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Societat

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Le média de la CFJ72 à Barcelone

La Catalogne du Nord, perdue entre Paris et Barcelone

Alors que la volon­té d’in­dé­pen­dance cata­lane est média­ti­sée dans
le monde entier, la Catalogne fran­çaise vit la crise
par pro­cu­ra­tion. Ses habi­tants reven­diquent leur iden­ti­té régionale,
même si elle se limite sou­vent à une valeur symbolique.

Écrit par Alicia Roux Enquête de Adélie Floch et Alicia Roux, à Perpignan
Publié le 28 février 201816 mars 2018
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Dans le petit stu­dio de Ràdio Arrels, on ne parle que cata­lan. C’est une règle d’or. Même hors antenne, les trois jour­na­listes com­mu­niquent uni­que­ment en cata­lan. Pourtant, si on a ten­dance à vite l’oublier, cette radio asso­cia­tive est basée à Perpignan. Derrière le stu­dio, dans un bureau aux murs pas­tel déla­vés, Joan Becat, 76 ans, a accep­té de nous par­ler en fran­çais. Il sou­lève des pro­blé­ma­tiques d’ici, en France, en Catalogne du Nord, ter­ri­toire qui  cherche son iden­ti­té entre Paris et la Catalogne espa­gnole, appe­lée plus cou­ram­ment « la Catalogne du Sud ». Joan Becat est pro­fes­seur de géo­gra­phie à l’Université de Perpignan et béné­vole à Ràdio Arrels. Il s’indigne du manque de recon­nais­sance de la culture cata­lane fran­çaise et du faible nombre de classes bilangues français/catalan dans les Pyrénées-Orientales, « alors qu’il y a de plus en plus de demandes ». « C’est l’Etat fran­çais qui bloque », martèle-t-il plu­sieurs fois. Ce blo­cage de l’État fran­çais n’est pas confir­mé par un conseiller péda­go­gique d’études cata­lanes, mais le nombre d’élèves en classe bilangue a bien aug­men­té dans le dépar­te­ment. « Dans les Pyrénées-Orientales, il y avait, en 2003, 980 élèves en pri­maire dans ces classes bilangues catalan/français. Il y en a aujourd’hui 3 000 », expose ce conseiller péda­go­gique.  Pour Joan Becat, cette aug­men­ta­tion s’explique sur­tout par « la prise de conscience des parents de l’avantage d’être bilingue pour un enfant. » 

Il est impos­sible de le cou­per. Joan Becat parle et parle sans pou­voir s’arrêter. « Vous ne trou­vez pas que c’était trop ris­qué de la part de la Catalogne du Sud de deman­der l’indépendance au risque de perdre l’autonomie ? » La ques­tion ne lui convient pas. Il y répond d’un geste de la main. « Il faut remettre en doute tout ce que vous pen­sez savoir », lâche-t-il sèche­ment, avant de reprendre sur « la pré­sence bien réelle » de l’identité cata­lane en France. Albert Noguer, 36 ans, pré­sident de la radio, boit tran­quille­ment son café en retrait der­rière Joan Becat. Amusé par autant d’en­ga­ge­ment, il ne dit rien, le laisse parler.

Perpignan, 20 février 2018. Albert Noguer, dans le stu­dio de Ràdio Arrels, dont il est le pré­sident. ©Adélie Floch

Fondée en 1981, après la libé­ra­tion des ondes, Ràdio Arrels a déci­dé dès sa créa­tion de renon­cer aux contrats publi­ci­taires et d’être tota­le­ment cata­la­no­phone. « On est un outil au ser­vice de la langue et de la culture cata­lane », estime Albert Noguer. Il pense que la radio est « écou­tée et connue », tout en recon­nais­sant que « ce serait dix fois plus facile si on fai­sait tout en fran­çais, notam­ment pour les repor­tages. » Impossible de connaître l’audience de la sta­tion, les der­niers chiffres remontent à plus de dix ans.

Pour Aleix Renyé, fon­da­teur de Ràdio Arrels, le pro­blème est qu’en France, « le cata­lan a per­du son usage social. » « À Perpignan, per­sonne ne parle cata­lan sur le mar­ché, alors qu’à seule­ment quelques kilo­mètres, de l’autre côté de la fron­tière, c’est le cas », raconte-t-il. Jordi Pons Pujol, his­to­rien, explique que « la sub­sti­tu­tion lin­guis­tique » du cata­lan au fran­çais « appa­raît entre 1945 et 1960 » en Catalogne du Nord. Pourtant, si l’usage social ne s’est pas main­te­nu, cela s’explique par des faits his­to­riques plus anciens. « Au XIXème siècle, le nord de la France, où l’on parle fran­çais, repré­sente le pro­grès indus­triel. Parler fran­çais devient donc un outil de pro­mo­tion sociale et éco­no­mique. » A l’inverse, à la même époque, « la Catalogne espa­gnole connait la révo­lu­tion indus­trielle, contrai­re­ment au reste de l’Espagne. »

La culture catalane, « un côté folklorique »

Veste en cuir sur les épaules, lunettes des années 70 sur le nez, Louis Dagues, 20 ans, déam­bule dans les rues de Perpignan. Cet étu­diant en his­toire cata­lane nous montre les traces de la culture cata­lane dans sa ville natale. Epaules relâ­chées, pas lents, il est ici chez lui.

Louis Dagues s’arrête dans la rue de l’adjudant Paritilla, située dans le cœur his­to­rique de Perpignan, longue de cent mètres et com­po­sée de quelques com­merces catalan. 

Perpignan, 20 février 2018. Un com­merce qui vend des spé­cia­li­tés cata­lanes, rue de l’ad­ju­dant Paratilla. ©Adélie Floch

À Perpignan, avec ces com­merces, les pan­neaux des rues en cata­lan sont éga­le­ment des témoins de l’identité de la région. Pourtant, pour l’étudiant « la culture cata­lane a un petit côté folk­lo­rique. »  « J’ai l’impression qu’il y a un espèce de malaise autour de l’identité cata­lane, comme si les gens ici se reven­di­quaient comme cata­lans à par­tir du moment où on leur demande », s’indigne-t-il. Louis Dagues pense que sa région a « le cul entre deux chaises ». « D’un côté, il y a les Catalans du Sud qui nous consi­dèrent comme des Français et, de l’autre, il y a les Français qui nous consi­dèrent comme des Catalans. » Selon le jeune homme, ce pro­blème d’identité est lié à la langue. « Comment peux-tu dire “Je suis Catalan” alors que tout le monde parle fran­çais et que l’on fait des fautes quand on parle cata­lan ? » Pour illus­trer ces pro­pos, Louis Dagues explique qu’il voit des fautes d’or­tho­graphes sur des pan­neaux un peu par­tout en Catalogne du Nord. « La der­nière faute que j’ai vue était sur un pan­neau à l’en­trée d’Eus, un vil­lage à la montagne. »

Perpignan, 20 février 2018. Sur la façade de la mai­rie de Perpignan, le dra­peau cata­lan flotte aux côtés du dra­peau fran­çais. ©Adélie Floch

Le rat­ta­che­ment à l’Espagne ? « Un rêve qui n’a aucune chance d’aboutir »

Au-delà de la culture et de la langue, la frac­ture entre les deux Catalognes est poli­tique. Au Nord, aucune pous­sée indé­pen­dan­tiste, à l’inverse du Sud. Il existe bien des par­tis cata­lans en France : Unitat cata­la­na et Oui au pays cata­lan. Leurs scores ne dépassent pas les 5 % aux élec­tions locales comme natio­nales. Brice Lafontaine, 35 ans, ancien adjoint à la mai­rie de Perpignan, a pré­si­dé Unitat cata­la­na de 2013 à 2017. Il appelle la popu­la­tion de la région à voter « pour que l’identité de la région soit enfin prise en consi­dé­ra­tion. » Les par­tis cata­lans réclament le sta­tut de col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale unique pour les Pyrénées-Orientales – sta­tut que vient d’obtenir la Corse. « Aujourd’hui, ça semble com­pli­qué de nous écou­ter vu notre fai­blesse poli­tique », admet-t-il, entre deux gor­gées de thé. C’est pour cette rai­son qu’à court terme, Brice Lafontaine sou­haite d’abord « l’indépendance de la Catalogne du Sud », située en Espagne. Pour lui, cette indé­pen­dance per­met­trait une plus grande recon­nais­sance de la Catalogne du Nord, aux yeux de Paris comme aux yeux de Barcelone. Il pré­cise que dans sa région, « l’indépendance ou le rat­ta­che­ment à la Catalogne du Sud ne sont pas à l’ordre du jour. » Il avoue tou­te­fois que cela serait « un rêve » même s’il est bien conscient que « ça n’a pour l’instant aucune chance d’aboutir. »

La demande d’une plus grande recon­nais­sance de la culture cata­lane par Paris n’est pas par­ta­gée par tous les poli­tiques de la région. Olivier Amiel, 39 ans, adjoint au maire char­gé de la Politique de la ville de Perpignan, qua­li­fie Brice Lafontaine de « doux rêveur ». « On est Français avant tout. Français avant d’être Catalan », assure-t-il.

Tous s’accordent pour dire qu’être Catalan repré­sente une fier­té à leurs yeux, sur­tout lorsqu’ils quittent leur région. Pour Louis Dagues, « le fait de se reven­di­quer Catalan, c’est un moyen de se faire recon­naître comme Français aux yeux des Français. Une façon de mon­trer qu’on existe ».

Travail enca­dré par Alain Salles, Henry de Laguérie, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon.

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Rubrique : Tu seras catalanMots-clés : catalan, indépendantisme, perpignan, catalogne du nord, catalogne française, pyrénées-orientales

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