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Le média de la CFJ72 à Barcelone

Barça/Espanyol : une rivalité au-delà du terrain

A Barcelone, coha­bitent depuis plus d’un siècle deux clubs rivaux : le FC Barcelone et le RCD Espanyol Barcelone. Ennemis sur le ter­rain, leur riva­li­té ne se limite pas au sport mais impacte éga­le­ment les sphères poli­tique et sociale.

Écrit par Maxime Ducher Enquête de Maxime Ducher et Robin Richardot, à Barcelone
Publié le 2 mars 201815 mars 2018
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« Je suis Périco qua­si­ment 24 heures sur 24 et anti-Culé à la mort ! » Gabriel Rodenas, maréchal-ferrant de 40 ans, a tout d’un Périco lamb­da, un admi­ra­teur de l’Espanyol Barcelone, qui ne sup­porte lit­té­ra­le­ment pas le Barça et ses fans, les Culés. Pourtant, son his­toire avec le grand frère enne­mi, l’autre grand club de Barcelone, n’a pas tou­jours été aus­si radicale. 

« Quand j’étais petit, j’étais sup­por­ter du Barça parce que mon frère le sup­por­tait, se remé­more Gabriel. Mais en 1988, l’année de mes 9 ans, l’Espanyol Barcelone est remon­té en pre­mière divi­sion et j’ai vu mon beau-frère sor­tir des bou­teilles de cham­pagne. Il était comme un fou. Je n’avais jamais vu quelqu’un faire autant la fête. Je me suis alors dit : “Etre sup­por­ter de l’Espanyol, c’est le top !” »

Vic, 20 février 2018. Gabriel Rodenas est membre du kop de sup­por­ters des “Perikos inde­pen­den­tistes” depuis sa créa­tion, il y a huit ans. ©Robin Richardot

Dans la capi­tale cata­lane, le foot­ball fait par­tie inté­grante de la socié­té. Pour l’immense majo­ri­té des Barcelonais, un choix s’impose dès l’enfance. Devenir Culé et arbo­rer les cou­leurs bleu et gre­nat (ou blau­gra­na) du Barça, ou bien être Périco et sup­por­ter l’Espanyol en blanc et bleu (ou blan­quia­zul). Politiquement, adhé­rer à l’un ou à l’autre peut avoir son impor­tance. Les sup­por­ters peuvent être cata­lo­gués sui­vant l’i­mage de leur club. Quand le FC Barcelone ne cache pas son pen­chant pour l’indépendance de la Catalogne, l’Espanyol pré­fère res­ter neutre et apo­li­tique, quitte à endos­ser une répu­ta­tion d’unioniste.

Seulement huit kilo­mètres séparent le Camp Nou, antre du FC Barcelone, du stade Cornellà-El Prat du RCD Espanyol. Pourtant les deux clubs divisent la cité de Gaudí depuis plus d’un siècle. Supporter l’un des deux revient très sou­vent à détes­ter l’autre. Cette riva­li­té touche aus­si bien la sphère spor­tive que poli­tique et attise les ten­sions entre par­ti­sans d’un camp ou de l’autre.

Un derby du cœur

Les deux clubs bar­ce­lo­nais ont été fon­dés à un an d’intervalle (1899 pour le Barça et 1900 pour l’Espanyol). Partis sur un pied d’égalité, ils n’affichent pas le même pal­ma­rès… Le Barça tota­lise 23 titres de cham­pion d’Espagne, 27 Coupes du Roi et cinq tro­phées de Ligue des cham­pions (coupe d’Europe). Pour l’Espanyol, seule­ment quatre Coupes du Roi.

Financièrement, un gouffre sépare les deux bud­gets : 897 mil­lions d’euros pour l’ogre blau­gra­na contre 75 mil­lions d’euros pour le petit pou­cet blan­quia­zul. A la fin de la sai­son 2015–2016, le FC Barcelone recense 143 459 membres offi­ciels du club (ou socios) quand l’Espanyol n’a ven­du que 25 537 cartes du club.

Un rap­port de force très inégal carac­té­rise les deux clubs. L’un est un mas­to­donte du foot­ball euro­péen réunis­sant des sup­por­ters du monde entier. L’autre ne fait plus par­tie des cadors espa­gnols depuis les années 1950 mais conserve une image de club proche de ses fans.

Pour les Péri­cos, le match Espanyol-FC Barcelone (ou inver­se­ment) repré­sente le moment le plus impor­tant de l’année : le der­by. Ce match mythique où deux clubs géo­gra­phi­que­ment proches s’affrontent et cris­tal­lisent les pas­sions. Même si, aujourd’hui, le der­by cata­lan a spor­ti­ve­ment per­du de son intérêt.

Pour Sixto Cadenas, 52 ans, socio blau­gra­na depuis de nom­breuses années, un der­by reste un der­by, avec toutes les ten­sions qu’il com­prend, qu’importe l’écart de niveau : « Il y a une riva­li­té his­to­rique mais posi­tive parce qu’elle oblige les équipes à se subli­mer quand elles jouent l’une contre l’autre. »

Joan Collet, 56 ans, ex-président de l’Espanyol Barcelone (2012−2016), est socio des Péri­cos depuis plus de 40 ans et, pour lui, peu importe l’époque, rem­por­ter un der­by a tou­jours une saveur par­ti­cu­lière : « Etre sup­por­ter de l’Espanyol, c’est appar­te­nir à une mino­ri­té toute sa vie. Je me rap­pelle d’un match dans les années 70 au stade de Sarrià (ancien stade de l’Espanyol), j’étais enfant, on avait bat­tu le Barça 5–2 (sai­son 1974–1975, ndlr). Pour nous, c’était une prouesse ! Une vic­toire contre le Barça te marque tou­jours. Non seule­ment parce que c’est le rival, mais aus­si parce que c’est une vic­toire de pres­tige face à l’une des deux ou trois meilleures équipes du monde. »

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Avant de deve­nir pré­sident de l’Espanyol, Joan Collet a gra­vi tous les éche­lons du club (délé­gué géné­ral, etc.). ©Premsa RCDE

Dans l’histoire du der­by de Barcelone, 1924 repré­sente une date clé. Cette année-là, le der­by « des pièces de mon­naie » est l’un des plus âpres que les deux clubs aient eu à dis­pu­ter. Devant une foule innom­brable, Ricardo Saprissa, joueur de l’Espanyol, tacle vio­lem­ment la star bar­ce­lo­naise de l’é­poque, Paulinho Alcántara, et lui frac­ture la mâchoire. A ce moment pré­cis, les sup­por­ters com­mencent à jeter des cen­taines de pièces de mon­naie sur l’ar­bitre. Le match est même inter­rom­pu pour rai­son de sécu­ri­té et n’est rejoué que… 54 jours plus tard. Avec cet épi­sode, la riva­li­té bar­ce­lo­naise connaît son pre­mier pic de tensions.

Football militant

A l’origine, le Barça est fon­dé par un Suisse nom­mé Joan Gamper. La pre­mière équipe compte six Catalans et six étran­gers. Le club se veut alors uni­ver­sel et contraste avec la for­ma­tion de l’Espanyol com­po­sée à 100 % de joueurs… espagnols. 

Les pre­mières confron­ta­tions ne laissent appa­raître qu’une riva­li­té spor­tive. Mais en 1918, le Barça assume des reven­di­ca­tions poli­tiques et sociales lors de la cam­pagne auto­no­miste cata­lane. Un enga­ge­ment poli­tique, socié­tal et cultu­rel ins­crit jusque dans le slo­gan de l’é­quipe, « Més que un club » (« Plus qu’un club »). 

Cette vision glo­bale per­dure de nos jours. Des pro­jets soli­daires sont mis en place par le FC Barcelone à tra­vers le monde pour trans­mettre un cer­tain nombre de valeurs par l’intermédiaire du foot­ball (FutbolNet, BarçaKids, Joves Solidaris, etc.).

A l’occasion du nou­veau der­by cata­lan entre le Barça et Gérone au Camp Nou, same­di 24 février 2018, les « Independencia ! » ont réson­né dans l’enceinte du Camp Nou à la 17e minute et 14 secondes, en réfé­rence à 1714, année de la prise de Barcelone par les troupes de Philippe V d’Espagne. Les sup­por­ters ont éga­le­ment bran­di des ban­de­roles « Llibertat » en sou­tien aux indé­pen­dan­tistes empri­son­nés depuis le réfé­ren­dum du 1er octobre 2017.

Ce mou­ve­ment d’union a été relayé par l’emblématique figure du club bar­ce­lo­nais, Pep Guardiola, paré d’un ruban jaune sym­bo­lique lors de la finale de League Cup (Coupe anglaise), oppo­sant Manchester City (dont Guardiola est le coach) à Arsenal. Un geste pour­tant inter­dit par la Fédération anglaise de foot­ball. L’ancien joueur et entraî­neur blau­gra­na a envoyé un signal fort de sou­tien aux quatre pri­son­niers indé­pen­dan­tistes en arbo­rant ce ruban devant plu­sieurs mil­lions de télé­spec­ta­teurs, issus de tous les continents.

Vitrine politique

Entre 1936 et 1939, la guerre civile espa­gnole per­met à la poli­tique de prendre une place encore plus impor­tante dans le duel entre l’Espanyol et le Barça.

Au sein même de l’organisation du club blau­gra­na, le géné­ral Franco sou­haite impo­ser son dik­tat. Le FC Barcelone, bien que spor­ti­ve­ment en déclin depuis quelques années, béné­fi­cie tou­jours d’une renom­mée à l’international. Une aubaine pour le régime qui décide de faire du Barça sa vitrine poli­tique. Les diri­geants bar­ce­lo­nais sont alors vic­times d’une épu­ra­tion et rem­pla­cés par la junte fran­quiste. A l’Espanyol, rien de tel. Aucune épu­ra­tion à déplo­rer et les diri­geants d’avant-guerre res­tent à la barre.

Dans les années 1950, le dic­ta­teur espa­gnol évite au FC Barcelone une ban­que­route en épon­geant les dettes colos­sales du club dues à la construc­tion de la nou­velle enceinte blau­gra­na, le gigan­tesque Camp Nou et ses 99 354 places. Profondément mar­quée par la période fran­quiste, l’image du Barça en pâtit tou­jours en 2018 auprès des fans de l’Espanyol. Anna M., pré­si­dente des Perikos inde­pen­den­tistes, assène : « Le Barça est le seul club de Catalogne que Franco a récom­pen­sé. Le Barça allait dis­pa­raître et Franco a mis de l’argent pour qu’il ne dis­pa­raisse pas. Je ne veux pas être comme le Barça. »

Dans les années 1980 et 1990, les ten­sions entre l’Espanyol et le Barça prennent une autre dimen­sion. Le 13 jan­vier 1991, à proxi­mi­té du stade de Sarrià, un jeune Péri­co de 20 ans est pris à par­tie par un groupe de Boixos Nois, frange la plus extrême des sup­por­ters bar­ce­lo­nais. Il est bat­tu à mort. Cet assas­si­nat marque l’apogée de la riva­li­té entre Blanquiazules et Blaugranas.

Gérard Piqué, paria de l’Espanyol

Depuis une dizaine d’années, un joueur per­son­ni­fie les ten­sions entre les deux clubs cata­lans : Gérard Piqué. Ne s’étant jamais posi­tion­né offi­ciel­le­ment comme par­ti­san de l’in­dé­pen­dance de la Catalogne, le défen­seur cen­tral blau­gra­na a tout de même par­ti­ci­pé à des mani­fes­ta­tions pro-référendum et inci­té publi­que­ment à aller voter le 1er octobre 2017.

Sur le ter­rain, Piqué et les Péri­cos par­tagent une his­toire com­mune mou­ve­men­tée. En témoigne la der­nière confron­ta­tion entre les deux équipes. Le 4 février 2018, lors de la 22e jour­née du cham­pion­nat espa­gnol, le RCD Espanyol reçoit au stade Cornellà-El Prat le grand rival blau­gra­na. Sous une pluie bat­tante, les Péri­cos tiennent leur vic­toire réfé­rence de la sai­son. Mais à la 82e minute, Piqué expé­die le bal­lon dans les filets adverses et célèbre son but en se tour­nant vers la tri­bune des socios péri­cos, son index sur la bouche, inti­mant au kop blan­quia­zul de se taire. S’ensuit une défer­lante de mes­sages sur Twitter.

« Sa femme colom­bienne, son idole argen­tine, son argent arabe, ses amis à Bruxelles. S’il y a un déra­ci­né, c’est bien Monsieur Piqué »
« Piqué : “l’Espanyol est chaque fois plus déra­ci­né”. Note : L’Espanyol de Barcelone fut fon­dé par un Catalan, le Barça fut fon­dé par un Suisse. Nul Piqué, je t’ai déjà beau­coup défen­du, mais là très mau­vais mon gars ! »

Quelques années plus tôt, un évé­ne­ment avait déjà enve­ni­mé les rap­ports plus que ten­dus de Gérard Piqué avec les Péri­cos. Gabriel Rodenas était pré­sent au stade olym­pique de Montjuic, prê­té à l’Espanyol, le 27 sep­tembre 2008 : « Les Boixos Nois sont entrés avec des fumi­gènes. A un moment, ils ont com­men­cé à jeter les fumi­gènes allu­més sur la tri­bune infé­rieure. En des­sous, il y avait des familles, des enfants. Le jeu a été arrê­té à cause du feu et de la fumée. Des gens criaient. A la fin du match, Piqué est venu devant la tri­bune et a applau­di. A par­tir de ce der­by, les sup­por­ters de l’Espanyol ne peuvent plus voir Piqué. Et cela n’a rien à voir avec son indé­pen­dan­tisme. Piqué est un clown ! »

Un seul moment d’union

Durant plus d’un siècle, la riva­li­té entre le Barça et l’Espanyol a ryth­mé le quo­ti­dien des socios des deux camps. Malgré les vel­léi­tés plus ou moins exa­cer­bées au fil des années, tous s’accordent à dire qu’un moment d’union est à recen­ser. Un seul. Un deuil et quelques mots rédi­gés au mar­queur noir sur un t‑shirt blanc : « Dani Jarque, pour tou­jours par­mi nous. »

Le 11 juillet 2010, Andres Iniesta, star du Barça, offre la vic­toire à l’Espagne en finale de Coupe du monde à Johannesburg (Afrique du Sud) grâce à un but ins­crit en pro­lon­ga­tion. Mais ce soir-là, il offre sur­tout un vibrant hom­mage à son défunt ami de tou­jours, Dani Jarque, capi­taine emblé­ma­tique de… l’Espanyol. Les deux joueurs se sont connus dans les caté­go­ries jeunes en Espagne. Comme un sym­bole, le numé­ro 6 de la Roja (équipe d’Espagne) retire son maillot lors de sa célé­bra­tion et expose au monde entier son mes­sage d’adieu à son ami.

Même pour Anna M., fer­vente anti-Culés, c’est un geste fort : « J’adore Iniesta en tant qu’homme. Peu m’importe le maillot qu’il porte, Iniesta a un cœur immense. » « Iniesta est un grand mon­sieur, ajoute Gabriel Rodenas. Je l’applaudirai par­tout. Monsieur Iniesta. »

Barcelone, 18 février 2018. Le fameux t‑shirt d’Iniesta en hom­mage à son ami Dani Jarque est désor­mais expo­sé dans les tra­vées du stade Cornellà-El Prat de l’Espanyol. ©Robin Richardot

Depuis, des salves d’applaudissements des Péricos accom­pagnent chaque entrée sur la pelouse du capi­taine du FC Barcelone. Il est le seul blau­gra­na à pou­voir s’en tar­guer. Et cela risque de durer.

Travail enca­dré par Frédéric Traini, Alain Salles, Cédric Rouquette et Cédric Molle-Laurençon.

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Rubrique : Vivre la criseMots-clés : football, barcelone, Barca, Espanyol, rivalité, sport

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