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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Littérature catalane : une constellation en quête d’existence

Foisonnante, mili­tant dans sa majo­ri­té pour l’indépendantisme et dotée de ses propres ins­ti­tu­tions, la lit­té­ra­ture cata­lane se veut le fer de lance de l’identité. De quoi pal­lier le manque de repré­sen­ta­tion natio­nale qu’elle dénonce.

Écrit par Clara Cristalli Enquête de Clara Cristalli et Jeanne Daucé, à Barcelone
Publié le 6 mars 201815 mars 2018
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Barrer la page 155 de tous ses livres impri­més. Par cette ini­tia­tive, Som Ara Llibres, une coopé­ra­tive d’éditeurs “au ser­vice de la culture cata­lane”, affiche clai­re­ment son opi­nion. Elle “pro­teste contre l’application” de cet article de la Constitution espa­gnole qui per­met à Madrid de reprendre la main sur la région.

Sur la scène lit­té­raire cata­lane, mille et une façons de faire valoir sa posi­tion indé­pen­dan­tiste. Publication de mani­festes, ini­tia­tives pour défendre la lit­té­ra­ture cata­lane à l’école ou uti­li­sa­tion des réseaux sociaux… les écri­vains cata­lans sont en ébullition.

« Ils sont extrêmes », constate Xavi Ayén, jour­na­liste lit­té­raire à La Vanguardia, ins­tal­lé à une table de “Bernat”, un café-librairie très moderne du quar­tier de l’Eixample. Si la poli­tique n’est pas au cœur de la fic­tion cata­lane, les auteurs se servent de leur visi­bi­li­té pour expri­mer leurs idées poli­tiques. « Je ne me cache pas d’être libre », reven­dique Jaume Cabré. Sur son compte Twitter, les publi­ca­tions qu’il ret­weete sont sou­vent pro-indépendantistes. « La majo­ri­té des écri­vains sont en faveur de l’indépendance », affirme Francesc Foguet Boreu, phi­lo­logue et pro­fes­seur de lit­té­ra­ture cata­lane, dans son bureau de l’université auto­nome de Barcelone (UAB).

De Felip V a Felip VI, la dinas­tia borbò­ni­ca abo­na­da a la cor­rup­ció, a la vio­lèn­cia i a l’animadversió a Catalunya.

— Joan Tardà i Coma (@JoanTarda) February 25, 2018

“De Philippe V à Philippe VI, la dynas­tie Bourbon est abon­née à la cor­rup­tion, la vio­lence et la haine contre la Catalogne.”

Pour Francesc Foguet, écrire en cata­lan est deve­nu une forme d’engagement : « Le livre cata­lan est un objet poli­tique. » Dès 2010, Albert Mestres, 57 ans, anti­ci­pait dans sa pièce Une his­toire de la Catalogne l’affrontement actuel entre Madrid et Barcelone. Aujourd’hui, au regard de la ten­sion poli­tique consé­cu­tive au réfé­ren­dum d’indépendance du 1ᵉʳ octobre, il refuse de par­ler de la vie par­ti­sane dans ses livres. « A part si tu veux faire de la pro­pa­gande, je crois qu’il ne faut pas s’engager. »

Une littérature militante qui se prétend neutre

Jeune illus­tra­trice pour enfants, Roser Calafell n’est pas de ceux qui hésitent. En 2011, son Abécédaire de l’indépendance, à des­ti­na­tion des enfants à par­tir de 4 ans, avait été l’objet de polé­miques. Avec un concept indé­pen­dan­tiste expli­qué par lettre, le livre a été accu­sé par les unio­nistes d’endoctriner les enfants, notam­ment sous le hash­tag #STOPadoctrinamiento sur Twitter. A la ter­rasse d’un café d’Horta, petit quar­tier de Barcelone aux allures de vil­lage où elle vit, la petite brune se défend. « Ce n’est pas un manuel sco­laire. Personne n’est obli­gé de l’acheter. » Sauf qu’à sa paru­tion, l’objectif affi­ché de la mai­son d’édition La Galera était bien de faire de cet abé­cé­daire un maté­riel didac­tique pour les écoles.

¿Alguien ve nor­mal esto ? #STOPadoctrinamiento #L6NRivera pic.twitter.com/ETB8Za6bg4

— La Catalunya Sensata (@CAT_Sensata) November 25, 2017

“Quelqu’un trouve cela normal ?”

Pour l’illustratrice, il faut par­ler de la situa­tion poli­tique aux enfants. « On vit actuel­le­ment un moment par­ti­cu­lier. Les petits posent des ques­tions. Ils nous demandent pour­quoi on veut l’indépendance, si la police est méchante… » Son enga­ge­ment lit­té­raire n’est pas sans consé­quences. « J’ai reçu des insultes. Maintenant, j’ai la boule au ventre », raconte-t-elle en bais­sant la voix, le regard fure­tant autour d’elle.

A l’in­verse de Roser Calafell, rares sont les auteurs cata­lans qui assument leur enga­ge­ment poli­tique jusque dans leurs livres. Antoni Dalmases est de ceux qui pré­fèrent la dis­cré­tion. A 64 ans, l’auteur de lit­té­ra­ture de jeu­nesse arbore ruban jaune sur son man­teau et badge sur son pull en signe d’in­di­gna­tion de l’in­car­cé­ra­tion des lea­ders indé­pen­dan­tistes. « Tous les jours », pré­cise t‑il. Pourtant, ses livres n’abordent presque jamais de sujets poli­tiques. Analysant sa posi­tion, il explique que la lit­té­ra­ture cata­lane est « une lit­té­ra­ture mili­tante qui pré­tend être neutre. »

Gran Via de les Corts Catalanes, Barcelone, 21 février 2018. Comme tous les jours, Antoni Dalmases, auteur jeu­nesse, porte un ruban jaune et un badge “Liberté pour les pri­son­niers poli­tiques”. ©Clara Cristalli

Bouclier de l’identité catalane

Selon le spé­cia­liste Xavi Ayén, les auteurs qui écrivent en cata­lan ne le font pas for­cé­ment pour rai­sons mili­tantes mais par « amour de leur langue ». Un registre émo­tion­nel employé par Joan Lluis Lluis. L’auteur, qui a gran­di en France et a reçu une édu­ca­tion en fran­çais, se sou­vient de son choix d’apprendre à écrire en cata­lan : « Il me man­quait une par­tie de mon iden­ti­té dont on ne m’avait jamais par­lé. »

Pour Xavi Ayén, les auteurs « savent qu’ils ne pour­ront pas vivre de leurs écrits, et qu’ils se coupent notam­ment du mar­ché latino-américain », les tra­duc­tions du cata­lan au cas­tillan étant rares. Oubliant son expres­so posé sur la table en bois d’un café bran­ché de Barcelone, Antoni Dalmases concède d’un air sérieux : « Je gagne­rais plus en cas­tillan, donc c’est peut-être du mili­tan­tisme ». Désabusé, il ajoute : « pour les jeunes, la lit­té­ra­ture cata­lane est une lit­té­ra­ture comme les autres. Nous, les per­sonnes âgées, on sait qu’il faut la défendre, que c’est notre identité. »

Ceux qui n’écrivent pas en cata­lan sont par­fois mal consi­dé­rés par les auteurs cata­lo­no­phones. « Il y a des écri­vains cata­lans qui se reven­diquent cata­lans alors qu’ils écrivent en cas­tillan : qu’ils aillent à l’institut Cervantès », s’énerve Jaume Cabré au sujet de l’institution cultu­relle qui pro­meut le cas­tillan dans le monde.

« Avec son hostilité, l’institut Cervantès nous fait trébucher »

Pour Francesc Foguet Boreu, la créa­tion de ces ins­ti­tu­tions va de soi : « On veut avoir une lit­té­ra­ture comme les autres. Avec un Etat der­rière elle et un rang international. » 

« Avec son hos­ti­li­té, l’institut Cervantès nous fait tré­bu­cher », fris­sonne Àlex Susanna dans son cos­tume en velours beige sans perdre sa véhé­mence. Sur la ter­rasse ver­doyante du café de la librai­rie “Laie”, haut-lieu de la lit­té­ra­ture bar­ce­lo­naise, le poète n’est pas seul. A quelques mètres, Lluis Morral, dis­cret direc­teur de la librai­rie, approuve le message.

Tous deux reprochent à l’institut Cervantès de ne pas res­pec­ter ses sta­tuts. Cette ins­ti­tu­tion cultu­relle pré­si­dée par le roi Felipe VI et le pré­sident du gou­ver­ne­ment Mariano Rajoy pro­meut et dif­fuse le cas­tillan, la langue du pays. Avec un bud­get de 120,5 mil­lions d’euros, l’institut ne pré­cise pas quelle part il consacre au cata­lan. Il offre 200 000 ins­crip­tions en cours de cas­tillan contre 900 en cata­lan, pour­tant recon­nu par la Constitution espa­gnole comme langue offi­cielle. Avec près de 900 employés dans le monde, l’organisme ne pos­sède même pas de bureaux à Barcelone, capi­tale lit­té­raire du monde his­pa­no­phone grâce à ses près de 200 mai­sons d’édition.

En 2014, l’annulation de la pré­sen­ta­tion du livre Victus, Barcelona 1714, du Catalan Albert Sanchez Piñol, à l’Institut Cervantès d’Utrecht, aux Pays-Bas, avait per­mis aux sépa­ra­tistes d’accuser le gou­ver­ne­ment – dont dépend l’institut – d’autoritarisme. L’organisme crai­gnait que le roman his­to­rique qui rela­tait le siège de Barcelone jusqu’à sa red­di­tion à la cou­ronne d’Espagne en 1714, ne réveille les vel­léi­tés indé­pen­dan­tistes. Depuis, les ten­sions entre Barcelone et Madrid ne s’apaisent pas autour de l’importance que l’institut doit accor­der au catalan.

« L’institut Ramon Llull est notre institut Cervantès »

L’Institut Cervantès a ses alter ego cata­lans. Fondé par le gou­ver­ne­ment cata­lan, le gou­ver­ne­ment des Baléares et la mai­rie de Barcelone, l’Institut Ramon Llull (IRL) est le plus connu d’entre eux. Du nom d’une figure de la lit­té­ra­ture cata­lane dont les oeuvres ont été dif­fu­sées dans le monde entier au Moyen-Age, l’IRL s’occupe de pro­mou­voir la lit­té­ra­ture cata­lane à l’étranger. « L’institut Ramon Llull est notre ins­ti­tut Cervantès », se targue Jordi Nopca, jeune auteur de 35 ans, à la rédac­tion du nou­veau média cata­lan Ara.

En 2016, l’Institució de les lletres cata­lanes (Institut des lettres cata­lanes) lui a remis un prix qui récom­pense sa créa­tion d’œuvres lit­té­raires en cata­lan. Cet autre orga­nisme, dépen­dant de la Generalitat de Catalogne (qui regroupe le gou­ver­ne­ment, le par­le­ment et le conseil exé­cu­tif de la région), dis­pose d’un bud­get de 1,3 mil­lion d’euros pour publier des livres – plus de 22 000 depuis sa créa­tion en 1937 -, orga­ni­ser des acti­vi­tés lit­té­raires et appor­ter un sou­tien finan­cier aux auteurs – notam­ment par le biais de l’Association des écri­vains en langue catalane.

Très active sur les réseaux sociaux, l’Associació d’es­crip­tors en llen­gua cata­la­na (AELC) ras­semble plus de 400 auteurs pour un bud­get annuel de près de 250 000 euros. L’AELC a pour mis­sion de défendre les inté­rêts des auteurs cata­lans, et de les repré­sen­ter auprès des ins­ti­tu­tions natio­nales et inter­na­tio­nales. Elle orga­nise aus­si des acti­vi­tés liées à l’écriture. 

« Une volonté de survivre »

Avec 25 % des livres pro­po­sés dans les librai­ries de Catalogne, l’offre lit­té­raire cata­lane est loin de faire le poids contre la cas­tillane. La région est pour­tant offi­ciel­le­ment bilingue. A Barcelone, dif­fi­cile de trou­ver des édi­teurs qui ne publient pas en cata­lan. Même Planeta, lea­der du sec­teur, pos­sède sa filiale en cata­lan, Ediciones 62.

Librairie “Calders”, Barcelone, 21 février 2018. Créée en 2014, la “Calders” est l’une des der­nières librai­ries indé­pen­dantes nées à Barcelone. ©Clara Cristalli

Pour Joan Lluis Lluis, « on peut cri­ti­quer la scène du livre cata­lan mais on ne peut pas dire qu’elle soit pas­sive ». Résultat d’une édu­ca­tion bilingue depuis la fin du fran­quisme, les jeunes sont les prin­ci­paux lec­teurs en cata­lan, observent les libraires bar­ce­lo­nais. Cette nou­velle géné­ra­tion a don­né du dyna­misme au sec­teur lit­té­raire bar­ce­lo­nais, avec la créa­tion de près de trente librai­ries et au moins dix mai­sons d’édition indé­pen­dantes dans les années 2010. Près de 125 livres cata­lans par an ont été tra­duits depuis la pré­sence de la Catalogne à la Foire du livre de Francfort en 2007, selon l’Institut Ramon Llull.

Représentant de la nou­velle géné­ra­tion cata­lane, Jordi Nopca en est sûr, en Catalogne, « cette vita­li­té est due à une volon­té de survivre. »

Travail enca­dré par Alain Salles, Henry de Laguérie, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon.

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Rubrique : Des mots qui comptentMots-clés : indépendance, catalogne, littérature, livre, édition, lecture

Comment le gouvernement catalan marginalise l’usage de l’espagnol

Depuis 2005, il est pos­sible de rece­voir une amende pour avoir refu­sé de par­ler cata­lan en Catalogne. Dénonciations ano­nymes, pres­sions poli­tiques, la Généralitat semble avoir pris toutes les dis­po­si­tions néces­saires pour faire recu­ler l’usage de l’espagnol dans la région. 

Catalogne : une crise, deux langues pour l’alimenter

En Catalogne, le cata­lan et le cas­tillan sont les deux langues offi­cielles et uti­li­sées dans la vie sociale. Mais le bilin­guisme est mal­me­né par les ten­sions qui tra­versent la socié­té depuis le réfé­ren­dum sur l’indépendance de la région. Plongée dans une famille bilingue, pour qui des situa­tions jus­qu’i­ci banales deviennent plus délicates.

« Lisez des livres en catalan ! » : le combat des éditeurs barcelonais

Dans l’ombre de la lit­té­ra­ture espa­gnole, les publi­ca­tions en cata­lan peinent à trou­ver leur public. Conscient des limites de son mar­ché, le monde du livre bar­ce­lo­nais diver­si­fie son offre pour que la popu­la­tion régio­nale lise davan­tage en cata­lan et délaisse les ouvrages en castillan.

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