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Le média de la CFJ72 à Barcelone

A Vila-Rodona, l’église qui sanctuarise l’indépendantisme catalan

La paroisse du petit vil­lage de Vila-Rodona, dans la pro­vince de Tarragone, a accueilli le 1er octobre der­nier le recomp­tage des voix du refe­ren­dum d’autodétermination de la Catalogne. Les habi­tants de la région voient dans l’église un nou­vel appui pour défendre la cause natio­na­liste alors que la situa­tion poli­tique est actuel­le­ment bloquée. 

Écrit par Gaspard De Florival Enquête de Gaspard de Florival et Romain Houg, à Vila-Rodona
Publié le 5 mars 201822 mars 2018
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« Ce 1ᵉʳ octobre, l’opinion que j’avais de l’Église a chan­gé », affirme Jordi, Catalan de 42 ans. Habitant d’El Pont Armentera, il se sou­vient que quelque chose de nou­veau a ger­mé à quelques kilo­mètres de chez lui, dans l’église de Vila-Rodona, le jour du réfé­ren­dum sur l’indépendance de la Catalogne. Comme chaque mar­di, cet employé de grande sur­face vient faire son mar­ché dans cette petite com­mune de la pro­vince de Tarragone à une heure au sud de Barcelone. Olives, amandes, noi­settes et autres spé­cia­li­tés locales s’étalent sur les stands de la place de l’église. « Je fais dix kilo­mètres chaque semaine pour venir, assure-t-il, cas­quette bleu vis­sée sur la tête, les sacs rem­plis de légumes. Nous sommes sur une terre agri­cole, qui vit de son sol. C’est pour cela que je viens ici ache­ter des pro­duits frais », explique-t-il en espa­gnol. Jordi, indé­pen­dan­tiste convain­cu, n’aime pas par­ler cette langue. « Ce n’est pas la mienne », souligne-t-il, habillé d’une cocarde dorée sur la poi­trine, sym­bole des natio­na­listes cata­lans. Comme lui, des tas de gens, croyants ou pas, consi­dèrent que l’église a un rôle à jouer dans le com­bat indé­pen­dan­tiste après ce qu’il s’est pas­sé à Vila-Rodona.

Vila-Rodona, 20 février 2018. L’église de Vila-Rodona a accueilli le recomp­tage des voix du réfé­ren­dum d’au­to­dé­ter­mi­na­tion le 1ᵉʳ octobre der­nier. ©Gaspard de Florival

Le 1ᵉʳ octobre der­nier, jour de scru­tin, quelques minutes après la réunion du col­lège élec­to­ral pour le réfé­ren­dum d’autodétermination, l’église Santa Maria de Vila-Rodona est le théâtre d’une scène sur­réa­liste. Francesc Manresa, arche­vêque de Tarragone et prêtre du vil­lage, raconte : « Les habi­tants sont venus me deman­der s’ils pou­vaient accueillir dans leur paroisse un recomp­tage des voix. Ils esti­maient que dans l’église, la police ne pou­vait pas inter­ve­nir comme elle l’avait fait dans les col­lèges élec­to­raux de Cabra del Camp ou Vilabella, des vil­lages voi­sins. Je leur ai ouvert les portes ».

Aucune messe n’est à l’agenda ce jour-là. Le prêtre Manresa enfile son aube. Les familles du vil­lage se pressent dans l’enceinte reli­gieuse. La cla­meur des hour­ras accueille l’urne. Devant l’autel, le comp­tage des voix com­mence. L’audience entonne « El Virolai », chant cata­lan de louange à la vierge de Montserrat, repris dans les cor­tèges de mani­fes­ta­tions indé­pen­dan­tistes. « Contrairement à ce qui a été rap­por­té, je n’ai pas célé­bré l’Eucharistie ». L’habit de messe ? Les chants des fidèles ? « Une ruse pour trom­per la police », explique le prêtre.

« L’église a accueilli la démocratie »

« Cette scène a fait beau­coup de bruit parce que c’était inédit, sou­ligne Jordi tout en essayant de faire de la place dans ses sacs pour la char­cu­te­rie. Cela a appor­té quelque chose de concret à notre com­bat. Preuve que cette réunion dans l’église a été utile, la presse en parle. Beaucoup plus que les mani­fes­ta­tions qui ne changent pas grand-chose. » « Cet épi­sode a été lar­ge­ment média­ti­sé, plus que je ne l’aurais cru, admet le prêtre. Je conti­nue à pen­ser que ce jour-là, l’église a accueilli la démo­cra­tie. La paroisse s’est trans­for­mée en un lieu de joie, d’allégresse, de bien­ve­nue. »

Virolai à la Mère de Monserrat

Rose d’avril, femme de la montagne
Etoile de Montserrat,
Illuminez la terre catalane
Guidez-nous vers le ciel
Guidez-nous vers le ciel

Des Catalans vous serez tou­jours la Princesse,
Des Espagnols, l’Etoile d’orient.
Pour les bons, soyez la force,
Pour les pécheurs, le port du salut !

Consolez ceux qui quittent leur patrie,
Sans plus jamais voir les som­mets de Montserrat.
Sur terre ou mer, écou­tez ceux qui vous implorent
Tournez vers Dieu les cœurs qui l’ont abandonné

Médiatisé depuis ce coup d’éclat, Francesc Manresa assume. « L’église est un lieu d’écoute où cha­cun doit se sen­tir libre de s’exprimer. C’est pour cela que si c’était à refaire, je le refe­rais ». L’homme a connu un par­cours sinueux dans l’Église. Agé de 78 ans, il offi­cie dans la pro­vince de Barcelone depuis près de cin­quante ans. Un temps éloi­gné de la reli­gion car marié et père de famille, il a deman­dé de nou­veau l’admission dans les ordres en 2000. Le 25 sep­tembre der­nier, Francesc Manresa a signé avec 400 prêtres, une lettre adres­sée au Vatican deman­dant au Pape d’infléchir sa posi­tion quant à l’opposition de l’Église à ce référendum.

Nationalisme exacerbé

Le vil­lage de Vila-Rodona fait figure d’exception. La com­mune d’un mil­lier d’habitants s’est majo­ri­tai­re­ment pro­non­cée pour JUNTSxCat, coa­li­tion poli­tique indé­pen­dan­tiste cata­lane, aux élec­tions du Parlement de Catalogne de 2017, alors que le domaine de Camp de Tarragona (Camp de Tarragone) est le ter­ri­toire le moins mobi­li­sé pour l’indépendance de la Catalogne (36,82% de par­ti­ci­pa­tion au réfé­ren­dum d’autodétermination).

Pour Ivan Faccia Serrano, théo­lo­gien de 52 ans vivant à Cunit, les terres à l’intérieur de la Catalogne et les petites com­munes cultivent un natio­na­lisme plus fervent que dans les grandes villes. « Ce sont des ter­ri­toires plus recu­lés, la langue cata­lane est davan­tage par­lée car elle est trans­mise par les parents et est ensei­gnée dans les écoles », explique-t-il.

Barcelone, 23 février 2018. Ivan Faccia Serrano au café Zurich, place de Catalogne à Barcelone. ©Gaspard de Florival

A Vila-Rodona, le mar­ché prend fin en début d’après-midi. Tout le monde se dis­perse très rapi­de­ment. Les ruelles se vident. Un natio­na­lisme exa­cer­bé appa­raît alors sur les murs. Les cou­leurs de l’Espagne ont dis­pa­ru du fron­ton de l’Hôtel de ville où flottent les dra­peaux cata­lan et euro­péen. Au détour d’une rue pavée qui rap­pelle celles des vil­lages de Provence, on aper­çoit le nombre 155, tagué et bar­ré, en réfé­rence à l’article de la Constitution espa­gnole, qui per­met à l’État de reprendre le contrôle sur les com­mu­nau­tés auto­nomes man­quant à leurs obligations.

Vila-Rodona, 20 février 2018. Les rubans jaunes natio­na­listes ornent les rues de Vila-Rodona. ©Gaspard de Florival 
Vila-Rodona, 20 février 2018. Les habi­tants de Vila-Rodona s’insurgent contre l’article 155 de la Constitution espa­gnole. ©Gaspard de Florival 

« Il y a plus de qua­rante ans, alors que j’officiais à l’é­glise de San Ignacio de Loyola à Barcelone, nous avions accueilli des tra­vailleurs clan­des­tins, raconte le père Manresa. Les gué­rille­ros de Franco ont péné­tré dans l’enceinte avec des mitraillettes. Heureusement, ils n’ont rien fait. Mais je me réjouis que cette fois, ce soit une urne et pas une arme qui soit entrée dans l’église. »

Sauf que depuis ces ins­tants d’allégresse, la situa­tion poli­tique en Catalogne est blo­quée. Aucun gou­ver­ne­ment n’a, à ce jour, été ins­tau­ré et la per­sonne de Carles Puigdemont, exi­lée en Belgique, freine une sor­tie de crise. Des habi­tants de la région comptent sur les églises locales pour entre­te­nir le mouvement.

Ivan Faccia Serrano nuance le rôle de l’église. « Ce ne sont pas les valeurs reli­gieuses qui sont en jeu dans l’affrontement entre indé­pen­dan­tistes et unio­nistes, sou­ligne le théo­lo­gien. Le mou­ve­ment indé­pen­dan­tiste est un élan civique dans lequelle existe une branche reli­gieuse avec ses idées. L’église se doit de vivre dans la diver­si­té, car c’est la pho­to­gra­phie réelle de la société. »

« Ce qui s’est passé à Vila-Rodona est fondateur »

Pas de quoi frei­ner l’ardeur des habi­tants. Du haut de son siège de conduc­teur d’autobus, Miguel, indé­pen­dan­tiste de 49 ans, domine la cam­pagne. Plusieurs fois par jour, il relie Vila-Rodona à Tarragone. « Nous sommes dans la comarque de l’Alt Camp. C’est rocheux, je n’ai pas choi­si le tra­vail le plus facile », sourit-il, un œil sur la route, l’autre sur son télé­phone portable.

Valls, 20 février 2018. L’église de Valls, com­mune voi­sine de Vila-Rodona, arbore le dra­peau catalan.©Gaspard de Florival

En fervent catho­lique, Miguel espère que l’église cata­lane sau­ra main­te­nir ses dis­tances avec le Vatican et conti­nuer à défendre l’indépendance. « Il y a sou­vent des débats pas­sion­nés dans le bus. Ce qui s’est pas­sé à Vila-Rodona est fon­da­teur, explique-t-il alors que les roues de l’autocar ser­pentent dan­ge­reu­se­ment, entre deux fos­sés, les che­mins de cam­pagne. J’apprécie que les prêtres s’engagent pour des causes aus­si concrètes. Des églises affichent sur leur façade des dra­peaux cata­lans. Les choses changent. »

Jordi dit y croire aus­si. « D’autres réunions doivent être orga­ni­sées dans les églises, affirme-t-il, avant de reprendre la route à bord de sa Renault Mégane. C’est très sym­bo­lique de défendre le pro­grès dans un lieu conser­va­teur. »

Travail enca­dré par Cédric Rouquette, Alain Salles et Henry de Laguérie.

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Rubrique : Dos à dosMots-clés : indépendance, barcelone, vila-rodona, église, catalan, prêtre, référendum, tarragone

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