] sont excep­tion­nelles, écrit par mail la res­pon­sable de la com­mu­ni­ca­tion. Si le minis­tère de la Culture [de la Generalitat] ne peut pas vous aider, nous ne pou­vons rien faire non plus. »  Traduction : à cause de l’ac­ti­va­tion de l’ar­ticle 155 de la Constitution par le gou­ver­ne­ment espa­gnol, les minis­tères de la Generalitat sont pri­vés de leurs com­pé­tences et le musée ne peut pas don­ner d’interview.

« La campagne de propagande la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale »

Cela fait 21 ans que le musée d’his­toire de la Catalogne sert les inté­rêts de la Generalitat. Bien rodé, le “récit natio­nal” expo­sé par le musée est effi­cace. D’autant plus qu’une bonne par­tie de ses visi­teurs sont en réa­li­té des enfants. Selon un employé, entre 20 et 30 groupes sco­laires visitent le musée chaque semaine. Rien que pour eux, l’é­quipe du musée a pré­vu toute sorte d’a­ni­ma­tions pour les éveiller à l’his­toire de la Catalogne.

Barcelone, février 2018. Activité du musée pour inté­res­ser les enfants au Moyen-Age en com­pre­nant le méca­nisme des pou­lies. ©Syrielle Mejias
Barcelone, février 2018. Groupes sco­laires en pleine acti­vi­té avec une employée du musée. ©Syrielle Mejias

Tout en encou­ra­geant la fibre iden­ti­taire des Catalans, le musée a éga­le­ment un impact sur les tou­ristes qui viennent le visi­ter. Noémie, une étu­diante ita­lienne de 24 ans, venue en vacances à Barcelone, a un autre regard sur la Catalogne depuis qu’elle l’a visi­tée. « Ça m’a aidé à com­prendre à quel point la Catalogne était dif­fé­rente de l’Espagne et pour­quoi il y a tant d’af­fron­te­ments aujourd’­hui pour l’in­dé­pen­dance. »

La Generalitat pro­fite éga­le­ment de nom­breux sym­boles his­to­riques pour éveiller la fibre indé­pen­dan­tiste des petits et grands. La démons­tra­tion récente la plus spec­ta­cu­laire est la célé­bra­tion du tri­cen­te­naire du 11 sep­tembre 1714. Il s’a­git de la fête natio­nale cata­lane qui consacre la défaite de Barcelone lors de la guerre de Succession d’Espagne. En 2014, la Generalitat avait déci­dé de dépen­ser 900 000 euros pour célé­brer l’é­vé­ne­ment, tan­dis que la mai­rie de Barcelone débour­sait 2,5 mil­lions d’euros.

Catalogne, 24 février 2018. Le dra­peau cata­lan, sym­bole offi­ciel de lutte contre l’in­dé­pen­dance et de l’op­po­si­tion à Madrid au cours des siècles. ©Kenan Augeard

A l’oc­ca­sion de ce tri­cen­te­naire, un sémi­naire inter­na­tio­nal était orga­ni­sé avec pour thème : « L’Espagne contre la Catalogne ». Une aber­ra­tion pour l’his­to­rien anti indé­pen­dan­tiste Joaquim Coll. « Je pense que c’est la cam­pagne de pro­pa­gande la plus impor­tante en Europe depuis la Seconde Guerre mon­diale », s’insurge-t-il. Au contraire, Salvador Cardús, un socio­logue de l’Université Autonome de Barcelone et membre du Conseil consul­ta­tif pour la tran­si­tion natio­nale, consi­dère ce sémi­naire per­ti­nent. « La rela­tion que nous entre­te­nons avec l’Espagne peut se résu­mer au fait que tous les 50 ans, Barcelone est bom­bar­dée », estime-t-il dans son bureau cou­vert d’af­fiches prô­nant la libé­ra­tion des pri­son­niers poli­tique du réfé­ren­dum du 1er octobre. Cela explique à ses yeux que tous les sym­boles de la Catalogne, de son hymne, à son dra­peau en pas­sant par le jour de sa fête natio­nale, soient des sou­ve­nirs de vio­lents affron­te­ments avec l’Espagne. Cette stra­té­gie, selon Joaquim Coll, tente tou­jours de pla­cer les indé­pen­dan­tistes dans le camp du bien. « Dans les mani­fes­ta­tions pour l’in­dé­pen­dance, ils uti­lisent des slo­gans anti-franquistes, ils se com­parent même à Gandhi, Mandela et Rosa Parks ! »

Barcelone, février 2018. Citations de Montesquieu, Gandhi, Malcom X, Robert Kennedy, en faveur de l’au­to­dé­ter­mi­na­tion des peuples. ©Syrielle Mejias

Le musée d’his­toire de la Catalogne se per­met aus­si ce type de rap­pro­che­ments. Au troi­sième étage, le visi­teur tombe sur une ribam­belle de cita­tions impri­mées noire sur blanc au for­mat A4. On y retrouve tous les grands noms cités plus haut, ain­si que d’autres comme Montesquieu : « Il n’y a point de plus cruelle tyran­nie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les cou­leurs de la jus­tice. » Une pique à peine dis­si­mu­lée à la mise en place de l’ar­ticle 155 par le gou­ver­ne­ment espa­gnol en décembre dernier.

Jordi Bilbeny et son Institut nova histó­ria (Institut de la nou­velle his­toire) vont encore plus loin. Selon lui, Christophe Colomb, Miguel Cervantes et Léonard de Vinci sont en réa­li­té Catalans. « Nous com­men­çons à poser les bases de ce que pour­rait être une science his­to­rique moderne débar­ras­sée de féti­chisme », assure-t-il. Ce phi­lo­logue est convain­cu que l’Espagne pra­tique une cen­sure active depuis plu­sieurs siècles pour mini­mi­ser l’im­por­tance his­to­rique de la Catalogne.

Si ses thèses n’ont jamais été appuyées publi­que­ment par des his­to­riens, Jordi Bilbeny peut se tar­guer d’a­voir reçu le sou­tien des deux anciens pré­si­dents de la Generalitat : Artur Mas et Jordi Pujol. « Jordi Pujol nous a envoyé une carte pour nous féli­ci­ter pour nos recherches », confirme Jordi Bilbeny en regret­tant de ne pas rece­voir de sou­tien, ni offi­ciel, ni éco­no­mique, contrai­re­ment à ce qu’in­si­nuent ses détracteurs.

Une der­nière ins­crip­tion vient clore la visite du musée d’his­toire de la Catalogne. Elle est de Lluís Companys, un ancien Président de la Generalitat fusillé en 1940 par le régime fran­quiste. « Pour se battre pour de nobles idéaux, il y a du monde, mais pour la Catalogne, il n’y a que nous. »

Barcelone, février 2018. Citation de Lluís Companys : « Pour se battre pour de nobles idéaux, il y a du monde, mais pour la Catalogne, il n’y a que nous. » ©Syrielle Mejias

Travail enca­dré par Alain Salles, Frédéric Traini et Cédric Rouquette.

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Rubrique : MémoiresMots-clés : indépendance, catalogne, barcelone, histoire, musée

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