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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Ciudadanos, la Catalogne comme tremplin

Le 21 décembre der­nier, Ciudadanos, par­ti de centre-droit, arri­vait en tête aux élec­tions au Parlement de Catalogne. Un résul­tat remar­quable pour ce par­ti for­mé onze ans plus tôt à Barcelone. Mais pas un aboutissement.

Écrit par Kenan Augeard Enquête de Joanna Chabas et Kenan Augeard, à Barcelone
Publié le 26 février 201815 mars 2018
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Sur une ave­nue sans âme, dans les quar­tiers riches de Barcelone, impos­sible de pas­ser à côté du siège de Ciudadanos (Citoyens). L’orange carac­té­ris­tique de ce jeune par­ti s’affiche, au rez-de-chaussée, sur toute la façade d’un immeuble des années 1970. Si tout semble imma­cu­lé, c’est aus­si parce que le siège du par­ti reste déses­pé­ré­ment vide, à l’exception d’une récep­tion­niste qui ren­voie qui­conque vers la per­ma­nence télé­pho­nique de Ciudadanos, et d’un gar­dien qui enchaîne les pauses-cigarette. Deux mois après les élec­tions au Parlement de Catalogne, le 21 décembre der­nier, les par­tis se font dis­crets, afin d’éviter tout déra­page. En l’absence d’échéance élec­to­rale impor­tante, Ciudadanos n’organise aucun trac­tage dans les rues de Barcelone, et ver­rouille les contacts entre ses membres et les médias, au point d’annuler des ren­contres entre jour­na­listes et simples militants. 

Barcelone, 20 février 2018. Le siège de Ciudadanos, dans les quar­tiers riches de Barcelone. ©Kenan Augeard

Avec ce scru­tin, Ciudadanos a pris une nou­velle dimen­sion, en arri­vant en tête avec 25 % des voix, soit 36 dépu­tés. Certes, cela reste insuf­fi­sant pour for­mer un gou­ver­ne­ment, lequel devrait res­ter sous le contrôle des indé­pen­dan­tistes. Mais le pré­sident de Ciudadanos, Albert Rivera, n’hésite pas à qua­li­fier ce score de vic­toire. Il faut dire que, jusqu’à pré­sent, jamais un par­ti anti-indépendantiste n’était arri­vé en tête à une élec­tion au Parlement de Catalogne. Depuis 1980 et le pre­mier scru­tin post-franquiste, seuls deux par­tis avaient domi­né les élec­tions : le par­ti cata­la­niste conser­va­teur Convergència i Unió (CiU, Convergence et union), le par­ti de Jordi Pujol, pré­sident de la Generalitat de 1980 à 2003, et le Partit dels Socialistes de Catalunya (PSC, Parti des socia­listes de Catalogne), qui a for­mé de 2003 à 2009 deux coa­li­tions avec la gauche indépendantiste.

Personne ne pou­vait ima­gi­ner ça, le 4 mars 2006, quand le par­ti Ciudadanos était créé, à Barcelone, par d’anciens membres du PSC. Albert Rivera est alors un avo­cat de seule­ment 26 ans. Douze ans après, Ciudadanos a bien gran­di. Aujourd’hui, Albert Rivera entend occu­per l’espace cen­tral du spectre poli­tique, à l’image d’En marche ! en France, ou du Parti libé­ral de Justin Trudeau, le Premier ministre cana­dien. Catalan à l’origine, le par­ti pré­sente depuis 2014 des can­di­dats dans toute l’Espagne. C’est tou­jours en Catalogne qu’il réa­lise son meilleur score, autour de sa lea­der dans la région, Inés Arrimadas. Mais, pour Albert Rivera, cette région où il a gran­di n’est qu’une étape. En 2016, il s’est pré­sen­té aux élec­tions légis­la­tives dans la cir­cons­crip­tion de Madrid.

La victoire de la stratégie politique

Pourtant, le score réa­li­sé par Ciudadanos lors des élec­tions cata­lanes du 21 décembre était essen­tiel pour per­mettre au jeune par­ti de se déve­lop­per à l’échelle de l’Espagne. Le suc­cès de Ciudadanos en Catalogne est la vic­toire de sa stra­té­gie poli­tique. Si, aujourd’hui, le par­ti peut espé­rer par­ti­ci­per à la for­ma­tion d’un gou­ver­ne­ment à Madrid, c’est grâce à deux posi­tion­ne­ments idéo­lo­giques bien réflé­chis : une droi­ti­sa­tion pro­gres­sive et un anti-indépendantisme farouche.

A sa créa­tion, en 2006, Ciudadanos tente de se rap­pro­cher du centre. Le par­ti se défi­nit comme social-démocrate et se posi­tionne au centre-gauche, légè­re­ment à droite du PSC. Puis vient février 2017. A l’issue de son congrès, Ciudadanos change ses sta­tuts. Exit la social-démocratie, bien­ve­nue au libé­ra­lisme. Un chan­ge­ment qui, séman­ti­que­ment, signi­fie beau­coup. Et fait de Ciudadanos « le rêve de mil­lions d’Espagnols », s’emballe Albert Rivera après le congrès.

Barcelone, 21 février 2018. Sonia Sierra, dépu­tée Ciudadanos au Parlement de Catalogne. ©Kenan Augeard

« Nos voix viennent sur­tout du Parti socia­liste », essaie encore de se convaincre Sonia Sierra. Cette ancienne élec­trice du PSC est dépu­tée Ciudadanos de Catalogne depuis 2016. Vêtue d’une veste aux motifs vert camou­flage, elle reçoit dans une salle de réunion du Parlement de Catalogne, à Barcelone. Table ovale gri­sâtre, chaises rouges déla­vées, murs en pré­fa­bri­qué mar­ron : l’esthétique de la pièce tranche avec le reste du bâti­ment, fait de dorures et de marbres, héri­tage du XVIIIème siècle.

« Le Partido popular est phagocyté par Ciudadanos »

Pour défendre son point de vue, Sonia Sierra invoque la logique mathé­ma­tique : « le Partido popu­lar (PP, par­ti popu­laire), conser­va­teur, n’a jamais eu plus de treize dépu­tés, je crois, en Catalogne. Aujourd’hui, ils en ont quatre. Ils en ont per­du neuf. Or, nous avons aujourd’hui 36 dépu­tés. Nos élec­teurs ne peuvent donc pas venir que du PP, loin de là. » Si la réflexion de l’élue semble logique, elle s’étiole face aux faits : en 2012 encore, le PP dis­po­sait de 19 dépu­tés au Parlement de Catalogne. L’effondrement du par­ti de droite, dont est issu le Premier ministre espa­gnol Mariano Rajoy, coïn­cide par­fai­te­ment avec l’explosion de Ciudadanos.

Selon Antoni Biarnés, c’est tout sauf un hasard. « Aujourd’hui, Ciudadanos prend les voix du PP, estime ce pro­fes­seur en sciences poli­tiques, direc­teur du Collège des poli­to­logues et socio­logues de Catalogne. Les élec­teurs pré­fèrent un par­ti jeune comme Ciudadanos à un par­ti comme le PP, très à droite, gan­gre­né par la cor­rup­tion. » Les pen­seurs du par­ti voient bien la fra­gi­li­sa­tion du Partido popu­lar du Premier ministre Mariano Rajoy. « Le PP est inexis­tant, pha­go­cy­té par Ciudadanos, estime Gabriel Colomé, pro­fes­seur de sciences poli­tiques à l’Université auto­nome de Barcelone. Les com­mu­ni­cants du par­ti ont bien com­pris qu’il y avait un espace au centre-droit, et Ciudadanos s’y est installé. »

Un chan­ge­ment res­sen­ti par les Catalans. « Le PP est très radi­cal, mais Ciudadanos est encore plus à droite », assure Maria Gonzalez, Barcelonaise de 32 ans, indé­pen­dan­tiste et de sen­si­bi­li­té de gauche, devant le siège du par­ti. « Le par­ti dit être de gauche, mais ils ne le sont pas », ajoute Aina Teixedo Franch, 27 ans. Elle arbore à son ves­ton un ruban jaune, sym­bole du sou­tien aux per­sonnes incar­cé­rées depuis le réfé­ren­dum inter­dit du 1er octobre 2017. Dans les rues de Barcelone, les mots uti­li­sés contre Ciudadanos sont durs : « fas­ciste », « d’extrême-droite », « popu­liste ».

Une stratégie à risque

« En Catalogne, les gens situent Ciudadanos à l’extrême-droite, mais ce n’est qu’une affaire de per­cep­tion, tem­père Gabriel Colomé, le pro­fes­seur de sciences poli­tiques. Les Catalans ont ce sen­ti­ment car, sur cer­tains sujets sen­sibles, le par­ti adopte des posi­tions très dures. » Ciudadanos prône, par exemple, le pas­sage d’un sys­tème sco­laire inté­gra­le­ment en cata­lan à un tri­lin­guisme de l’éducation (40 % cas­tillan, 40 % cata­lan, 20 % anglais). Or la langue est un ferment essen­tiel de l’identité cata­lane. En atta­quant le cata­lan, Ciudadanos s’en prend direc­te­ment aux indé­pen­dan­tistes. Et se fait beau­coup d’ennemis.

Barcelone, 20 février 2018. Antoni Biarnés, poli­to­logue. ©Kenan Augeard

Une stra­té­gie à risque, source de ten­sions. Mais payante. « En Catalogne,  tout tourne autour de la ques­tion de l’indépendance », regrette le poli­to­logue Antoni Biarnés. Sur ce point, le par­ti cen­triste a réus­si à se démar­quer. « Ciudadanos n’est pas un par­ti cata­la­niste comme ont pu l’être le PP ou le PSC, explique Gabriel Colomé. Leur pro­jet n’est pas d’unifier la Catalogne, mais de créer une Catalogne anti-indépendantiste. » Or, dans ce domaine, les par­tis tra­di­tion­nels ont déçu les élec­teurs. « Le PP et le PSC font des pactes avec le natio­na­lisme depuis trente ans, affirme la dépu­tée Sonia Sierra. Ils laissent les natio­na­listes faire ce qu’ils veulent en échange de leur sou­tien pour for­mer les majo­ri­tés ou voter les bud­gets. » Fernando Martinez, Barcelonais de 39 ans et élec­teur de Ciudadanos, abonde : « Ciudadanos est la seule option pour les anti-indépendance. »

Dans les rues de Barcelone, il n’est pas dif­fi­cile de com­prendre pour­quoi les anti-indépendantistes ont tant besoin d’un par­ti qui défende leur point de vue. Dans chaque rue, les dra­peaux se mul­ti­plient. Ceux de la Catalogne sont légion, ceux du “Oui” à l’indépendance éga­le­ment. Les dra­peaux espa­gnols sont plus rares. Et, si peu d’électeurs ont un avis sur le pro­gramme éco­no­mique de Ciudadanos, tous ont une opi­nion sur la tenue ou non d’un réfé­ren­dum sur l’indépendance de la Catalogne. Le sujet, extrê­me­ment pola­ri­sant, ne laisse per­sonne indifférent. 

50 % des voix unionistes

Barcelone, 20 février 2018. Gabriel Colomé, pro­fes­seur de sciences poli­tiques. ©Kenan Augeard

« La poli­tique cata­lane est entrée dans une logique iden­ti­taire, divi­sée en deux blocs, les indé­pen­dan­tistes et les unio­nistes, explique Gabriel Colomé. Chaque bloc réunit deux mil­lions d’électeurs, et il n’y a aucune trans­ver­sa­li­té. » Ainsi, Ciudadanos n’a pas seule­ment empor­té 25 % des voix le 21 décembre der­nier. Le par­ti a sur­tout réuni 50 % des voix unio­nistes. Un raz-de-marée, onze ans seule­ment après la fon­da­tion du par­ti. Un résul­tat d’autant plus inté­res­sant que, hors de la Catalogne et du Pays Basque, une très grande majo­ri­té des Espagnols sont unio­nistes et donc favo­rables à Ciudadanos.

« Cette vic­toire de Ciudadanos, c’est un signe que la Catalogne ne va pas bien, estime Gabriel Colomé, le pro­fes­seur de sciences poli­tiques. Parce que le vain­queur dans chaque bloc, indé­pen­dan­tiste et unio­niste, est le plus radi­ca­li­sé : Ciudadanos d’un côté, Junts per Catalunya (JuntsxCat, Ensemble pour la Catalogne), le par­ti de Carles Puigdemont, de l’autre. » En ayant à ce point pola­ri­sé le débat, Ciudadanos a pris un risque, celui de ne jamais gou­ver­ner la Catalogne. « A pré­sent, il va être ques­tion d’Espagne, estime Antoni Biarnés, le poli­to­logue. Le pro­chain objec­tif, pour Ciudadanos, va être de jouer un rôle dans la for­ma­tion d’un gou­ver­ne­ment. » Un des­sein qui vaut bien le sacri­fice de la Catalogne.

Barcelone, 23 février 2018. Le logo de Ciudadanos est un coeur incluant les dra­peaux cas­tillan, espa­gnol et euro­péen. ©Kenan Augeard

Travail enca­dré par Jean-Baptiste Naudet, Fabien Palem et Cédric Rouquette. 

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Rubrique : Rester espagnolMots-clés : politique, indépendantisme, ciudadanos, unionisme, Albert Rivera, Inés Arrimadas, centre, centre-droit, socialisme, europe

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